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II. Treponema pallidum

2.3 Clinique, stadification et classification

La syphilis peut être divisée en plusieurs stades cliniques :

a) Syphilis précoce

Elle correspond à une syphilis datant de moins de un an à partir du premier jour du chancre. Elle est le plus souvent contagieuse, et regroupe les anciennes « syphilis primaire », « syphilis secondaire précoce » et « syphilis latente précoce » (74).

Un chancre apparaît 2 à 6 semaines après le contage (15) (ou entre 10 et 90 jours selon les études(20)). Ulcéré, il est généralement indolore, unique, induré et à bords bien définis au niveau du point de contage. Ce chancre peut être difficilement mis en évidence, notamment chez les femmes ou les HSH où, indolores et intra-vaginaux ou intra-rectaux, ils peuvent passer inaperçus (20). Les lésions peuvent aussi être atypiques, parfois multiples et douloureuses, mimant des lésions herpétiques. Il convient donc d’être vigilant pour toute lésion ulcérée au niveau génital ou rectal (voire de la cavité buccale) et ne pas hésiter à renouveler les sérologies en cas de doute (75).

Le chancre disparaît en quelques jours à semaines grâce à l’immunité cellulaire immédiate de la personne infectée (phagocytose par les macrophages) (15).

Une éruption cutanée, secondaire à la dissémination bactériémique des tréponèmes, apparaît souvent 6 semaines après la disparition du chancre, mais peut survenir jusqu’à 6 mois après le contage. Les manifestations précoces sont à type roséole, composée de macules rose pâle, prédominant sur le tronc et disparaissant généralement sans séquelles en un ou deux mois

Lors d’un rapport sexuel avec une personne porteuse d’une syphilis précoce, il y a transmission de la pathologie au partenaire dans environ 50 % des cas (76).

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b) Syphilis tardive

Les manifestations cutanées et viscérales de la syphilis tardive revêtent un caractère plus polymorphe (d’où son qualificatif de « grande simulatrice ») (74) : les syphilides de la seconde floraison sont des papules rouges sombres ou cuivrées, à base indurée, parfois érosives et donc contagieuses. La localisation sur les paumes de main et plantes de pieds est caractéristique mais non constante (19). Disparaissant généralement dans les six mois, l’éruption peut récidiver (25 % des patients) (76).

Des plaques muqueuses buccales ou génitales, particulièrement contagieuses peuvent être retrouvées. L’alopécie classiquement décrite est peu fréquente, contrairement aux lésions ophtalmiques (uvéite, kératite…). De nombreuses lésions viscérales (polyadénopathies, hépatites, glomérulonéphrites, arthrites, ostéites…) peuvent dérouter le diagnostic (19).

Devant la large diffusion des antibiotiques (notamment pour des pathologies respiratoires ou ORL), l’ancienne syphilis tertiaire (qui fait maintenant partie de la syphilis tardive) est devenue très rare de nos jours. Elle apparaît 20 à 30 ans après le contage et touche un tiers des patients n’ayant pas reçu de traitement (77). Il s’agit de lésions granulomateuses résultant d’une hypersensibilité retardée, non contagieuses. Elle associe lésions cutanées, osseuses, cardiovasculaires (anévrysmes, accidents vasculaires cérébraux…) et neurologiques tardives (atteinte des nerfs crâniens, myélite…) (20). Les gommes syphilitiques correspondent à des lésions destructrices de la peau, des os ou des viscères.

A noter que la syphilis latente est caractérisée par une absence de symptômes associée à une sérologie syphilitique positive. Deux tiers des patients porteurs d’une syphilis latente le restent toute leur vie (76). Celle-ci peut être précoce (datant de moins de un an) ou tardive (datant de plus d’un an ou date de la transmission non connue).

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c) Neurosyphilis

Possiblement présente aux deux stades de la maladie, elle est parfois asymptomatique. On distingue généralement la neurosyphilis précoce (méningite, atteinte des paires crâniennes, pathologies ophtalmologiques ou neuro-vasculaire) et tardive (représentée cliniquement par des troubles de comportement, pertes de mémoire ou désorientation temporo-spatiale). En cas de doute, la ponction lombaire confirme le diagnostic (19).

d) Syphilis congénitale

La transmission se fait lors de la deuxième moitié de la grossesse par voie transplacentaire, chez les futures mamans porteuses d’une syphilis précoce ou tardive. En l’absence de traitement maternel, il existe un fort risque de mort fœtale ou d’avortement par anasarque foeto-placentaire. La forme précoce associe chez l’enfant des signes cutanés, osseux et viscéraux variés. La syphilis tardive se retrouve généralement chez les enfants de plus de 5 ans et regroupe anomalies dentaires, surdité et gommes cutanéo-muqueuses (78).

e) Co-infection VIH

Les symptômes cliniques de la syphilis sont globalement similaires entre les patients présentant une co-infection VIH et ceux séronégatifs (79). Les patients co-infectés présentent cependant des chancres souvent plus importants, de plus grande taille, une plus grande proportion de syphilis primo-secondaire avec chevauchement et co-existence des deux stades (chancre et roséole par exemple) (80). Ils pourraient également présenter un risque plus important de complications neurologiques par rapport aux patients séronégatifs (81).

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2.4 Méthodes diagnostiques

Les tréponèmes ne pouvant se multiplier en dehors de l’hôte humain, leur culture n’est pas possible.

Leur identification directe grâce au microscope à fond noir à partir de prélèvements de chancres ou de lésions syphilitiques secondaires reste un examen subjectif, opérateur- dépendant, présentant de faux positifs et négatifs et n’est pas recommandé en pratique courante (20,82).

Les tests sérologiques sont plus largement utilisés. Ils se divisent en deux catégories :

o Les tests tréponémiques (TT)

Comprenant notamment le TPHA (Treponema pallidum Haemaglutination test) ou le TTPA (Treponema pallidum Passive Particules Agglutination Test), deux tests manuels peu coûteux et répandus. La plupart de ces tests se composent d’antigènes tréponémiques recombinants et détectent à la fois les IgG et IgM. Ils se positivent entre la première et la deuxième semaine du chancre. Leur taux plus ou moins élevé n’a pas de rapport avec l’activité de la maladie, celui- ci restant d’ailleurs souvent positif après traitement (20,83).

o Les tests non tréponémiques (TNT)

Comprenant le VDRL (Venereal Diseases Research Laboratory test), le TRUST (Toluidine Red Unheated Serum Test) ou le RPR (Rapid Plama Reagin test). Ils utilisent un complexe contenant une cardiolipine (appartenant à la famille des réagines). Il s’agit de tests non automatisés mais peu coûteux, qui détectent un ensemble d’IgG et d’IgM. Ils se positivent 10 à 15 jours après le début du chancre. De préférence quantitatifs, ils sont à peu près corrélés à l’activité de la maladie. Ils permettent de suivre l’efficacité du traitement et atteignent un « pic » 1 à 2 ans après le début de l’infection en l’absence de traitement (20,83). Ils restent cependant non spécifiques et peuvent se positiver dans de nombreuses situations (pathologies auto-immunes, grossesses…).

Ces dernières années, des tests diagnostics rapides ont fait leur apparition. Bien qu’étant utiles pour le dépistage de masse (notamment dans des pays en voie de développement pour venir à bout des syphilis congénitales) car ils permettent de réaliser le diagnostic et le traitement lors de la même consultation, ceux-ci ne sont pas recommandés

44 dans le cas où des tests de laboratoire sont disponibles, car moins fiables et moins informatifs (20).

En pratique, les recommandations européennes prévoient trois options pour le dépistage de la syphilis (20):

- Réalisation d’un TT

- Réalisation d’un TNT si possible quantitatif - Réalisation des deux tests

Si un des prélèvements revient positif, il est nécessaire de réaliser un test de confirmation qui comprendra de préférence un second TT (différent du premier) associé à un TNT quantitatif s’il n’a pas déjà été réalisé.

Le CDC recommande également la réalisation des deux tests (un TT et un TNT) pour permettre le diagnostic de syphilis (14).

Les recommandations 2016 de la Société Française de Dermatologie proposent la réalisation d’un TT si possible qualitatif automatisé (sur immunoglobulines totales avec une méthode reproductible et automatisable de type immuno-enzymatique) et en cas de positivité confirmation par la réalisation d’un TNT quantitatif sur le même échantillon sanguin (74). Cet algorithme diagnostic a été validé par la HAS dans son communiqué de mai 2015 (84), mais en attente de la nomenclature des actes médicaux.

2.5 Traitement

a) Syphilis précoce

Le traitement de référence, recommandé par de nombreuses institutions (14,19,20) est une seule injection intra-musculaire de 2,4 millions d’unités de benzathine benzyl pénicilline (pénicilline G retard), avec un taux de réponse variant entre 90 et 100 % (85). Les Etats-Unis, le Royaume-Unis et l’Europe s’entendent ainsi sur ce traitement de première intention, mais aussi sur la possibilité d’utiliser la doxycycline (100 mg deux fois par jour pendant 14 jours) en cas d’allergie (86). La ceftriaxone peut aussi être utilisée en deuxième

45 intention, la posologie recommandée variant entre les différents pays (entre 500 mg et 2 g par jour en intra-musculaire (IM) pendant 10 jours) (86). La benzathine benzyl pénicilline est également recommandée pour les patients présentant une co-infection VIH (85,87).

Dans les 24h suivant le début du traitement d’une syphilis (précoce essentiellement), la lyse des tréponèmes peut entrainer de la fièvre, des céphalées, des myalgies et divers symptômes réunis sous le nom de « réaction d’Herxheimer » (14). Elle est prise en charge par un traitement anti-pyrétique, voire par corticothérapie.

b) Syphilis tardive

Correspondant à une syphilis datant de plus de un an (ou deux ans pour l’organisation mondiale de la santé (OMS)), son traitement se compose d’une injection IM de benzathine pénicilline G de 2,4 MUI par semaine pendant trois semaines (soit trois injections au total). En cas d’allergie, la prise de Doxycycline (100 mg deux fois par jour) doit être prolongée à 28 jours (14,19,20,74,86).

Peu d’études ont été réalisées sur les syphilis tardives des sujets VIH positifs et sur les femmes enceintes. Le traitement de référence reste la pénicilline en première intention, avec une désensibilisation à la pénicilline en cas d’allergie (85).

c) Neurosyphilis

Le traitement recommandé pour la neurosyphilis est généralement la pénicilline G à une posologie de 20 MUI par jour IVSE pendant 10 à 14 jours (14,19,20,74,86). Ce traitement doit donc être instauré en milieu hospitalier. En cas d’allergie, un avis spécialisé est nécessaire.

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d) Prise en charge des partenaires sexuels

Le CDC recommande le traitement des patients ayant eu une relation sexuelle dans les 90 jours précédents avec une personne atteinte de syphilis, même si les tests sérologiques reviennent négatifs. Dans le cas de relations sexuelles datant de plus de 90 jours, le traitement n’est recommandé que si les sérologies reviennent positives (14).

e) Difficultés actuelles et alternatives

Depuis 2014 l’Extencilline®

(benzathine benzylpénicilline) utilisée en France pour traiter la syphilis, n’est plus commercialisée par le laboratoire Sanofi-Aventis. Elle avait été remplacée transitoirement par une autre benzathine benzylpénicilline (Sigmacillina®) importée d’Italie et fabriquée par le laboratoire Sigma-Tau, qui n’était disponible qu’en hospitalier, bien que rétrocédable (88). Depuis peu, le laboratoire Sandoz produit une benzathine benzylpénicilline disponible dans les officines de ville.

2.6 Synthèse : un enjeu de santé publique

La syphilis réapparaît depuis les années 2000 dans une population particulière, celle des HSH, avec une accélération des transmissions ces dernières années.

En Angleterre par exemple, alors qu’il y a une relative stagnation voire un recul des cas de syphilis parmi les femmes et les hommes hétérosexuels, ceux-ci ont augmenté de 46 % entre 2013 et 2014 chez les HSH (89). La baisse d’utilisation du préservatif semble en être la principale cause.

Parmi les HSH, ceux présentant une co-infection VIH présentent quatre fois plus d’infections sexuellement transmissibles que les séronégatifs et constituent la population la plus à risque de contracter la syphilis (90).

Pour endiguer cette recrudescence, la Haute Autorité de la Santé (HAS) recommande en France le dépistage de la syphilis de tous les HSH ayant des rapports sexuels non protégés

47 (fellations comprises), au moins une fois par an (21). D’autres institutions recommandent un dépistage plus fréquent (par exemple tous les 3 à 6 mois pour les HSH de San Francisco (91)).

Par prudence, l’HAS recommande de proposer un dépistage de la syphilis pour (21):

- Les travailleurs du sexe ayant des rapports sexuels non protégés (ou toute personne ayant des rapports non protégés avec des travailleurs du sexe), fellations comprises. - Toute personne présentant un antécédent ou un diagnostic d’IST.

- Toute personne ayant des rapports sexuels non protégés avec plusieurs partenaires (fellations comprises).

- Les migrants en provenance de pays d’endémie (Afrique, Asie, Europe de l’Est, Amérique du Sud).

- Les personnes victimes de viol. - Les personnes incarcérées.

Concernant la syphilis congénitale, il est recommandé en France de réaliser une sérologie syphilitique chez toutes les femmes enceintes lors du premier trimestre de grossesse (21). Pour les femmes à risque, il est possible de proposer une seconde sérologie au troisième trimestre (avant 28 SA). Le dépistage doit aussi être proposé aux femmes ayant des antécédents d’avortement spontané ou d’enfant mort né (21).

Ce dépistage est essentiel à la fois pour venir à bout de la syphilis congénitale (qui sévit surtout dans les pays en voie de développement) mais aussi pour endiguer la résurgence de la pathologie dans les pays occidentaux, qui pour l’instant se cantonne à une population bien définie mais pourrait d’étendre à d’autres populations dans les prochaines années.

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