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LA REGION COTIERE : UN ESPACE MARQUE PAR L’OPPOSITION PLAINE - MONTAGNE

I - LE CLIVAGE PLAINE LITTORALE – DJEBEL ANSARYEH

Dans son ouvrage L’Algérie ou l’espace retourné92, Marc Côte affirme que, dans l’Algérie pré-coloniale « Les densités des grands ensembles montagneux étaient supérieures à celles des plaines ». Les chiffres du premier recensement de 1896 le confirmaient encore : « Les plus fortes densités sont constituées par la Grande et la Petite Kabylie, avec des chiffres de 80 à 100 hab./km2, localement 150, alors que les plaines littorales ne dépassent pas globalement 50, les bassins intérieurs 30, les hautes plaines de l’Est 18 »93. Ce constat rejoint celui de Dominique Chevallier sur le Mont Liban94, qui estime sa densité à plus de 80 hab/km2, au milieu du XIXème siècle, tandis que les plaines intérieures et littorales voisines, en dehors des noyaux urbains, ne dépassaient pas 20 hab/km2. Quant au Djebel Ansaryeh (la montagne alaouite), il possédait une densité moyenne de 50 hab/km2 en 193395, alors que la densité n’était que de 20 hab/km2 dans la Ma’amoura96. Ces densités élevées pour des massifs montagneux ne peuvent s’expliquer que par des conditions historiques particulières, liées à la fonction de refuge qu’ont pu jouer, les massifs à certaines époques certains groupes de la population.

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SIGNOLES Pierre : op. cit., 1984, p. 959.

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COTE Marc : op. cit., 1988, 362 p.

93

COTE Marc : op. cit., 1988, p. 39.

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CHEVALLIER Dominique : La société du Mont Liban à l’époque de la révolution industrielle en Europe, Paris, 1971.

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D’après le dénombrement de la population de l’Etat des Alaouites de 1933.

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La Ma’amoura est la partie de la Syrie intérieure habitée par les sédentaires ; elle s’oppose à la Badya occupée par les Bédouins.

A - Les contrastes plaine - montagne dans le bassin méditerranéen au XIXème siècle.

Pour les sociétés anciennes qui disposaient de faibles moyens techniques, la montagne était plus aisée à mettre en valeur que la plaine. Les forêts étaient faciles à défricher, les sols bien égouttés et l’étagement de la végétation favorisait la polyculture associée à l’élevage. Les plaines littorales étaient loin d’être aussi favorables :

« Les eaux de cours d’eau secondaires s’infiltrent dans les alluvions, et la surface du sol s’assèche. En s’approchant du niveau de base, on retrouve une zone où la nappe phréatique affleure pendant l’hiver, donc périodiquement inondée, et ainsi on passe aux marécages littoraux que le fleuve n’a pas encore colmaté de ses alluvions »97.

Sans aménagement, les plaines alluviales méditerranéennes sont peu favorables à la vie humaine. Les inondations temporaires empêchent la construction de villages, les eaux stagnantes sont cause de malaria. Dans sa thèse sur les paysans du Languedoc au XVIIIème siècle, Emmanuel Le Roy Ladurie98 décrit le littoral languedocien comme la zone la plus insalubre qui soit dans le royaume de France ; la mortalité infantile y atteignait des records. Ainsi, l’assainissement et l’aménagement des plaines littorales méditerranéennes exige-t-il une organisation politique et des capitaux que seules les villes ou les Etats peuvent fournir.

1 - Les plaines sont aménagées par les villes.

L’agriculture des plaines littorales répond aux exigences des villes99, car ce sont elles qui ont financé et dirigé leur mise en valeur, lors de la colonisation agricole qui s’est produite au cours des XVème et XVIème siècles. La forte augmentation des populations citadines et la reprise du commerce méditerranéen à partir de la Renaissance stimulèrent les cultures d’exportation dans la périphérie des villes portuaires : oliviers, vignes, céréales. Des ceintures d’oliveraies apparurent au XIXème siècle autour de Lattaquié et Tartous en Syrie ; quant à Tripoli du Liban, Saïda et Jaffa, elles s’entourèrent d’orangeraies. Les propriétaires citadins embauchèrent pour leurs exploitations des montagnards chassés par le trop-plein démographique chronique. Ces derniers travaillaient comme métayers, khâmes100 le plus souvent, ou comme saisonniers à l’époque des moissons et de la cueillette des olives.

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BIROT Pierre et DRESCH Jean : La Méditerranée et le Moyen – Orient, Tome I, PUF, Paris, 1956, p. 107.

98

LE ROY LADURIE Emmanuel : Les paysans de Languedoc, Flammarion, Paris, 1977, 383 p.

99

BRAUDEL Fernand : La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippes II, Paris, A. Colin 1949, 1160 p.

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Le Khâmes ne perçoit qu’un cinquième de la récolte car il ne fournit que le travail. Au sud de la Méditerranée, la récolte était divisée en cinq parts égales qui équivalent au travail, au sol, aux semences, au matériel et au bétail de culture.

En France, en Espagne, en Italie, la présence d’un Etat fort et le dynamisme commercial des villes portuaires incitèrent les bourgeoisies urbaines à mettre en valeur les terres littorales dès le début du XVIIIème siècle. Au contraire, dans l’Empire ottoman c’est une régression culturale qui se produisit à la même période. Suite à des crises internes dues à des défaites militaires, en particulier face à l’Autriche, et à des querelles de succession, l’autorité du pouvoir central ottoman s’est beaucoup relâchée à la fin du XVIIIème siècle. Cette carence du pouvoir central permit aux pachas locaux de mettre en coupe réglée les provinces. Des bandes, régulières ou non, ravageaient les campagnes en toute impunité. Cette situation nous est décrite pour la région de Lattaquié par d’abondants rapports consulaires que Jacques Weulersse résuma sobrement par ces phrases :

« Le pays était alors (fin XVIIIèm ou début XIXème 101) livré à une anarchie totale : chefs de bandes et gouverneurs se disputent le privilège de le piller consciencieusement. Le chef-lieu lui-même, Lattaquié, est en perpétuelle émeute : rivalités confessionnelles et conflits de personnes l’ensanglantent régulièrement ; janissaires et Albanais tiennent la campagne »102.

La montée en puissance des potentats locaux, outre les troubles qu’elle engendre, provoqua une dégradation des condition de vie des paysans et par conséquent des moyens de production. Dans les grandes latifundias, le « paysan se trouvait asservi et privé de tout droit, ce qui a conduit à l’abandon de l’entretien des réseaux d’irrigation et de drainage des plaines qui sont redevenues marécageuses, et utilisées comme terrains de parcours »103. Le développement de la malaria, dû aux eaux stagnantes, amoindrit et affaiblit les populations locales, ce qui compromet pour une longue période les efforts de reconquête agricole des terres littorales. Pour certains auteurs marxistes, tel Samir Amin104, c’est la nature même de l’Etat ottoman qui rendait inévitable le déclin de l’agriculture dans les plaines :

« Du point de vue de l’Etat, les classes productives : paysans, artisans, commerçants, ouvriers … avaient pour fonction principale d’assurer le maximum de surplus à la bureaucratie gouvernante, souvent au risque de se trouver elles mêmes à la limite de la survie. En raison de cette conception étroite de la vie économique, il est arrivé que les provinces où il y avait une tradition de grands travaux publics d’hydraulique notamment, comme

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Jacques Weulersse ne précise par exactement la date de ce rapport consulaire. WEULERSSE Jacques : op. cit., Tours, 1940.

102

WEULERSSE Jacques : op. cit., 1940, p. 113.

103

PREVILAKIS Georges : Les Balkans, Nathan, Paris, 1996, 192 p.

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en Irak et en Egypte, soient laissées en ruines ; l’agriculture entra en décadence pour la plus grande misère de la population »105.

Le système d’exploitation en plaine était l’obstacle majeur à la densification de la population rurale, en dehors de quelques zones de plantations et de cultures irriguées.

2 - Le système d’exploitation en montagne était plus favorable à la densification de la population.

Le système agraire en plaine se caractérisait par une dissociation structurelle entre les propriétaires du sol et ceux qui travaillaient la terre. Les liens qui reliaient les paysans à la terre étaient faibles, en raison de la précarité du statut de métayer. A l’opposé, certaines sociétés montagnardes pratiquaient une mise en valeur intensive fondée sur l’appropriation privative du sol et un fort attachement à la terre. Ce système se révélait beaucoup plus peuplant que celui des latifundias céréalières.

a)Montagnes agropastorales et montagnes paysannes.

Les montagnes méditerranéennes se répartissent en deux groupes : les montagnes agropastorales et les montagnes paysannes. Les premières sont habitées par des populations qui pratiquent l’élevage nomade et la céréaliculture extensive ; les densités de populations y sont faibles : une vingtaine d’habitants au kilomètre carré au maximum. Dans ce type de région, les liens du sang priment sur les liens créés par le partage d’un terroir commun et l’attachement au sol est peu assuré, car la terre possède un statut communautaire106. Ce système concernait par exemple les causses oranais et l’arrière-pays d’Annaba ; il se rencontrait aussi fréquemment dans les Balkans. Les montagnes paysannes se caractérisent par contre par une agriculture intensive et le statut privatif de l’exploitation familiale : c’est le cas, entre autre, de la Kabylie et des montagnes levantines.

En Kabylie, le système agraire traditionnel jouait sur la complémentarité des terroirs : « L’économie kabyle associait les terroirs céréaliers exigus des fonds de vallée, des versants arboricoles et les alpages sur les hauteurs pour le cheptel »107. Au Liban et dans le Djebel

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MANSOUR Fawzy : L’impasse du monde arabe, L’Harmattan, Paris, 1988, p. 91.

106

COTE Marc : Pays, paysages, paysans d’Algérie, Editions du CNRS, Paris, 1996, 279 p. Dans le chapitre XV : « L’enracinement dans l’épaisseur sociétale », l’auteur compare deux espaces montagnards géographiquement proches (le massif de Collo et celui de l’Oued Zénati), mais très éloignés du fait de leur organisation sociale.

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Ansaryeh, la population jouait moins sur les complémentarités, car les plaines céréalières lui échappaient. En Kabylie et au Liban, l’arboriculture était la première activité agricole de la montagne : d’une part, en effet seuls, les arbres peuvent puiser assez profondément dans le sol l’eau qui s’y est accumulée durant l’hiver ; d’autre part, face à l’impossibilité de réaliser deux cycles de récoltes, il est le seul capable d’augmenter la production de terroirs exigus. Quant au Djebel Ansaryeh, il demeurait dans sa majeure partie dépourvu d’arboriculture. Moins par le fait de conditions hydriques défavorables que par les conditions sociales, comme je l’expliciterai plus loin.

Les différences d’organisation entre les différents terroirs sont la conséquence de conditions sociales et politiques particulières plus que des conditions naturelles, même si l’influence de ces dernières ne peut être totalement négligée.

b)La montagne alaouite : une montagne paysanne autarcique.

La montagne alaouite est plus démunie en eau que le Mont Liban, bien qu’elle reçoive des précipitations tout aussi abondantes108. C’est que la structure géologique du Djebel Ansaryeh n’est pas favorable à la constitution d’importantes réserves hydrauliques en montagne. Il ne possède pas, comme le Mont Liban voisin, cet horizon imperméable du crétacé inférieur qui permet à l’eau de ressortir en altitude sous la forme de sources pérennes et à fort débit 109. Les eaux que reçoit le Djebel Ansaryeh percolent à travers le massif et forment des sources vauclusiennes au contact des plaines périphériques, telle la source du Nahr El Sîn110. Les torrents de montagne ne sont alimentés que durant les pluies ; dès que le sol est égoutté, le flot cesse. Quelques horizons imperméables seuls donnent naissance à de petites sources dont le débit varie en fonction de la capacité de rétention en eau des diverses strates géologiques.

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La région côtière syrienne est soumise au climat levantin, type dégradé du climat méditerranéen dans sa nuance orientale. Ce climat se caractérise par de fortes précipitations, plus de 1000 mm par an, concentrées entre décembre et mars avec une sécheresse estivale, troublée une fois tous les quatre ou cinq ans par quelques orages. L’été, le littoral est soumis aux vents méditerranéens humides, mais la fraîcheur de la mer conduit à une inversion thermique qui empêche les pluies de convection et même les pluies orographiques. Le ciel est souvent nébuleux, l’air contient plus de 90% d’humidité, la chaleur rend l’atmosphère pénible, le littoral possède alors les caractéristiques des déserts côtiers, tel le Namib. En hiver, les dépressions atlantiques qui balaient la Méditerranée d’ouest en est viennent se heurter aux massifs levantins, il se produit alors de violentes pluies, dont la durée et l’intensité s’élèvent avec l’altitude. La neige fait son apparition vers 1000 m, mais elle disparaît rapidement.

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PLANHOL Xavier (de) : op. cit., 1995, p. 204.

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La source du Nahr El Sîn est située à 10 km au nord-est de Banias ; elle jaillit au pied des derniers contreforts du Djebel Ansaryeh, au contact de la plaine côtière. Son débit varie de 2 m3/s à 7 m3/s.

Si la faiblesse des ressources en eau limite les possibilités culturales, ce n’est cependant pas la cause majeure de l’archaïsme économique dans lequel était encore plongé le Djebel Ansaryeh, comme le constatait Jacques Weulersse, dans une analyse qui s’émancipait du déterminisme géographique de l’école vidalienne : « C’est la déficience de l’homme plus que celle de la nature qui enclôt la montagne dans son économie fermée, qui ne peut lui procurer qu’une perpétuelle misère »111. Dans sa description de la montagne alaouite Jacques Weulersse était frappé par la différence avec le Mont Liban voisin :

« Lorsqu’on parcourt le Massif Alaouite, ce qui frappe c’est l’absente apparente de l’homme ; nulle part on ne voit sa marque sur le paysage. Au Liban, la montagne a été humanisée : on aperçoit partout des maisons, des villages, des routes, des terrasses, des plantations, des jardins. Ici on ne voit que garrigues grises ou maquis sombre : cette garrigue, ce maquis, voilà les « champs du montagnard ». Il s’est contenté de débroussailler les croupes les moins abruptes et de pousser son araire sur les terrains les moins rocailleux. Souvent même le défrichement reste incomplet ; le laboureur contourne les plaques rocheuses, les arbres et même les gros buissons »112.

De semblable descriptions furent faites par les autres personnes qui connurent à la même époque le Djebel Ansaryeh, en particulier les militaires français, dont les témoignages écrits de leurs missions fournissent de précieuses indications : « Par el Mouroudj, Dar el Yous et Jobé, guidés par des indigènes alaouites, mes amis, au milieu d’une brousse aussi vierge que terriblement sauvage, je gagne Aramu »113. Outre le fait que ce rapport confirme les descriptions de Jacques Weulersse, il indique que les routes n’existaient pas dans le massif alaouite, preuve par conséquent, que les Ottomans ne le contrôlaient que formellement.

Malgré la dureté des conditions de vie, la densité de population était plus élevée dans la montagne alaouite dans la plaine côtière, car le paysan était responsable de ses terres. Même lorsqu’il était métayer d’un agha de la montagne, ce dernier avait besoin de sa coopération active pour tirer un bénéfice des maigres lopins de terres, ce qui laissait à l’exploitant une grande autonomie et pérennisait son statut de métayer quasiment à vie. Les droits que les paysans acquéraient sur les terres les distinguaient de leurs homologues des plaines céréalières, travailleurs anonymes des latifundias. Les droits ne pouvaient être aliénés à la

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WEULERSSE Jacques : Paysans de Syrie et du Proche - Orient, Gallimard, Paris, 1946, p. 325.

112

WEULERSSE Jacques : op. cit., 1946, p. 273.

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LA ROCHE (de) Jean : « Notes sur les débuts de notre occupation du territoire des Alaouites », L’Asie française, 1931, p. 373.

bourgeoisie citadine, car « privés des moyens de coercition114 que la machine gouvernementale met à leur disposition dans le plat pays, n’osant s’y aventurer, elle (la bourgeoisie) ne saurait y faire respecter ses « droits » de propriété et d’usure »115. L’isolement garantissait au paysan le bénéfice de son labeur, ce qui lui permettait de nourrir un grand nombre d’enfants. La montagne apparaissait aussi comme un refuge, une protection, face à l’appétit des collecteurs d’impôts et autres autorités.

B - Le Djebel Ansaryeh est une montagne refuge.

Au sud de la Méditerranée, on constate que les montagnes sont le plus souvent peuplées par des populations différentes des Arabes sunnites qui occupent les plaines environnantes, et en particulier les villes. La différence est ethnique au Maghreb (Berbères), confessionnelle au Machrek (Maronites, Druzes et Chiites duodécimains au Liban, Alaouites dans le Djebel Ansaryeh, Zaïdites au Yemen, Yézidis dans le Sindjar).

1 - Critique du concept de montagne - refuge.

Xavier de Planhol, dans Les fondements géographiques de l’histoire de l’Islam116 a développé le concept de « montagne -refuge ». Au Maghreb, l’installation et le maintien des populations berbères dans les montagnes seraient la conséquence des invasions hilaliennes qui ont ravagé l’Afrique du Nord du XIème au XIVème siècle117. La vie sédentaire aurait été éliminée des plaines par l’élevage nomade et les querelles tribales qui firent régner l’anarchie jusqu’à la conquête ottomane. Les montagnes seraient alors restées les seuls îlots de résistance paysanne grâce aux défenses naturelles qu’elles constituent. Xavier de Planhol insiste aussi sur le fait que les dromadaires, ne supportant pas le froid qui règne en altitude, cela rend les montagnes difficilement accessibles aux nomades. Malgré le retour de la sécurité, avec la colonisation française, les Kabyles furent contraints de demeurer en montagne où la

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Le relief escarpé et l’absence de routes rendaient difficiles les expéditions en montagne pour la gendarmerie ou les hommes de main recrutés par les propriétaires. Privés de la force, ces derniers n’avaient plus aucun moyen de pression sur les paysans.

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WEULERSSE Jacques : op. cit., Paris, 1946, p. 261.

116

PLANHOL Xavier (de) : Les fondements géographiques de l’histoire de l’Islam, Paris, 1968, 442 p.

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« Au milieu du XIème siècle, le sultan fatimide du Caire déchaîna sur le Maghreb un fléau sans précédent en y envoyant, pour châtier cette province lointaine devenue trop indépendante, de grandes tribus de nomades arabes, Beni Hilal, suivis bientôt des Beni Solaïm et Maquil. « Ils se précipitèrent sur l’Ifrikya (=Tunisie) comme une nuée de sauterelles, abîmant et détruisant tout ce qui se trouvait sur leur passage », a écrit Ibn Khaldoun . La steppe tunisienne fut touchée au XIème siècle, puis au XIIIème siècle, la plaine du Chélif, le piémont méridional de l’Atlas. « A la même époque, les sultans almohades, en déportant eux-mêmes des tribus arabes dans les plaines du Maroc atlantique, y avaient introduit le ver dans le fruit. Encore riche et peuplé à l’avènement des Mérinides au milieu du XIIIème siècle, le Maroc, dans les trois siècles qui suivirent, sombra dans l’anarchie. » PLANHOL Xavier (de) : op. cit., 1995, p. 315.

population s’est rapidement densifiée, les terres fertiles des plaines ayant été accaparées par les colons.

Au Levant (figure 5), les montagnes étaient pratiquement vides jusqu’à la conquête musulmane. Elles devinrent des lieux de refuge pour les différentes sectes chrétiennes et musulmanes qui s’accordaient mal avec la religion du pouvoir, le Christianisme orthodoxe puis l’Islam sunnite. Les Maronites, installés à l’origine dans la région de Homs, en Syrie, gagnèrent le Nord Liban à la fin du VIIIème siècle et y transférèrent le Patriarcat en 939. Ils furent rejoints au XIème siècle par les Druzes, lesquels, après s’être installés dans l’Hermon, gagnèrent le Chouf. Le Djebel Ansaryeh devint le refuge des Alaouites au XIème siècle, lorsque les réactions seldjoukide et ayoubide118 entraînèrent des persécutions à l’égard des différentes sectes chiites qui avaient prospéré en Syrie.

Au Yémen, les tribus de la montagne, se convertirent au zaïdisme119 au IXème siècle. La défense naturelle que constituait le relief leur permit de résister aux Ayoubides, puis aux Mamelouks et aux Ottomans. Ces derniers restèrent cantonnés dans la plaine côtière et ne purent pénétrer qu’épisodiquement dans le haut pays. Les populations montagnardes échappaient ainsi à l’impôt, et, au XIXème siècle, à la conscription :

« Les lieux escarpés ont toujours été l’asyle de la liberté. En parcourant la côte de Syrie, on voit le