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Le cadre juridique en matière de traite d’êtres humains, en particulier sous sa forme

du travail

7.1 Définition juridique suisse

Au niveau légal, la TEH à des fins d’exploitation du travail est incriminée conformément au Code pénal suisse (art. 182 CP). L’exploitation sexuelle, l’exploitation du travail, au prélèvement d’un organe d’un individu est punie de la privation de liberté ou d’une amende. Les personnes qui commettent des délits à l’étranger peuvent également être punies sous certaines conditions relevant du droit international (art. 182, al. 4 CP, art 5 CP et art.6 CP).

La recherche de la jurisprudence met en exergue les diverses interprétations de la notion "d’exploitation". En effet, si l’article 182 du CP définit la « traite des personnes » comme un délit de « travail d’exploitation », il n’en définit pas les termes. Certes, plusieurs accords internationaux condamnent l’exploitation du travail. Il porte différents noms : esclavage, servitude, travail forcé ou TEH. Cependant, il n’est pas toujours facile de distinguer ces différents concepts des uns des autres.

Dans certaines affaires de TEH, le jugement des autorités judiciaires s’est aligné sur d’autres lois pénales. Ceux-ci ont poursuivi l’auteur pour « usure » (art. 157, CP) plutôt que de traite d’êtres humains malgré les preuves en évidence (Graf. 2019). Un axe stratégique, car les preuves de l’usure sont plus facilement recevables et la sanction pénale peut se révéler similaire au crime de TEH (Graf, 2019). Sous un axe civil, l’exploitation du travail peut donner lieu à dédommagement lié à l’atteinte à la personnalité du travailleur selon le code des obligations (Graf, 2019).

Néanmoins, ces textes de loi sont uniquement à l’égard des personnes physiques et n’ont pas de vertu à s’appliquer sur les personnes morales (De Preux, 2010). Effectivement, la responsabilité civile et pénale n’incrimine pas spécifiquement les atteintes aux droits humains commises par une entreprise et ne prévoit pas de responsabilité primaire pour les délits commis par ses filiales. À l’heure actuelle, uniquement la compétence internationale et le droit applicable permettent de condamner les sociétés mères domiciliées en Suisse. Toutefois, il est plus difficile pour les juridictions de statuer sur des filiales (Conseil fédéral, 2018).

En somme, la législation actuellement en vigueur en Suisse concernant la TEH 6permet

qu’à une infime minorité de personnes physiques d’être condamnées pour ce chef d’accusation. Le plus souvent, les condamnations dépendent de la sensibilisation des autorités judiciaires et de l’axe juridique choisi pour sanctionner pénalement les auteurs. Concernant les personnes morales, la législation suisse ne prévoit pas de dispositions pour sanctionner un délit commis par une filiale à l’étranger d’une société sise en Suisse.

7.2 Répression de la traite des êtres humains en Suisse

Contrairement aux idées reçues, la TEH sévit également en Suisse. En 2018, on estimait environ 15’000 esclaves en Suisse (Bitsch, 2018). Toutefois, les experts suspectent un grand nombre de faits non déclarés. Effectivement, la traite se pratique dans la plus grande clandestinité. Il est donc très difficile de trouver les victimes qui se trouvent autour de nous. En outre, la libre circulation des personnes et la mise en réseau permettent un déplacement des personnes incontrôlable. Ainsi, l’enquête policière est particulièrement difficile et nécessite un savoir-faire et parfois des techniques de pointe pour prouver les faits. Un énorme besoin en formation est nécessaire pour lutter efficacement contre ce fléau.

Concernant la mise en place d’un cadre de répression, le Protocole à la convention sur le travail forcé de 2014 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) rentrait en vigueur le 28 septembre 2018 en Suisse. Cette étape marquait un avancement majeur contre la lutte du travail forcé dans le monde, mais reste toutefois sans obligation pour les sociétés transnationales (Conseil fédéral, 2017).

Deux PAN (2012-2014 et 2017-2020) contre la TEH ont également été mis en œuvre. Le but est la sensibilisation du grand public et des spécialistes, le renforcement de la procédure pénale, l’amélioration de l’identification des victimes et l’intensification de la collaboration nationale et internationale (Office fédéral de la police, 2017).

Au niveau de la répression nationale de la TEH, c’est l’Office fédéral de la police (fedpol) qui est chargé de cette mission avec l’aide des cellules cantonales constituées à cet effet comme la Brigade de lutte contre la TEH et de la prostitution illicite (BTPI) à Genève. En outre, il assure les échanges internationaux avec l’Office européen de la police criminelle (Europol), l’Organisation internationale de la police criminelle (Interpol) et avec les attachés de police à l’étranger. Il a également une forte collaboration avec la Roumanie (Office fédéral de la police, 2018).

Concernant les études des caractéristiques de la TEH sont difficiles en Suisse. Comme mentionné auparavant, l’exploitation de travail, sexuelle et le prélèvement d’organes sont tous regroupés sous le même article de loi (art. 182, al. 1 CP). Par conséquent, les données recensées par la Suisse ne permettent pas de mettre en exergue les caractéristiques et l’ampleur de chacune de ces formes (Graf, 2019).

Par exemple, toutes les données concernant les jugements prononcés à l’encontre de la TEH en Suisse ne spécifient jamais sa forme. En ce sens, le dernier jugement en date du 5 juin 2020 qui comprenait la forme d’exploitation sexuelle, mais qui a été regroupé dans les données officielles avec l’ensemble des formes de TEH. Cette affaire concernait un septuagénaire suisse condamné à 16 ans d’emprisonnement pour de la TEH par l’exploitation sexuelle et de la pédophilie commises en Thaïlande. L’auteur a photographié et forcé plus de 80 enfants thaïlandais à avoir des relations sexuelles seul ou entre eux entre 2002 et 2012. Dans certains des cas, ces enfants étaient même frères ou cousins. Par la suite, il les prostituait dans son bar gay à Pattaya, en Thaïlande (Ministère public de l’État de Fribourg, 2020).

C’est un cas cruel parmi, des millions de victimes de TEH dans le monde. Comme pour l’exploitation sexuelle, le travail forcé et le travail imposé par l’État sont très difficiles à détecter et à traduire en justice et n’incluent actuellement pas la responsabilité des entreprises. Ainsi, la consolidation des équipes d’enquêtes et de la coopération international est primordiale afin de lutter efficacement face à ce fléau. En outre, les organismes de soutien et d’aide aux victimes sont nécessaires à leur identification.