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Au cours de l’évolution, des microorganismes à l’état libre se sont adaptés pour devenir des microorganismes vivant strictement ou de façon facultative dans un hôte, les partenaires étant appelés symbiotes. Le terme symbiote provient du grec, sym signifiant « avec » et biote signifiant « la vie », et défini une interaction durable entre deux ou plusieurs organismes, et a été introduit par Anton de Bary en 1879 (de Bary 1879 ; Portier 1918). La symbiose peut être définie comme une interaction à bénéfice réciproque entre les partenaires, et elle est souvent qualifiée de symbiose mutualiste (Douglas 1994). Cependant, de Bary avait défini la

symbiose de façon plus large, où le niveau de spécificité à l’intérieur de l’hôte définit si la

symbiose est facultative ou obligatoire, et l’effet de la symbiose sur la santé des partenaires permet de qualifier l’interaction de parasitisme, mutualisme ou commensalisme (Ruby et

Goldner 2007). De même, selon la localisation du symbiote dans l’hôte, les termes

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cette partie I.3, nous nous intéresserons plus particulièrement au cas des symbioses obligatoires entre un hôte eucaryote et son symbiote.

Les symbiotes bactériens ont une origine environnementale ou maternelle. La transmission est dite verticale lorsque les symbiotes sont directement transmis du parent à sa

progéniture (Buchner 1965 ; Frank 1996). Ce mode de transmission a d’abord été décrit pour

les endosymbiotes primaires des insectes, telles les bactéries du genre Buchnera. Il a plus

récemment été mis en évidence pour les endosymbiotes des clams vésicomidés des sources

hydrothermales du genre Calyptogena (Cary et Giovannoni 1993). Lorsque l’hôte acquiert ses

symbiontes à partir de l’environnement, l’acquisition est dite horizontale. Ce mode de transmission est notamment observé dans les associations entre les légumineuses (fabacées) et les Rhizobium, entre le calamar Euprymna scolopes et les bactéries luminescentes Vibrio

fischeri, ou encore entre le ver tubicole Riftia pachyptila et son symbiote Candidatus Endoriftia persephone chimiolitotrophe (Nussbaumer et al. 2006 ; Chaston et Goodrich-Blair

2010). Dans les cas de coévolution, la co-spéciation est plus stricte avec des symbiotes hérités verticalement.

La symbiose peut avoir un rôle important dans l’évolution des espèces impliquées

dans cette relation, car elle peut nécessiter la formation de nouvelles structures cellulaires et/ou voies métaboliques chez les deux partenaires. Le plus souvent, ces structures ou voies métaboliques chez le symbiote microbien servent à apporter des nutriments déficients chez

l’hôte, et en retour, le symbiote microbien a à sa portée une large gamme de métabolites

produits par l’hôte (Minic et Hervé 2004 ; Zientz et al. 2004 ; Kneip et al. 2007). Beaucoup de symbioses étudiées concernent les symbioses entre des gammaprotéobactéries et des insectes, comme Buchnera et les aphides (Baumann et al. 1995 ; Brinza et al. 2009 ; Shigenobu et Wilson 2011), les alphaprotéobactéries avec les plantes légumineuses (Giraud et

al. 2007 ; Pawlowski et Sprent 2008 ; Masson-Boivin et al. 2009), ou les actinobactéries avec

les plantes actinorhiziennes (Normand et al. 2007 ; Franche et al. 2009 ; Hocher et al. 2011), mais les symbioses entre eucaryotes et procaryotes sont retrouvées chez la plupart des grands groupes phylogénétiques existants (Moya et al. 2008 ; Figure 5).

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Figure 5 : Distribution phylogénétique des symbioses, indiquant les classes de bactéries et d’archées à l’intérieur desquelles une association existe avec des hôtes eucaryotes. Moya et al. 2008.

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Lors d’une coévolution entre deux partenaires, de nombreux changements vont avoir

lieu, notamment une réduction non négligeable de la taille du génome du microsymbiote (Wernegreen 2002). En effet, de nombreux gènes deviennent inutiles ou redondants chez le

microsymbiote, du fait d’un environnement plus stable et donc moins complexe à affronter que celui d’organismes à l’état libre, ou de la présence de mêmes gènes chez l’hôte (Pérez

-Brocal et al. 2006 ; Moya et al. 2008). La réduction du génome va ainsi s’accompagner d’une

baisse de la proportion d’éléments transposables et de la perte de gènes ayant une fonction

métabolique ou structurale (Foster et al. 2005 ; Pérez-Brocal et al. 2006 ; Moya et al. 2008).

Par exemple, les éléments structuraux comme les flagelles ne sont plus nécessaires lors d’une

vie symbiotique, lorsque le microsymbiote n’a plus à coloniser les cellules d’un hôte, et les éléments transposables peuvent devenir délétères s’ils provoquent la perte de fonctions

essentielles à la symbiose (Moya et al. 2008). Toutefois, le microsymbiote doit maintenir

suffisamment de fonctions pour survivre et se reproduire dans l’hôte, et également apporter un

avantage à son hôte, notamment au niveau nutritionnel (Tamas et al. 2002). Les exemples les

plus « aboutis » de réduction de génome d’un microsymbiote sont ceux de

l’alphaprotéobactérie (Rickettsiales) à l’origine des mitochondries, ou celui de la

cyanobactérie à l’origine des chloroplastes, qui sont devenus des organelles de leur hôte

eucaryote, et dont les existences sont maintenant indissociables (Gross et Bhattacharya 2009 ; Falcon et al. 2010).

En retour, pour aboutir à une symbiose il faut que l’hôte eucaryote coévolue en s’adaptant à la présence de cellules étrangères dans son organisme ou ses cellules. L’hôte peut

développer des cellules spécialisées afin de contrôler la population du symbiote, et adapte son système immunitaire à cette présence. Par exemple, la reconnaissance de motifs moléculaires

présents sur l’enveloppe cellulaire du microsymbiote par des récepteurs de l’hôte conduit à

une inhibition de la réponse du système immunitaire (Heddi et al. 2005 ; Zaidman-Rémy et

al. 2006). De plus, certains microsymbiotes ne vivant pas dans des vésicules, mais de façon

libre dans le cytosol ont perdu le gène dnaA impliqué dans l’initiation de la réplication de

l’ADN, suggérant un contrôle de l’abondance des bactéries symbiotiques par la cellule hôte

(Akman et al. 2002 ; Gil et al. 2003). Enfin, 15% des espèces d’insectes ont intégré des

bactéries symbiotiques dans des cellules spécialisées, appelées bactériocytes, qui sont souvent

regroupées entre elles pour former un véritable tissu, le bactériome (Baumann 2005). Ces

insectes contrôlent la quantité de symbiotes en produisant des lysozymes induisant une hydrolyse du peptidoglycane des bactéries dans les bactériocytes (Nakabachi et al. 2005).

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L’adaptation de l’hôte et du microsymbiote lors de la coévolution implique un grand

nombre de modifications génétiques, et l’étude de l’interaction de deux partenaires permet de

mieux comprendre les systèmes évolutifs mis en place. Toutefois, la nature fait cohabiter un

grand nombre de microsymbiotes au sein d’un même hôte, ce qui rend les modèles bipartites peu résolutifs des réels changements évolutifs résultant d’une interaction prolongée. En effet, un symbiote n’est jamais présent seul dans une cellule eucaryote, et la réduction de son

génome peut être le résultat non seulement d’une perte de fonctions non essentielles à sa

survie, mais également d’une coévolution avec d’autres microsymbiotes complémentaires

(Nakabachi et al. 2005 ; Pérez-Brocal et al. 2006 ; Wu et al. 2006). Il est donc nécessaire de

tenir compte de tous les partenaires présents dans l’interaction pour mieux comprendre les

phénomènes de coévolution hôte-symbiotes.

II. Cas particulier de coévolution : les interactions plantes-bactéries

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