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Caractérisation des propriétés des gels présures :

Chapitre 2. Revue de littérature :

2.4 Caractérisation des propriétés des gels présures :

2.4.1 Généralités :

La rhéologie représente le domaine qui étudie la déformation et le comportement à l’écoulement d’un matériau et ainsi, le but est de mesurer les propriétés qui contrôlent ces caractéristiques lorsque ce matériau est soumis à des forces extérieures. Ce domaine d’étude s’intéresse donc à la relation entre la déformation, la contrainte et le temps (64). Un solide idéal (matière élastique) est un matériau qui, s’il est soumis à des forces extérieures, se déforme et lorsque ces forces sont enlevées, retrouve ses propriétés initiales. A l’opposé, un liquide idéal (matière visqueuse) s’écoule et ne récupère pas ses propriétés initiales une fois les forces retirées (65). La plupart des matériaux alimentaires présentent des comportements intermédiaires, avec des propriétés provenant des solides idéaux mais aussi des liquides idéaux ; faisant d’eux des matériaux viscoélastiques (65). Les gels présure et les fromages sont des exemples de produits viscoélastiques, présentant à la fois une composante visqueuse et une composante élastique (66).

Les propriétés d’un tel matériau viscoélastique peuvent être étudiées par des expériences de déformation oscillatoire à petites amplitudes (small amplitude oscillatory shear), autrement dit par rhéologie dynamique. Dans ce type d’expérience, une contrainte (ou une déformation) oscillatoire est appliquée au matériau et le rhéomètre mesure la différence de phase entre la contrainte et la déformation du matériau. Ainsi, l’échantillon est soumis à une faible contrainte ou déformation sinusoïdale γD à un temps t, selon l’équation suivante (67) :

Équation 2-8 𝛾𝐷(𝑡) = 𝛾𝐷0 𝑠𝑖𝑛(𝜔𝑡)

Avec γD0 qui est l’amplitude de déformation et ω la fréquence angulaire. La déformation appliquée au produit

viscoélastique permet de générer deux composantes : la composante élastique et la composante visqueuse. La première est en phase avec la déformation appliquée, tandis que la seconde est déphasée de π/2 par rapport à la déformation appliquée (67).

Lorsque la déformation est comprise dans la gamme de viscoélasticité linéaire du produit, la contrainte générée est aussi sinusoïdale telle que (65) :

Avec σ0 la contrainte générée et δ l’angle de phase qui varie entre 0 et π/2. Ainsi, l’équation peut être aussi

écrite comme (67):

Équation 2-10 𝜎(𝑡) = 𝜎0 [𝑠𝑖𝑛(𝜔𝑡) 𝑐𝑜𝑠 (𝛿) + 𝑐𝑜𝑠 (𝜔𝑡) 𝑠𝑖𝑛 (𝛿) ]

A partir des équations précédentes, les expressions suivantes peuvent être définies. Le module d’élasticité G’, aussi appelé module de stockage, est une mesure de l’énergie stockée par cycle d’oscillation et est déterminé grâce à l’équation suivante (60) :

Équation 2-11 𝐺′= (𝜏0 𝛾0) 𝑐𝑜𝑠𝛿

Le module visqueux, ou module de perte, G’’ est une mesure de l’énergie dissipée sous forme de chaleur par cycle d’oscillation et est déterminé grâce à l’équation suivante (60):

Équation 2-12 𝐺′′ = (𝜏0 𝛾0) 𝑠𝑖𝑛𝛿

Le ratio des propriétés visqueuses sur les propriétés élastiques, caractérisé par le paramètre tangente δ, donne des indications sur la réorganisation des liaisons protéines-protéines au sein du gel présure (68) :

Équation 2-13 𝑡𝑎𝑛 𝛿 =𝐺′′ 𝐺′

L’angle de phase δ d’un matériau viscoélastique varie entre 0 (solide idéal) et π/2 (liquide visqueux idéal) selon la quantité d’énergie qui est stockée et celle qui est dissipée (65). Lorsque la valeur de tan δ est égale à 1, les composantes visqueuse et élastique du matériau sont égales. Une valeur de tan δ > 1 indique que la composante visqueuse est dominante ; tandis qu’à des valeurs de tan δ < 1, la composante élastique domine (66). Les variations de valeurs de tan δ entre ces deux valeurs permettent de caractériser la réponse du matériau à la contrainte appliquée, et si cette réponse est plus caractéristique d’un solide ou d’un liquide (65). Ces deux modules sont impactés par la fréquence, la température et la déformation. Lorsque les valeurs de déformation sont comprises dans la gamme de déformation linéaire du produit, les modules sont indépendants de la valeur de déformation appliquée (67).

Une fois identifiée la région dans laquelle le comportement du produit est linéaire, plusieurs types de tests peuvent être réalisés en rhéologie dynamique. Le comportement linéaire d’un matériau est relié à sa capacité à supporter les déformations sans changement de sa structure, et ainsi dans cette région, les caractéristiques du matériau (au repos) peuvent être étudiées. Dans cette étude, deux types de tests ont été effectués : balayages de température et temps. Ce dernier a été utilisé pour le suivi de la formation du gel présure.

2.4.2 Formation et propriétés des gels présure :

Le suivi des propriétés rhéologiques de lait soumis à la présure est une façon directe de suivre la formation du caillé dans le temps et est couramment utilisé pour déterminer différentes grandeurs telles que le temps de coagulation (60, 69–71). Les paramètres les plus souvent déterminés, à partir de ces tests, sont le module d’élasticité G’ et le module visqueux G’’ qui représentent les composantes « solide » et « liquide » d’un matériau viscoélastique. Grâce à ces paramètres, il est possible de suivre l’évolution d’un gel présure et donc la transformation du lait en caillé. Un exemple typique du suivi du phénomène de coagulation par la présure est présenté en Figure 2-6.

Figure 2-6 : Exemple du suivi de la coagulation d'un gel par la présure par rhéologie dynamique, d’après (60).

Après emprésurage du lait, une phase de latence est en général observée pendant laquelle aucun des modules n’augmentent. Après cette période, les deux modules commencent à augmenter de façon rapide et le module d’élasticité devient plus important que le module visqueux à mesure que le gel se développe. Au temps où les deux modules ont une valeur identique (et donc leurs courbes se croisent), la valeur de tan δ décroit de façon très importante avant de se stabiliser. Les modules vont continuer à augmenter dans le temps, de façon plus lente, jusqu’à atteindre une valeur de fermeté maximale (plateau), même si dans la réalité industrielle, les gels sont coupés avant d’atteindre cette valeur.

La valeur de G’ est donc une indication directe de la fermeté du gel et grâce à ces valeurs, plusieurs paramètres d’intérêt peuvent être déterminés :

• Le temps de coagulation, dont la détermination peut varier selon les études : le temps correspondant au croisement des courbes G’ et G’’ (ou une valeur de δ de 45 degrés) (60) ou bien une valeur arbitrairement fixée de G’. Dans le cas de lait concentré à haute teneur en protéine pour lequel la valeur de G’ est déjà supérieure à G’’ avant ajout d’enzyme, le temps correspondant à une augmentation marquée de G’ peut être utilisé pour déterminer le temps de coagulation (72), • La vitesse de raffermissement maximale du gel qui donne une idée sur la vitesse à laquelle les

micelles sont incorporées dans le réseau protéique. Le temps correspondant à cette valeur a été décrite comme une valeur réaliste pour le temps de coupe (73),

• Le temps nécessaire pour atteindre une certaine valeur de fermeté peut être utilisé, notamment, pour réaliser l’étape de coupe du gel à fermeté constante,

• La valeur finale de tan δ (plateau) peut donner des indications sur le niveau de réorganisation au sein du gel (68).

2.4.3 Propriétés rhéologiques des fromages – balayage de température :

Les propriétés de fonte d’un fromage peuvent être exprimées comme la facilité d’un fromage à fondre (à ramollir) et à s’écouler (degré d’écoulement) ainsi que la perte d’intégrité visuelle du fromage, lorsque ce dernier est soumis à de hautes températures (74). La capacité de fonte (ramollissement) est reliée à la perte d’élasticité du fromage à hautes températures (↓ G’), tandis que la capacité du fromage à s’écouler et s’étaler est caractérisée par le croisement des courbes G’ et G’’ (59). Ces propriétés peuvent donc être étudiées en rhéologie dynamique, en suivant l’évolution des modules en fonction de la température. De la même façon que le croisement des courbes de G’ et G’’ peut permettre d’indiquer la transition liquide – gel, il peut aussi permettre d’indiquer la fonte du fromage (74).

La fonte d’un fromage représente donc, le changement de phase d’un matériau, avec un passage d’un état aux propriétés plutôt caractéristiques d’un solide à celui d’un liquide (59). Cependant, dans le fromage, le seul composant qui peut fondre (au sens strict du terme) est la matière grasse. Cette dernière, quelle que soit sa composition en triglycérides et leur point de fusion respectif, va être complètement liquide à des températures d’environ 40°C (59). Les protéines ne fondent pas à proprement parler, mais les hautes températures peuvent modifier les interactions protéines-protéines, notamment en provoquant une diminution importante du nombre et de la force des liaisons au sein de la matrice fromagère (↓ de G’ et G’’), provoquant donc le ramollissement du fromage (59).

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