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Combination of malaria vector control interventions in pyrethroid resistance area in Benin: a cluster randomised controlled trial

Corbel V, Akogbeto M, Damien G, Djenontin A, Chandre F, Rogier C, Moiroux N, Chabi J, Banganna B, Padonou G, Henry M-C:

The Lancet Infectious Diseases 2012, 12:617-626.

Résumé

Un essai contrôlé randomisé a été mené dans 28 villages du sud Bénin, dans la zone sanitaire de Ouidah-Kpomassè-Tori (OKT) dans le but de comparer l'efficacité de combinaisons de deux types d'interventions (MI + AI et MI + BMI) en termes de réduction de la morbidité palustre et de gestion de la résistance chez les vecteurs de Plasmodium. L'essai a été enregistré sur la base Current Control Trial (ISRCTN07404145) et a reçu au préalable l'accord du comité d'éthique en recherche biomédicale du Bénin (IRB00006860) et du comité d'éthique de l'IRD (Institut de Recherche pour le Développement). Quatre interventions (bras) ont été évaluées :

- distributions de MI en couverture sélectives (MIS, intervention témoin). La couverture sélective vise les femmes enceintes et les enfants de moins de 6 ans. Il s'agit de la stratégie mise en place dans tout le pays par le Plan national de lutte contre le paludisme (PNLP).

- distribution de MI en couverture universelle (MIU).

- combinaison de MI en couverture universelle et de BMI de bendiocarb recouvrant le tiers supérieur des murs (Djenontin et al. 2010) en couverture universelle (MIU+BMI).

- combinaison de MI en couverture sélective et d'AI de bendiocarb en couverture universelle (MIS+AI).

Les interventions ont été attribuées à chaque village de manière aléatoire à la suite d'un échantillonnage stratifié (Rogier et al. 2009). Des enquêtes transversales ont été menées toutes les 6 semaines durant 18 mois dans le but de mesurer la prévalence de l'infection à P.

falciparum et les densités parasitaires chez les enfants asymptomatiques de moins de 6 ans

(Damien et al. 2011). Une détection active des cas a également été réalisée dans le but de mesurer l'incidence du paludisme chez les enfants de moins de 6 ans. Des captures sur sujet humain ont été réalisées toutes les 6 semaines dans le but d’identifier les populations de vecteurs et de mesurer l'agressivité et l'intensité de la transmission. Les vecteurs capturés ont été identifiés au niveau spécifique à l'aide de clés de détermination (Gillies and Coetzee 1987, Gillies and De Meillon 1968) et de techniques moléculaires (PCR) (Favia et al. 2001, Koekemoer et al. 2002, Scott et al. 1993). Les fréquences alléliques des mutations L1014F (kdr) et G119S (Ace-1) ont été mesurées à l'aide de PCR diagnostiques (Martinez-Torres et

al. 1998, Weill et al. 2004). La parturité de vecteurs a été déterminée par dissection et la

présence de protéines circumsporozoïtaires a été recherchée par la technique ELISA (Wirtz et

al. 1987) pour calculer l'indice sporozoïtique et le taux d'inoculation entomologique (TIE).

Les taux de couverture des interventions, les taux d'utilisation et l'état des moustiquaires ont été contrôlés à l'occasion d'enquêtes trimestrielles dans un échantillon des foyers représentant 40% de la population. L'efficacité résiduelle des AI (renouvelées tous les 8 mois) et des BMI (ré-imprégnées tous les 4 mois (Djenontin et al. 2010)) a été contrôlée à l'aide de bio-essais effectués sur les substrats traités selon les méthodes recommandées par l'OMS (WHO 2006).

Les résultats de cet essai ont montré que les combinaisons (MIU+BMI et MIS+AI) n’ont pas réduit significativement la densité d’incidence palustre chez les enfants de moins de 6 ans, ni la prévalence des infections ni la densité parasitaire moyenne chez les enfants asymptomatiques par rapport au bras de référence (MIS). Des résultats similaires ont été obtenus sur l’intensité de la transmission (TIE) et sur le nombre moyen de piqûres reçu par

des interventions ont été satisfaisants (>70% pour les MI, BMI et AI), l’utilisation des moustiquaires a été en dessous ( 60%) du seuil fixé initialement (70%). Notons que ce taux était le plus élevé (environ 60 %) dans les villages ayant reçu une couverture universelle. La fréquence de la mutation L1014F chez An. gambiae s.s. a augmenté significativement, 18 mois post-intervention, pour toutes les interventions (de 30 % environ à plus de 70 %) et la mutation G119S n'a été observée que chez de rares individus représentant moins de 1% des vecteurs capturés. L'efficacité résiduelle des AI était faible après 8 mois (34 %) mais excellente sur les BMI (100%) après 4 mois d'utilisation.

Cette étude décrit les résultats du premier essai clinique contrôlé et randomisé pour évaluer des combinaisons de techniques de LAV en Afrique. De manière inquiétante, ces méthodes n'ont pas obtenu une efficacité supérieure à la couverture sélective de MI et n'ont pas permis de diminuer l'accroissement de la résistance aux pyréthrinoïdes. Ces méthodes avaient pourtant montré une apparente efficacité lors d'évaluations en cases expérimentales ou dans le cadre d'études de terrain non contrôlées (Akogbeto et al. 2011, Djenontin et al. 2010, Kleinschmidt et al. 2009, Okumu and Moore 2011). Il est donc important de comprendre et d'étudier les facteurs responsables de l'échec observé à OKT sachant que ce type d’interventions combinées (MI+AI) font l’objet d’études pilotes au Bénin et dans de nombreux autres pays africains (USAID 2012).

3.2 Les obstacles à l'efficacité des traitements

L’absence de gain ou d’effet supplémentaire sur la transmission et la protection contre le paludisme pourrait s’expliquer par une absence « d’effet de masse » des interventions au niveau communautaire (Hawley et al. 2003). Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces résultats, ils sont d'ordre opérationnel (couverture et utilisation des traitements, efficacité résiduelles des insecticides...etc.) et biologique/génétique (caractéristiques des populations de vecteurs, résistance, comportement). Parmi les facteurs d'ordre opérationnel qui sont susceptibles d'avoir influencé l'efficacité des méthodes de LAV, on remarque que l'activité résiduelle des insecticides carbamate lors de leur utilisation en AI baissait considérablement avant leur renouvellement (8 mois). La structure poreuse des murs des maisons et la fréquence trop faible de renouvellement ont pu limiter considérablement l'effet de la combinaison MIS+AI. L'efficacité résiduelle du carbamate en imprégnation de BMI était, quant à elle,

excellente mais la surface de mur couverte pourrait avoir été insuffisante pour cibler massivement la population de vecteur endophile. De plus, les taux d'utilisation des MI, intervention commune à tous les bras, n'ont pas en moyenne dépassé 60 % ce qui pourrait être insuffisant pour obtenir un effet de masse.

Parmi les facteurs d'ordre biologique qui sont susceptibles d'avoir influencé l'efficacité des méthodes de LAV, il y a l'accroissement de la résistance des vecteurs aux insecticides pyréthrinoïdes qui, nous l’avons vu, a été mise en cause dans la baisse d'efficacité des MI (Asidi et al. 2012, N'Guessan et al. 2007, Trape et al. 2011). En effet, nous avons observé que la fréquence de la mutation kdr a augmenté dans l'ensemble des villages mettant en évidence une forte pression de sélection par les MI. Nous avons également observé des taux d'exophagie plus élevés dans les villages ayant reçu les combinaisons. Ce comportement d'évitement dans les populations de vecteurs a été décrit (Govella and Ferguson 2012, Pates and Curtis 2005, Russell et al. 2011), ils peuvent avoir limité l'efficacité de la LAV.

A l’issu de cet essai, il est apparu évident qu’une multitude de facteurs (opérationnels, biologiques, humains, etc.) ont pu interférer avec les interventions de lutte anti-vectorielle en modulant leur efficacité. Ces facteurs opérationnels, biologiques et/ou humains interagissent dans un système complexe sous forte influence de l’environnement. Afin de mieux comprendre l’échec des interventions de LAV dans la zone sanitaire de OKT, nous avons étudié les facteurs intrinsèques et extrinsèques ayant pu jouer un rôle dans le risque d’exposition du contact entre l’homme et le vecteur. Les travaux qui sont développés dans cette thèse et dont les objectifs sont décris au paragraphe 3.4, visent à mieux comprendre ces facteurs et leurs interactions.

3.3 Les obstacles écologiques à la lutte anti-vectorielle

Ferguson et al. (2010) ont décrit les obstacles écologiques à la LAV qui peuvent tous être liés à la biodiversité des populations de vecteurs et à l'impact de l'environnement sur celles-ci. Les vecteurs de paludisme en Afrique cités au § 1.2 sont répartis dans des complexes d'espèces et parfois subdivisés à un niveau infra-spécifique. Ces espèces, formes

espèces sont présentes en sympatrie, chacune peut avoir une distribution spatio-temporelle spécifique et participer à la transmission du paludisme en des lieux, à des heures, des saisons et à des intensités différents. Face à la pression induite par la lutte, les différentes populations de vecteurs ne réagissent pas de manière identique et les mécanismes de résistance ne se distribuent pas aléatoirement parmi les espèces (Cf. Article 1). Il est donc important d'avoir une bonne connaissance de la diversité des vecteurs et de leur bio-écologie, en lien avec l'environnement, pour mieux comprendre la survenue du contact hôte-vecteur et les causes de l'échec des stratégies de lutte, à l'image des combinaisons d'insecticide testées au Sud Bénin dans le cadre de l'essai présenté dans l’Article 3.

Il apparait donc important de mieux comprendre les facteurs extrinsèques (environnementaux) et intrinsèques (liés aux vecteurs eux-mêmes) susceptibles d'impacter l'utilisation et l'efficacité des stratégies de lutte contre les vecteurs.

3.4 Objectifs de la thèse

L'objectif général de nos travaux est d’avoir une meilleure connaissance des facteurs impliqués dans les échecs de lutte anti-vectorielle au Bénin. Les objectifs secondaires sont les suivants :

i) Caractériser les populations de vecteurs (diversité, comportement, résistance) dans la zone d'étude avant la mise en place des interventions (chapitre 4).

ii) Etudier les déterminants environnementaux susceptibles d’influencer les taux d’utilisation des moustiquaires imprégnées et la transmission du Plasmodium (chapitre 4).

iii) Modéliser le risque d’exposition de l’homme aux vecteurs dans un contexte de LAV afin d'accroitre les connaissances de la bio-écologie des vecteurs et d'analyser l'impact des méthodes de LAV (chapitre 5).

iv) Etudier l'impact des interventions de LAV sur le comportement des vecteurs de

Chapitre 4 : Analyse de la situation précédant l'essai