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Du cloisonnement à l’interdépendance des langues et des disciplines

II. LE FRANÇAIS ENSEIGNE AU LYCEE

3. Un système des langues et des disciplines cloisonnant

3.3. Du cloisonnement à l’interdépendance des langues et des disciplines

Dans son article « Enseignement du français et plurilinguisme », Marie-Madeleine Bertucci (2007) pose le problème de l’enseignement de la langue et des langues à l’école en France, contexte considéré et reconnu aujourd’hui comme plurilingue. Alors que le cloisonnement entre la didactique du français langue maternelle et la didactique des langues dont font partie le FLS/FLSco et le FLE, persiste dans le système scolaire français, la nécessité de répondre à une société plurilingue et pluriculturelle et de la construire conduit à envisager non plus l’étude de la langue dans une didactique du français mais dans une didactique des langues et plus précisément dans une didactique du FLS. En effet, Le FLS, à la différence du FLM et du FLE, cantonnés respectivement dans des enseignements de lettres et de langue, se présente comme une voie possible d’un enseignement-apprentissage du français dans un rapport avec les autres langues, les langues étrangères apprises au sein de l’école sans oublier les langues des apprenants (langues de la migration), et fait exister un français scolaire, langue des apprentissages et de la scolarisation, aux côtés des autres langues des apprenants.

Si depuis 2006, les Textes d’orientation pédagogique et les Plans d’orientation

stratégiquesde l’AEFE légitiment la présence d’un enseignement/apprentissage du FLSco et insistent sur le développement du bi-plurilinguisme, ce n’est que depuis deux ans que l’Agence inscrit la langue française parmi les langues enseignées et apprises dans les établissements français de l’étranger. En effet, le Texte d’orientation pédagogique d’avril 2010 évoque « les apprentissages linguistiques dans les établissements relevant de l’AEFE » pour la mise en place des groupes de progression en langues. Il spécifie que « toutes les langues peuvent s’approprier ce dispositif » (AEFE, 2010a, p. 1), un dispositif qui s’appuie sur le CECRL, ses compétences (compréhension de l’oral, expression orale en continu, interaction orale, compréhension de l’écrit et expression écrite) et ses paliers (du niveau A1 au niveau C1). Cependant, il précise que ce dispositif ne s’appliquera que dans un deuxième temps en ce qui concerne le français langue étrangère/français langue de scolarisation. Le français apparaît bien en tant que langue aux côtés des autres langues enseignées dans le réseau, mais il n’est toujours pas considéré au même titre que les autres langues en raison de

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la spécificité d’un programme et d’objectifs relevant de ceux appliqués en France. Il est question pour les élèves « d’acquérir une maîtrise de la langue française qui leur permettra de se présenter avec succès aux mêmes épreuves que les élèves francophones en 1e et en Terminale » (AEFE, 2010a, p. 3), avec un niveau C1 en 1e en préparant l’Epreuve Anticipée de Français, qui sera renforcé en Terminale.

Les références aux paliers du CECRL dans l’évaluation du français montrent toutefois la volonté d’inscrire la langue française parmi les langues enseignées et apprises dans un lycée français. Le français ne peut plus seulement être évalué dans le cadre du système de l’enseignement secondaire français et de l’examen spécifique du baccalauréat ; il doit s’ouvrir à une évaluation à portée européenne voire internationale, celle du CECRL. D’ailleurs, la Circulaire sur les langues (AEFE, 2012) inclut dans les certifications en langues, le DELF prim (Diplôme d’Etude en Langue Française pour le primaire) et le DELF scolaire (Diplôme d’Etude en Langue Française pour le secondaire) voire le DALF (Diplôme Approfondi de Langue française) pour le lycée. Et elle souligne que « l’intégration de la préparation des certifications dans le cadre des heures de cours habituels n’est pas en contradiction avec les programmes français dans la mesure où cette préparation permet de clarifier ce que sont les attentes, au niveau linguistique, et ce que l’on est vraiment en mesure d’exiger des apprenants aux différents moments de la scolarité » (AEFE, 2012, p. 21). Cette remarque concerne tout particulièrement deux langues, la langue seconde (le français) et la langue maternelle (langue du pays d’accueil). En effet, l’enseignement de ces deux langues étant avant tout des enseignements de langue maternelle et de langue de scolarisation basés sur des programmes nationaux français et local, ne s’appuie généralement pas sur les compétences et les descripteurs du CECRL mais sur des programmes préparant à un diplôme type baccalauréat.

Enfin, le développement de l’enseignement en langues (DNL, DAL, EMILE14) dans les lycées en France et à l’étranger contribue non seulement au décloisonnement des disciplines mais aussi des langues. Les langues – qu’elles soient maternelles, secondes, étrangères - ne sont plus de simples objets d’étude cantonnés aux disciplines « linguistiques » mais deviennent aussi des vecteurs d’apprentissage d’autres disciplines. Elles ne sont plus considérées non plus comme de simples vecteurs d’apprentissage dans les « disciplines autres que linguistiques »15, qui prennent en compte la langue et la culture dans lesquelles elles enseignent les disciplines connotatives (les sciences humaines) et les disciplines dénotatives

14 DNL (Discipline non linguistique), DAL (Discipline autre que linguistique) et EMILE (Enseignement d’une

matière intégrée à une langue étrangère).

15 Les appellations de DNL et de DAL sont controversées puisque toute discipline fait appel à la langue. Mais

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(les sciences dures et expérimentales). Le décloisonnement existe bien entre les langues étrangères (appelées langues vivantes dans l’enseignement secondaire) et les disciplines qui se prêtent le plus ou le mieux à l’intégration à une langue étrangère, les sciences dures, expérimentales et humaines.

En somme, les nouvelles orientations pour les langues favorisent l’articulation entre les langues de scolarisation et les langues étrangères, entre le français langue maternelle et les langues vivantes en France, entre les deux langues de scolarisation (le français langue maternelle et la langue de scolarisation du pays d’accueil) et les langues étrangères dans les établissements de l’étranger. Et elles tendent au développement d’un « enseignement articulé des différentes langues étrangères et de la langue de scolarisation en vue d’un enseignement linguistique global » (Bertucci, 2007, p. 54) pour un décloisonnement et vers une interdépendance des langues et des disciplines.

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DEUXIEME PARTIE :

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Le lycée français de San Salvador, et plus largement les établissements français de la zone et de l’étranger, tendent à introduire et développer depuis quelques années, une didactique du plurilinguisme et des approches plurielles qui décloisonnent l’enseignement des langues et favorisent la transversalité des compétences, qui visent au contact des langues et des disciplines, qui contribuent à modifier « la vision « cloisonnante » de la / des compétence(s) des individus en matière de langues et de cultures » (Candelier, 2007, p. 4), et qui conduisent les enseignants à adopter une posture plurilingue pour un enseignement pluriel.

I. DES NOTIONS EN QUESTIONS