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Coagulation du lait par la présure :

Chapitre 2. Revue de littérature :

2.3 Fabrication fromagère :

2.3.2 Coagulation du lait par la présure :

2.3.2.1 Mécanisme :

La coagulation par la présure permet le passage du lait liquide à un gel via l’action d’une enzyme protéolytique originellement trouvée dans l’estomac de certains mammifères nouveaux nés, dont le veau (55). Cette étape de coagulation se fait en deux phases : l’hydrolyse de la caséine κ par la présure et la phase d’agrégation des micelles hydrolysées (56). Ces deux phases ne sont pas complètement dissociées dans le temps comme la seconde débute avant qu’une hydrolyse complète (100%) des caséines κ soit atteinte.

La présure a une action spécifique sur le lien Phe105-Met106 de la caséine κ, résultant en la libération, dans la

phase aqueuse du lait, d’un peptide hydrophile appelé caséinomacropeptide (CMP), qui constituait la partie de la caséine κ présente dans la phase aqueuse. L’autre partie de la caséine κ reste liée à la structure micellaire, qui prend alors la dénomination de paracaséine κ. Cette libération progressive du CMP s’accompagne d’une déstabilisation des micelles de caséines via une baisse de son potentiel zêta (répulsions électrostatiques) et une diminution de sa répulsion stérique dû à la partie glycolysée du CMP, ce qui va favoriser l’approchement et l’agrégation des micelles hydrolysées (57).

Lorsqu’un certain degré d’hydrolyse est atteint (80-90%), les paracaséines commencent à s’agréger (58). L’agrégation des micelles hydrolysées a lieu lorsque les forces de répulsion (électrostatiques et stabilisation stérique) deviennent trop faibles par rapport aux forces d’attraction entre les micelles (59). Cela permet aux micelles d’entrer en contact et d’interagir entre elles, via des liaisons hydrophobes et des ponts calciques. La réactivité des micelles à l’agrégation dépend donc des paramètres qui influencent la balance d’interactions (forces de répulsion et forces d’attraction) : tout traitement favorisant la stabilisation des micelles ralentissent/entravent leur agrégation. Au début de l’agrégation, les micelles hydrolysées vont se regrouper sous

forme d’agrégats de quelques micelles puis au fur et à mesure de l’intégration de nouvelles paracaséines dans le réseau, un réseau protéique tridimensionnel va être formé ce qui donne naissance à un gel (Figure 2-4).

Figure 2-4 : Schéma descriptif des différentes étapes de la coagulation du lait par la présure. (A) : micelles de caséines et présure; (B) hydrolyse des caséines κ; (C) agrégation des micelles emprésurées en petits clusters (ou agrégats); (D) incorporation de micelles et formation de brins de caséines et atteinte du point de coagulation, d’après (60).

Ce gel est dynamique et les interactions entre les unités protéiques vont évoluer et influencer la fermeté du gel. Les propriétés de surface des micelles de caséines sont particulièrement importantes lors de la coagulation par la présure ; la teneur en CCP et la structure interne des micelles n’ont pas d’influence majeure à ce stade de la coagulation (33). Cependant, ces paramètres deviennent importants dans les étapes subséquentes, notamment lors de la réorganisation du réseau protéique et de la fusion des micelles (33). Le gel formé est donc un réseau tridimensionnel de caséines sous forme d’agrégats dans lequel sont emprisonnés la phase aqueuse du lait et les globules de gras.

2.3.2.2 Facteurs influençant l’étape de coagulation du lait par la présure :

Les conditions environnementales ont un impact majeur sur les propriétés de coagulation du lait, et l’impact des principaux facteurs est présenté en Tableau 2-4.

La concentration en présure va jouer sur le temps de coagulation, et plus particulièrement sur la phase enzymatique, tandis que la phase d’agrégation n’est pas affectée. Une augmentation de la concentration en présure utilisée permet de réduire le temps de coagulation (20, 25, 61).

Une augmentation de la température d’emprésurage (jusqu’à environ 42°C (20)) permet de diminuer le temps de coagulation, en impactant principalement la phase d’agrégation et en modifiant le coefficient de diffusion des micelles (via la viscosité) (25). La phase enzymatique est moins affectée par la température d’emprésurage, et

la présure peut hydrolyser les caséines même à des températures relativement faibles. En revanche, la phase d’agrégation est affectée, et à des température <10°C, même si la présure agit, aucune coagulation n’aura lieu, ce qui souligne l’importance des interactions hydrophobes dans l’agrégation des micelles (20). Des températures trop élevées (> à environ 55°C) vont dénaturer l’enzyme (20, 61).

Tableau 2-4 : Impact de plusieurs facteurs sur la coagulation du lait par la présure, d’après (61) avec modifications. Phase enzymatique Phase d’agrégation

[Présure] ++++ -

Température + ++

pH ++ ++++

[CaCl2] - +++

[Caséine] - -

Le pH joue un rôle majeur dans l’étape de coagulation et, globalement, une diminution de pH permet de raccourcir le temps de coagulation. La phase enzymatique est affectée, et plus le pH du lait se rapproche du pH optimal de l’enzyme (pH 5,5), plus la vitesse d’hydrolyse sera importante (20, 61). Au niveau de la phase d’agrégation, la diminution de pH va engendrer une augmentation de l’activité du calcium ionique, ce qui va accélérer la phase d’agrégation (25). A teneur constante en calcium ionique, une diminution de pH peut quand même impacter de façon positive la phase d’agrégation et notamment il a été montré que le degré de caséine κ hydrolysée nécessaire pour débuter l’agrégation diminuait avec une baisse du pH (25). Ceci peut s’expliquer par une diminution des répulsions électrostatiques entre les micelles de caséines mais aussi, il semblerait qu’à des pH plus faibles, la présure ait tendance à hydrolyser les cheveux de caséines κ de façon différente (moins aléatoire) permettant la formation d’endroits sans stabilisation stérique à la surface de la micelle, ce qui faciliterait son interaction avec d’autres micelles hydrolysées (25).

La concentration en calcium soluble du lait impacte la phase d’agrégation, via son effet sur l’agrégation des micelles emprésurées. La présence d’ions calcium permet, d’une part, de diminuer les répulsions électrostatiques entre les micelles et donc leur stabilité ; d’autre part, les ions calcium permettent la formation de ponts calciques entre les micelles et donc jouent un rôle dans leur agrégation (25). L’ajout de chlorure de calcium en fabrication fromagère permet d’amélioration la coagulation du lait grâce à ces phénomènes mais aussi, cet ajout permet de diminuer le pH (via une modification des équilibres salins), ce qui a un impact positif sur le temps de coagulation (61).

Finalement, la teneur en caséine ne semble pas avoir d’effet marqué sur la phase de coagulation par la présure (20), même si des résultats contradictoires existent à ce sujet (cet aspect est détaillé dans la partie 2.6.2.1).

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