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2. Recension des écrits

2.6 Participation

2.6.3 Comité consultatif : un vecteur de traduction des connaissances

2.6.3 Comité consultatif : un vecteur de traduction des

connaissances

Bien que quantité de résultats scientifiques soient continuellement produits, un énorme fossé persiste entre la recherche et la pratique (Green, Ottoson, García, & Hiatt, 2009; Pablos-Mendez & Shademani 2006; Wallerstein & Duran, 2010). L’intégration d’un comité consultatif à la démarche de recherche constitue une avenue privilégiée pour réduire la distance qui sépare la production de nouvelles connaissances scientifiques de leur application pratique (Campbell, 2010; Green et al., 2009; Green & Mercer, 2001; Harris, 2006; Vingilis et al., 2003; Wilson, Lavis, Travers, & Rourke, 2010). En favorisant l’intégration de questionnements des acteurs intéressés dans le protocole de recherche, les projets participatifs facilitent la transformation des connaissances en pratiques concrètes (Aguilar- Gaxiola et al., 2002). Ils permettent également d’aborder des problèmes sociaux

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qui, conformément à leur nature, exigent des solutions collectives (Park, 1993). Ce type de recherche est donc approprié pour étudier la stigmatisation des PVVIH (Mahajan et al., 2008).

Afin de contribuer à la transformation des injustices sociales et politiques, les chercheurs qui utilisent des approches participatives s’engagent généralement à favoriser la transformation des résultats de leurs travaux en action sociale concrète (Cargo & Mercer, 2008; Minkler, 2005). Pour ce faire, ils cherchent à « transférer » les connaissances scientifiques dans les réseaux des acteurs impliqués (Brownson, Kreuter, Arrington, & True, 2006; Campbell, 2010; Cargo & Mercer, 2008; Colditz, Emmons, Vishwanath, & Kerner, 2008; Israel, Schulz, Parker, & Becker, 1998; Scharff & Mathews, 2008; Vingilis et al., 203).

Traditionnellement, le « transfert des connaissances » réfère à une circulation unidirectionnelle de l’information, des chercheurs vers les utilisateurs, en se limitant souvent à une réception passive de l’information (CIHR, 2004). Or, cette conceptualisation néglige la nature multidirectionnelle du processus qui implique deux aspects essentiels au changement de pratiques : la circulation et l’utilisation des connaissances scientifiques au sein de réseaux professionnels. Le processus de circulation des connaissances implique que l’information soit traitée ou qu’elle passe d’une personne à une autre. Il compte trois composantes essentielles : (1) la direction — l’émetteur et le récepteur, (2) le contenu partageable et (3) le messager — le média qui peut passer l’information (Zhuge, 2002; p.24). L’utilisation des connaissances, quant à elle, renvoie au processus de transformation des connaissances issues de la recherche, en pratiques concrètes (Stetler, 2001; p.272). Elle s’observe sous trois formes distinctes. L’utilisation instrumentale implique une application concrète des résultats de recherche de

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manière directe (Beyer, 1997; Estabrooks, 1999) pour réaliser des interventions et soutenir des décisions précises. L’utilisation cognitive ou conceptuelle implique la recherche d’une compréhension générale et potentiellement, une modification de la pensée d’un individu (Beyer, 1997; Estabrooks, 1999). Son influence est plus indirecte et moins précise que l’utilisation instrumentale (Beyer, 1997). L’utilisation symbolique ou stratégique implique le recours à la recherche comme outil d’influence politique ou persuasif pour légitimer certaines pratiques (Beyer, 1997; Estabrooks, 1999).

De manière générale, l’ampleur de la CUC est à la fois tributaire de la qualité des relations et des interactions entre les acteurs (Bowen, Martens, & The Need to Know Team, 2005; Chagnon, Pouliot, Malo, Gervais, & Pigeon, 2010; Greenhalgh, Robert, Macfarlane, Bate, & Kyriakidou, 2004; Mitton, Adair, McKenzie, Patten, & Perry, 2007), mais aussi de la pertinence des connaissances produites en temps opportun (Weiss, 1979). De plus, les contacts interactifs (en face à face), personnalisés, soutenus (dans le temps) et intenses (en terme de nombres) entre les utilisateurs et les producteurs des connaissances contribuent à faciliter le processus en instaurant une forme de confiance et de reconnaissance mutuelles (Amara, Ouimet, & Landry, 2004; Innvaer, Vist, Trommald, & Oxman, 2002; Kramer & Cole, 2003; Mudambi, Oliva, & Thomas, 2009; Tulloch et al., 2011). L’efficacité de la CUC est assurée par la présence de courtiers de connaissances qui jouent le rôle d’agent pivot pour lier les différents acteurs du réseau entre eux et assurer qu’ils partagent tous un langage commun (Loew, Bleimann, & Walsh, 2004; Lomas, 2007; Vingilis et al., 2003; Ward, House, & Hamer, 2009a).

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Les caractéristiques et la structure des réseaux professionnels impliqués ont aussi une importance influence sur la CUC (Cowan & Jonard, 2004; Fritsch & Kauffeld, 2010; Jansson, Benoit, Casey, Phillips, & Burns, 2010; Singh, 2005; Sorenson, Rivkin, & Fleming, 2006; Spencer, 2003). Ainsi, la CUC sera favorisée par un réseau relativement hétérogène, c’est-à-dire un réseau qui implique des acteurs de différents milieux, dont des décideurs et des intervenants (Jansson et al., 2010). De plus, la densité, caractérisée par des liens solides et directs, contribuera à encourager la CUC (Cowan & Jonard, 2004; Fritsch & Kauffeld, 2010; Singh, 2005; Sorenson et al., 2006). Les liens indirects au sein de réseaux moins denses ne sont toutefois pas négligeables, en ce sens où ils permettent d’étendre la portée des connaissances au-delà du groupe (Granovetter, 1983; Liu, 2011; Reagans & McEvily, 2003).

Comme il a été mentionné en introduction du présent segment, peu de travaux étudient les collaborations entre la pratique et la recherche dans le domaine du VIH. Plus exceptionnelles encore sont les études qui s’intéressent aux processus de traduction des connaissances, pourtant grandement favorisées dans ce type de projet (Patton, 1997). Ce type de recherche pourrait néanmoins contribuer à réduire la distance qui sépare souvent la recherche et la pratique (Bero et al., 1998; Mallonee, Fowler, & Istre, 2006), limitant l’émergence de pratiques novatrices.

Il est d’autant plus rare que des projets de recherche comme celui-ci s’intéressent à la fois à la production et à la manière dont les partenaires et leurs réseaux interagissent avec les connaissances scientifiques produites (Denis, Lehoux, & Champagne, 2004). Plutôt que de considérer le transfert de connaissances comme un processus relativement linéaire ou cyclique (Ward,

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House, & Hamer, 2009b), il est préférable de l’étudier comme un processus dynamique complexe, impliquant divers acteurs, processus qui se construit et évolue au cours d’un projet de recherche (Green et al., 2009; Lavis, Ross, McLeod, & Gildiner, 2003). Dans le domaine de la santé, les travaux se limitent essentiellement à la CUC entre deux groupes d’acteurs précis : les chercheurs et les décideurs politiques (Brownson & Jones, 2009; Lavis et al., 2003; Lomas, 2000), en négligeant les professionnels de la santé et les groupes communautaires. Ces derniers sont pourtant des acteurs-clés dans la traduction des connaissances et la pérennisation des interventions (Jansson et al., 2010; Kothari & Armstrong, 2011; Lencucha, Kothari, & Hamel, 2010; Mallonee et al., 2006).

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