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a1. Une ancienne annexe asséchée de la Méditerranée

En étudiant les nombreux travaux géologiques et géomorphologiques dont la presqu'île du Cap Bon a fait l'objet, on relève à de nombreuses reprises l'idée qu'un bras de mer occupait la plaine d'El Haouaria - Dar Chichou. M. Grosse23, à qui l'on doit une étude d'ensemble de l'évolution morphologique de la péninsule du Cap Bon, écrivait en 1969 : "Il est certain qu'un bras de mer a occupé au cours

du quaternaire la plaine d'El Haouaria - Dar Chichou. Si l'on connaît mal la profondeur de la formation marine, en revanche, on peut en trouver trace un peu partout à la surface de la plaine. Elle se présente sous forme de dépôts à cardium associés le plus souvent à des pétoncles". La plaine d'El Haouaria - Dar Chichou

représente une dépression tectonique synclinale, comblée par des dépôts quaternaires divers, le plus souvent sablonneux, limitée au Sud par la grande faille d'Azmour et dominée au Nord par l'anticlinal oligocène, d'aspect sauvage et abrupt vers la mer, du Djebel Sidi Abiod (393 m). "Il paraît certain que le Djebel

Sidi Abiod a été isolé du centre de la péninsule et est demeuré insulaire jusqu'au Tyrrhénien ancien. Son rattachement paraît dater de la régression de ce Tyrrhénien ancien".24 (Fig. 7 & 8)

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Grosse M. (1969) Recherches géomorphologiques dans la péninsule du Cap Bon.

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Source : J. Tricart (1968).

Fig. 7. – Oscillations glacio-eustasiques quaternaires du niveau général des mers.

D'après R. Paskoff et P. Sanlaville (1983) © S. Brun (2005). Fig. 8. – Chronologie marine dans le bassin méditerranéen occidental.

H. Sethom, quelques années plus tard dans une description de la plaine apporte certaines précisions quant à la profondeur des dépôts : "Cette fosse de

subsidence depuis le Pliocène contient des dépôts quaternaires divers, sableux et argileux, de 60 à 80 mètres de profondeur. Elle est restée un bras de mer jusqu'à une époque récente, celle de la mer à Strombes".25

L'idée de l'existence d'un ancien bras de mer est confirmée à la lecture des cartes dressées par A.Oueslati26, la zone d'extension de la mer au Pliocène coïncide étrangement avec le couloir de Dar Chichou. (Fig. 9.)

Les raisons climatiques ont leur part de responsabilité dans l'édification des dunes littorales tout comme la topographie et l'orientation de la dérive littorale l'ensemble de ces facteurs sont propices à donner naissance aux accumulations dunaires. Les transgressions marines ont vraisemblablement joué un rôle majeur dans l'édification des premiers systèmes dunaires. Les causes eustatiques ont contribuées, quant à elles, à l'établissement de différentes générations de dunes sur les littoraux27.

Au cours de période de haut niveau marin, les régressions de faible ampleur, en élargissant les espaces littoraux sableux, ont dans un premier temps favorisé la mise en place de champs de dunes et dans un second temps les phénomènes de déflation. (Fig. 10.)

Les travaux les plus récents, menés par R. Paskoff et P. Sanlaville28, montrent la grande extension des affleurements des dépôts marins et éoliens du Pléistocène supérieur de la péninsule du Cap Bon. Les sites à Strombes évoqués par H. Sethom y sont mentionnés. Le fossé d'effondrement apparaît très nettement et le Djebel Sidi Abiod s'isole remarquablement du reste de la presqu'île. (Fig. 11.)

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Sethom H. (1977) L’agriculture de la presqu’île du Cap Bon.

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Oueslati A. (1994) Les côtes de la Tunisie.

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Paskoff R. (1993) Les littoraux : impacts des aménagements sur leur évolution.

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Paskoff R. et Sanlaville P. (1983) Les côtes de la Tunisie, variations du niveau marin depuis le Tyrrhénien.

D'après A. Oueslati (1992) © S. Brun (2005).

Fig. 9. – Dar Chichou, un ancien bras de mer. La zone d'extension de la mer au Pliocène apparaît en clair.

Source : R. Paskoff (1985). Fig. 10. – Variations du niveau marin et formation de champs de dunes littorales.

Source : R. Paskoff et P. Sanlaville (1983). Fig. 11. – Localisation des affleurements des dépôts marins et éoliens du Pléistocène supérieur sur les côtes de la péninsule du Cap Bon.

a2. Un couloir entre de petites montagnes

La presqu'île, orientée Sud-Ouest / Nord-Est, apparaît comme une vaste zone plissée dont l'anticlinal du Djebel Sidi Abderrahmene constitue l'épine dorsale. La position excentrée vers l'Ouest de cette arrête montagneuse, limitée par les plaines de Grombalia au Sud, d'El Haouaria au Nord, de Takelsa à l'Ouest et de la Dakhla à l'Est donne au Cap Bon une allure dissymétrique. Ce grand crêt de grès oligocènes domine de plusieurs centaines de mètres la combe ovale d'El Hofra. Le relief présente une dissymétrie remarquable. (Fig. 12. & 13.)

Le versant occidental est abrupt et les côtes sont accidentées, rocheuses ou envahies par les dunes. Ce crêt occidental abrupt s'oppose à de petits crêts morcelés et très effacés, presque aplanis sur le flanc oriental. A l'Est, en effet, le piedmont s'abaisse progressivement jusqu'à la mer, le littoral est bordé d'anciennes formations de plages, de dunes et de lagunes allongées.

L'abondance des grès et la rareté des calcaires dans l'échelle stratigraphique font que les principaux djebels sont gréseux : Djebel Sidi Abderrahmene (602 m), Kef Er Rend, plus au Nord, qui porte le point culminant de la presqu'île (637 m), Djebel Ben Oulid (432 m). Ces reliefs montagneux ont une structure géologique jeune, le plus souvent dominée par des alternances de couches argileuses et de couches gréseuses datant du tertiaire. Partout ailleurs, ce sont les roches marneuses qui l'emportent et donnent au relief l'aspect de petites montagnes. (Fig. 14.)

"Région de plaines, de bas plateaux et de collines, d'une dizaine de kilomètres de largeur, la côte orientale est une vaste zone synclinale parallèle à l'anticlinal central du Cap Bon".29

Les plateaux constituent l'essentiel des surfaces dans la partie orientale. Ils s'inclinent de l'intérieur vers la côte, de 90-100 m à 10-15 m d'altitude.

D'après la carte topographique au 1/200 000, I.G.N. (1929) © S. Brun (2005). Fig. 12. – Les reliefs de la presqu'île du Cap Bon, localisation de la région d'étude.

© S. Brun (2005). Fig. 13. – Représentation "3D" de la partie Nord du Cap Bon.

D'après la carte géologique de la Tunisie au 1/200 000 de M. Solignac (1928) © S. Brun (2005). Fig. 14. – Géologie de la partie Nord de la presqu'île du Cap Bon. Le parcellaire forestier est figuré à l'arrière-plan (en vert).

Le plateau supérieur, recouvert d'une épaisse croûte calcaire, se termine en cuesta qui fait face aux djebels centraux, dont elle est séparée par une dépression orientée Nord / Sud. Une série de plateaux plus bas s'emboîtent dans le premier, dans les secteurs de vallées. Celles-ci sont amples à l'amont et se resserrent rapidement à l'aval : elles sont bordées par plusieurs terrasses étagées dont seulement la plus ancienne est encroûtée. Le littoral oriental est formé d'une côte rectiligne qui comprend la plage et le cordon de dunes actuel, un chapelet de lagunes, un plan incliné de 15 à 2 m représente une ancienne plage, un cordon littoral grésifié, culminant à plus de 30 m et enfin une plage plus ancienne, qui pénètre jusqu'à 6 km à l'intérieur des terres et monte jusqu'à 30 m d'altitude et même plus, et recouverte d'un sol rouge méditerranéen typique.

"Une fois rattachées au continent, la plaine d'El Haouaria et la pointe de Rass Addar ont mis en place un relief qui est très récent. Les formations dunaires en sont le trait dominant"30.

Les sables ont souvent été repris par le vent et ont donné naissance à des dunes, consolidées pour les plus anciennes, mobiles et fixées par le boisement pour les dunes actuelles.

"C'est le cas notamment de la diagonale dunaire de Dar Chichou, qui s'étend de Sidi Daoud, sur la côte Nord-Ouest, à Oued El Ksob sur la côte Est"31.

Le modelé de l'écharpe de Dar Chichou correspond à une topographie bosselée composée de petits monticules d'une hauteur moyenne de 5 à 10 mètres. L'altitude de la topographie dunaire, ne dépassant jamais 100 mètres, reflète en réalité le relief sous-jacent. Cette fosse de subsidence, ancien bras de mer quaternaire, a toujours été marécageuse jusqu'au travaux de drainage et d'assèchement relativement récents.

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Grosse M. (1969) op. cit.

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