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2 La modélisation de la coagulation

2.5 Pondération des noyaux de coagulation par l’approche curvilinéaire

2.5.2 Coagulation orthocinétique

2.5.2.1 Approche de Van de Ven et Mason

L’une des principales avancées dans ce domaine a été proposée par Van de Ven et Mason [1977]. Dans leur étude, la suspension initiale considérée est monodisperse (cas d’une homocoagulation), et les particules soumises à un flux laminaire. Ici, l’efficacité de coagulation (équation 58) dépend d’un paramètre CAreprésentant le ratio des forces

de Van der Waals sur les interactions hydrodynamiques (équation 59), et d’une fonction f (¯λ)prenant en compte le retard des forces de Van der Waals.

2.5 Pondération des noyaux de coagulation par l’approche curvilinéaire

CA=

A

36.π.µ.G.a3 (59)

Selon la taille des particules considérées, Van de Ven et Mason proposent plusieurs valeurs approchées pour f(¯λ), permettant un calcul aisé de αc. Plusieurs travaux, en

particulier ceux de Gregory [1981], ont employé cette expression d’efficacité afin d’inter- préter leurs résultats expérimentaux.

2.5.2.2 Approche de Han et Lawler

Han et Lawler [1992] ont aussi proposé une expression de l’efficacité d’agrégation curvilinéaire dans le cas d’une hétérocoagulation orthocinétique. Plus précisément, dans le cas d’une hydrodynamique laminaire et en ne considérant que les forces de Van der Waals, ils ont utilisé les résultats précédemment obtenus par Adler [1981] afin de pro- poser une expression mathématique applicable dans une large gamme de ratio de taille. L’expression proposée est exprimée par l’équation 60.

αci,j = 8

(1 + λi,j)3

.10(a+b.λi,j+c.λ2i,j+d.λ3i,j) (60)

Les valeurs de a, b, c et d ont été tabulées par Han et Lawler (Tableau 3) et dépendent de HA, exprimant le ratio forces de Van der Waals / interactions hydrodynamiques pour

la plus large des deux particules considérées (de manière analogue à CAdans l’expression

de Van de Ven et Mason).

HA=

A 18.π.µ.G.d3

i

(61) La Figure 9 nous permet de prendre conscience de l’ampleur de la correction apportée par αc

i,j. Le modèle prévoit une efficacité bien plus importante dans le cas de particules

de tailles similaires que dans le cas d’un faible ratio de taille, au contraire des prédictions de Han et Lawler pour le mouvement Brownien. De plus, l’importance de la correction apportée au modèle rectilinéaire (pouvant aller jusqu’à 10-5 pour de faibles ratios de

taille et de fortes valeurs de HA) nous montre l’importance de la prise en compte des

interactions hydrodynamiques dans la détermination de noyaux de coagulation fiables et précis.

A noter que les travaux de Van de Ven et Mason [1977] et de Adler [1981] proposent des calculs d’efficacité prenant en compte les répulsions électrostatiques. Cependant, de par la complexité accrue du problème, les auteurs ne proposent pas d’expression applicable pour une large gamme de valeurs de κ.a et ψ0.

2.5.2.3 Approche d’Higashitani et al.

Higashitani et al. [1982] ont considéré des particules immergées dans un fluide vis- queux. Leur étude prend en compte les forces de Van der Waals (avec et sans effet de

Tableau 3 – Coefficients pour l’efficacité de collision curvilinéaire orthocinétique proposée par Han et Lawler (Han et Lawler [1992])

Figure 9 – Evolution de αc

i,j en fonction de λi,j (coagulation orthocinétique, Han et

2.5 Pondération des noyaux de coagulation par l’approche curvilinéaire

Figure 10 – Valeurs de αc

i,j en fonction de Ns et λi,j (Higashitani et al. [1982])

retardement), mais omet les forces électrostatiques. En s’appuyant sur des études de trajectoire proposées par Batchelor et Green, Higashitani et al proposent des valeurs d’efficacité d’agrégation en fonction de λi,j et Ns, ce dernier étant défini par :

Ns=

6.π.µ.(ri+ rj)3

8.A (62)

De même que dans le cas du modèle de Han et Lawler, Higashitani et al. prédisent une efficacité plus importante dans le cas d’une homocoagulation (voir Figure 10). La diminution de αc

i,j avec l’augmentation de Ns nous montre aussi que plus les particules

sont petites, plus l’efficacité est importante. 2.5.2.4 Approche de Kusters

En 1991, Kusters et al. [1997] proposent un rapide état de l’art des expressions d’efficacité et dressent deux constats. Premièrement, les approches présentées auparavant sont seulement rigoureuses dans les plus petits édifices de la turbulence. Deuxièmement, elles supposent que les particules sont sphériques et solides. Or, lors de la coagulation, les agrégats sont amenés à devenir poreux. Pour remédier à cela, ils proposent deux approches.

• Pour des agrégats poreux et imperméables. Kusters et al. définissent le Flow number F l comme suit :

F l = 6.π.µ.(ri+ rj)

3.G

8.A (63)

Ce Flow number représente le ratio des interactions hydrodynamiques sur les forces

on constate que toutes les expressions d’efficacité présentées jusqu’à présent dépendent directement de F l. Les précédentes approches considèrent les particules comme étant des sphères rigides, et ne sont donc rigoureusement applicables qu’aux premières étapes de la coagulation. Cependant, les auteurs suggèrent la possibilité d’étendre ces approches aux agrégats poreux en corrigeant F l pour qu’il prenne en compte les forces attractives entre agrégats poreux plutôt qu’entre sphères rigides. En considérant qu’entre agrégats poreux, les forces attractives peuvent être approximées par les forces de Van der Waals agissant entre deux particules primaires (la distance entre les autres particules étant trop importante), les auteurs proposent l’expression corrigée suivante (pour un agrégat de rayon ri et des particules primaires de rayon a) :

F li = F l.  2.λi,j.ri a.(1 + λi,j)  (64) • Pour des agrégats poreux et perméables. Dans ce cas de figure, la perméa- bilité des agrégats va réduire l’influence des interactions hydrodynamiques. Les efficacités prédites par ce modèle, à conditions identiques, sont donc supposées être plus élevées que celles obtenues en considérant des sphères solides. Dans ce cas de figure, lorsque λi,j tend vers l’unité, Torres et al. [1991] et Kusters [1991]

proposent une approche dite "shell-core" : chaque agrégat est supposé avoir un cœur (rayon rc) totalement imperméable et une écorce (rayon externe = rayon

agrégat = ri) perméable. La trainée hydrodynamique des agrégats est calculée

avec rc, alors que les collisions sont considérées en utilisant ri.

Afin de déterminer la valeur la plus juste de l’efficacité, à conditions identiques, Kusters et al. proposent de calculer l’efficacité en considérant les agrégats perméables αp, puis

imperméables αi. En toute rigueur, l’influence réduite des interactions hydrodynamiques

devrait donner αp > αi. Si le calcul donne l’inverse, les auteurs suggèrent de remplacer

αp par αi.

2.5.2.5 Approche de Selomulya et al.

Selomulya et al. [2003] ont aussi proposé une expression de modèle d’efficacité. A la différence des expressions présentées précédemment, celle-ci se base sur une approche semi-empirique, et comporte donc un jeu de paramètres à ajuster en fonction de l’expé- rience menée. L’expression proposée par Selomulya et al. est la suivante :

αci,j = αmax. " exp(−x.(1 − i j) 2) (i.j)y # (65) i et j représentent la classe de l’agrégat (égal au nombre de particules primaires qu’il contient). αmax représente la valeur maximale de l’efficacité de collision. x est un

paramètre qui pondère l’influence du ratio de taille i

j sur le facteur d’efficacité et y

2.6 Conclusion

Figure 11 – Evolution de αc

i,j en fonction de i pour différentes valeurs de j (αmax= 1 ;

x = 0,1 ; y = 0,1) (Selomulya et al. [2003])

le modèle prédit que l’efficacité est plus importante dans le cas de particules de tailles similaires et que plus les particules sont petites, plus les collisions sont efficaces.

La Figure 11 présente l’évolution de αc

i,j en fonction de i pour différentes valeurs de

j (αmax= 1, x = 0,1, y = 0,1). On constate que l’efficacité obtenue avec le modèle de

Selomulya est maximale dans le cas où les particules sont de tailles identiques. Le mo- dèle présente donc des tendances similaires à l’approche shell-core de Kusters. Plusieurs travaux ont utilisé ce modèle avec succès pour la description de coagulation de latex (Selomulya et al. [2003], Bonanomi et al. [2004], Soos et al. [2006, 2007], Vlieghe [2014]). Bien que les paramètres x et y n’aient pas de signification physique précise, ils confèrent au modèle une grande flexibilité, raison de son succès.

2.6 Conclusion

La modélisation de la coagulation de colloïdes est un domaine vaste. La principale complexité de cette modélisation est la prise en compte des interactions entre phéno-

mènes présents à cette échelle : le mouvement relatif des particules, les interactions physico-chimiques interparticulaires auxquelles s’ajoutent les interactions hydrodyna- miques à courte distance. La variété des approches envisagées montre qu’il n’y a pas de manière simple de considérer l’ensemble de ces phénomènes. Historiquement, cette prise en compte a été graduelle. Dans le cas de la coagulation orthocinétique, l’approche initiale de Smoluchowski ne considère que le mouvement relatif des particules, dans un écoulement simple. Conscients des limitations de cette approche, d’autres auteurs ont proposé des expressions plus adaptées au régime turbulent, donnant lieu à l’expression de noyaux de coagulation (récapitulés dans le Tableau 4) .

Tableau 4 – Constantes de coagulation

Le Tableau 4 n’est pas à visée exhaustive, mais a vocation à présenter les expressions historiquement fondamentales. En régime turbulent, on constate que la plupart de ces expressions supposent que les particules se situent dans les plus petits édifices de la turbulence. En pratique, lorsque les particules auront atteint une taille supérieure à l’échelle de Kolmogorov, cette hypothèse ne sera plus valable et d’autres mécanismes de collisions seront à prendre en compte. Dans ce cas la littérature propose d’autres expressions, notamment dans les travaux de Saffman et Turner [1956], East et Marshall [1954], ou encore Abrahamson [1975]. La connaissance de ηturb est donc essentielle :

elle permet d’avoir une estimation du domaine de validité de l’expression envisagée. En pratique, les particules initiales ayant bien souvent une taille bien inférieure à ηturb,

les expressions présentées dans ce tableau restent valables pour une grande partie du phénomène de coagulation.

Ces noyaux ont ensuite été complexifiés par l’ajout d’efficacités. Le Tableau 5 re- groupe les expressions présentées dans ce chapitre (Péri. = Péricinétique, Ortho. = Orthocinétique, Hom. = Homocoagulation, Het. = Hétérocoagulation, Oui* signifie que Vr est considéré dans l’étude mais pas intégré de manière simple à des coef-

ficients). Ces expressions peuvent prendre en compte les interactions hydrodynamiques, ainsi que les forces attractives de Van der Waals. Cependant, par souci de simplification et d’utilisation pratique, très peu d’approches intègrent de manière simple la présence de répulsions électrostatiques, limitant leur application au cas où l’agrégation est rapide. L’un des compromis proposé récemment est l’utilisation de modèles semi-empiriques, se basant plus sur une approche qualitative des phénomènes que sur une démarche pure-

ment théorique. L’efficacité de tels modèles, notamment lors d’une modélisation utilisant des bilans de population, a été prouvée, mais nécessite une adaptation pour chaque sys- tème particulaire considéré.

Tableau 5 – Récapitulatif des principales caractéristiques des expressions d’efficacités citées