• Aucun résultat trouvé

8. Présentation des principales multinationales domiciliées en Suisse et de leur chaîne

8.1 Les métaux précieux des batteries de smartphones

8.1.1 Le cobalt

Les deux géants miniers suisses, Glencore et Trafigura, sont en compétition dans l’extraction du cobalt au sud de la République démocratique du Congo (RDC) à Kolwezi, qui représente 60% de la production mondiale de cobalt (Besson, 2018).

Sur place, le cours du cobalt a connu un essor sans conséquent entre 2016 et 2018 et a provoqué une ruée d’environ 110'000 à 200’000 mineurs, communément appelé des « creuseurs », vers les mines artisanales. Le cadre de travail y est inhumain. Néanmoins, les habitants de cette région vivent dans des conditions extrêmement rudimentaires et sont totalement dépendants des emplois générés par le cobalt afin de nourrir leur famille. La plupart travaillent dans ces sites miniers au péril de leur vie. Les mineurs creusent à mains nues et à plusieurs mètres de profondeur afin d’extraire le cobalt. Ces galeries ne sont pas sécurisées, mal aérées et sont susceptibles de s’effondrer à tout moment. On estime entre 2014 et 2015 que quatre-vingts décès ont eu lieu à la suite de ces effondrements. Toutefois, ces chiffres sont sous-estimés, car beaucoup de ces décès ne sont pas répertoriés et les corps sont tout simplement abandonnés dans les galeries. Parmi les travailleurs sur les sites miniers, il subsiste environ 40'000 enfants qui travaillent dix à douze heures par jour pour un à deux dollars. Certains soulèvent des sacs entre vingt à quarante kilos et d’autres creusent parfois plus de vingt-quatre heures sous terre. L’OIT a classé le travail de ces enfants comme la pire forme de travail dans la mesure où celui-ci nuit à la santé, à la sécurité ou au psychisme de l’enfant. Ainsi, l’OIT demande au Gouvernement congolais d’agir promptement dans le but d’interdire et d’éradiquer cette forme de travail d’enfants (Durand, Feriel, 2018).

8.1.1.1 Trafigura et les pires formes de travail des enfants congolaises

Trafigura s’est positionné en tant que leader mondial de négoce du cobalt en moins de quatre ans. En 2018, Trafigura s’est engagé à se procurer du cobalt uniquement auprès de Chemaf, groupe minier de RDC dont la mine Mutoshi est au Kantaga. Leur minerai provient d’ASM. Afin de contrer le travail d’enfants, Trafigura inaugure un projet pilote à la mine de Mutoshi afin de garantir des équipements de protection aux mineurs et à les inclure au sein de coopératives. Un contrôle d’identité et des tests de dépistage de drogue et d’alcool, dans le but d’éviter les dopages, seront effectués à l’entrée du site. De plus, la sécurité des fossés sera augmentée et un système de rémunération plus équitable en fonction de la production de chaque mineur sera mis en place. L’ensemble de ces nouvelles mesures sera vérifié par un auditeur externe.

Néanmoins, Chemaf comprend plusieurs mines dont les conditions de travail mentionnées précédemment restent inchangées. Ainsi, un risque prépondérant sévit toujours sur le plan du travail d’enfants (Spörndli, 2020).

Concernant l’état de l’esclavage moderne en 2018, la Walk Free Foundation estimait le nombre d’esclaves à 1'045’000, soit près de 14 personnes sur 1000 au sein de la République démocratique du Congo. Ces chiffres placent ce pays au 12ème rang des pays

les plus touchés par l’esclavage moderne. La vulnérabilité du pays à l’esclavage moderne est extrêmement problématique : elle s’élève à 91.7%, comme expliqué ci-dessous (Walk Free Foundation, 2018).

Tableau 5 : Estimation de la vulnérabilité de la République démocratique du

Congo face à l’esclavage moderne en 2018

Stabilité gouvernementale Manque des besoins de bases Inégalité Privation des droits des minorités communautaires Impacts des conflits politiques Moyenne globale 77.2 50.8 55.6 46.5 86.7 91.7

Tableau adapté : (Walk Free Foundation, 2018)

À cet effet, le Gouvernement congolais peine à encadrer l’exploitation minière artisanale bien que son code minier sanctionne l’exercice d’un emploi avant 18 ans et l’irrespect des normes de santé et de sécurité au travail. En outre, son Code du travail interdit les pires formes de travail d’enfants reconnus par l’OIT. Il y a en effet un manque d’effectifs

d’inspecteurs qui les empêchent de contrôler et d’appliquer les règlementations de travail (Amnesty, 2016).

8.1.1.2 Glencore et les pires formes de travail des enfants congolaises

Contrairement à Trafigura, Glencore extrait directement le cobalt et se positionne en tant que premier producteur et fournisseur mondial avec sa mine Kamoto Copper Corporation (KCC) et la mine Mutanda Mining dans la province de Katanga en République Démocratique du Congo (Besson, 2018).

De plus, Glencore garantit à ses clients un cobalt exempt de travail d’enfants, aligné sur les directives de l’OCDE, en produisant uniquement dans des mines industrielles (LSM). Effectivement, le Géant minier a longtemps été au cœur de multiples polémiques à ce sujet.

La dernière en date est une plainte collective intentée à Washington le 15 décembre 2019 par l’ONG International Rights Advocates (IRA) contre Apple, Dell, Microsoft, Google, et Tesla pour aide et encouragement du développement d’une chaîne d’approvisionnement en cobalt en RDC. Les plaignants sont les parents d’enfants qui ont été mutilés ou qui sont décédés lors des éboulements sur les sites miniers (Spörndli, 2020). À cet effet, plusieurs enfants seraient fréquemment enterrés vivants lors de ces éboulements et leurs corps ne seraient pas retrouvés (AWP, 2019). Glencore n’est pas poursuivie pour ces faits, mais la plainte fait mention de ses actes de propriété des mines de cobalt sises à Tilwezembe, Mashamba et au Lac Malo comprenant du travail d’enfants. Le cobalt extrait de ces mines serait par la suite fourni aux géants américains susmentionnés (Spörndli, 2020).

Glencore a démenti acheter des minerais issus d’ASM et détenir tout acte de concession sur les sites de de Lac Malo et Kamilombe. Concernant la mine de Tilwezembe, Glencore admet en être propriétaire, mais ne pas pouvoir avoir la main mise sur le site suite à l’envahissement illégal de mineurs depuis 2011. De plus, il dément être impliqué dans du travail d’enfants forcé ou obligatoire (Watenphul, 2019).

Cependant, une enquête de British Broadcasting Corporation (BBC) et de la Radio Télévision Suisse (RTS) révèle que Glencore achète de manière directe et indirecte du cobalt provenant du site Tilwezembe, l’une des plus dangereuses mines au monde avec une trentaine de décès par an (Allgöwer, 2012). Cette procédure judiciaire pourrait inciter les exploitants de cobalt à ne plus s’approvisionner dans les mines artisanales afin de ne

Glencore suit déjà cette stratégie et son implication dans la production de cobalt s’est restreinte en 2019 par son retrait du site Mutanda Mining. La multinationale estimait que la mine ne serait pas rentable sur le long terme suite à la chute du cours du cobalt durant la même année. Néanmoins, elle reste un des plus gros acteurs sur le marché international de la production de cobalt (Rodrik, 2019).

Comme développé dans le cas précédent, les défis de la République démocratique du Congo face à l’esclavage moderne sont de grande ampleur. Effectivement, ce fléau sévit de manière conséquente et place ce pays au 12ème rang des pays les plus touchés au

monde par l’esclavage moderne.