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L’ACV « classique » du biométhane algal

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“Life cycle assessment of biomethane from offshore-cultivated seaweed”

7.2 Life cycle assessment of biomethane from offshore-cultivated seaweed

7.3.1 L’ACV « classique » du biométhane algal

Cet article montre que les macroalgues sont une source prometteuse de biomasse à usage industriel pour le futur. En effet, en modélisant des techniques prospectives de production de biométhane algal, on arrive à des bilans environnementaux intéressants, compte tenu de la non maturité industrielle de cette filière. Que ce soit à partir de biomasse entièrement dédiée à la production de biocarburants ou bien à partir de biomasse résiduaire de la production d’alginates, l’usage de biométhane algal en tant que carburant conduit à une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 22% et 54% respectivement, en comparaison avec l’usage de gaz naturel-carburant. Il permet également de réduire la raréfaction des ressources fossiles de 59 et 69% respectivement. Ceci est à mettre en lien avec des pratiques de culture extensives en mer, ne nécessitant pas d’ajout d’engrais ou de pesticides. Cette filière de production entraîne même une forme de dépollution, en débarrassant la mer des phosphates et nitrates éventuellement en excès dans les zones eutrophisées.

Ces performances environnementales sont très dépendantes des modes de production choisis, et notamment des sources d’énergie entrant dans le système. Ceci est vrai en général pour toutes les formes de bioénergie nécessitant des apports énergétiques conséquents. Ainsi, dans le cas de la production de biocarburants à partir de microalgues par exemple, il a été montré que les performances environnementales du système étaient très fortement liées à la nature de l’électricité utilisée sur le site de production et de transformation de la biomasse (Collet 2012). Il s’agit donc ici de discuter les données de l’arrière-plan de l’étude (background system en anglais). Les données de l’arrière-plan sont des données dites secondaires, le plus souvent issues de bases de données génériques ou de références publiques. On les oppose aux données du premier plan (foreground system en anglais), correspondant aux données primaires de l’étude, c’est-à-dire aux données propres au site et plus généralement au périmètre de l’étude. Pour œuvrer dans le sens d’une amélioration des performances environnementales d’un procédé, il convient de s’intéresser à ces deux types de données. Pourtant, le plus souvent on se limite à l’amélioration des procédés en lien avec le premier plan (en comparant plusieurs technologies notamment). Même si la nature de l’électricité utilisée paraît être une donnée fixe, imposée par le mix énergétique du pays d’implantation de la production, elle n’est pas pour autant une fatalité ; et le couplage des deux productions,

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168 électrique renouvelable et de biocarburant, s’avère particulièrement bénéfique d’un point de vue environnemental.

Ainsi, nous avons montré dans cette étude que le levier d’action le plus efficace pour améliorer la filière était le couplage de la production d’électricité éolienne avec la production de biométhane algal. Ce changement d’approvisionnement entrainerait même davantage de bénéfices pour l’environnement qu’une amélioration de 23,5% sur le rendement en biomasse (alors que ce chiffre représente une avancée technologique énorme). Le changement de mode de chauffage des digesteurs pourrait également être une source d’amélioration notable du système. On peut noter toutefois que les hypothèses utilisées pour le chauffage des digesteurs dans cette étude étaient assez conservatrices, notamment en ce qui concerne la charge volumique appliquée (CVA). La CVA d’un digesteur anaérobie correspond au flux de matière traitée ramené au volume du réacteur. Elle s’exprime en kg de matière oraganique traitée par m3 et par jour. La matière organique peut être mesurée en quantité de Carbone Organique Dissous (COD) ou en quantités de Matières Volatiles (MV) pour les effluents solides (pour lesquels la quantité de COD est difficilement mesurable. La CVA est très souvent utilisée pour dimensionner les digesteurs, à partir de la formule suivante :

Eq. 7-1 e R Q C CVA V × =

avec Qe le débit entrant dans le digesteur (en m3.jr-1), C la concentration en COD (kgCOD.m-3) et VR le volume du réacteur (en m3).

La charge ayant été choisie faible (2,3 et 3,2 kg de matière fraîche par m3 et par jour pour les digesteurs alimentés respectivement en algues entières et en résidus d’extraction), les temps de séjour de la biomasse étaient par conséquent assez longs (43 jours dans les deux cas) et les volumes de digesteur à chauffer élevés. Par ailleurs, il serait possible d’opter pour des digesteurs semi-enterrés, pour limiter les déperditions de chaleur. Ainsi, l’autoconsommation de biogaz a pu être surestimée dans cet article. D’ailleurs, de nouvelles expériences en cours au Laboratoire de Biotechnologie de l’Environnement (LBE), à l’échelle pilote montrent aujourd’hui que la digestion est possible avec une charge plus importante que celle modélisée dans l’étude (projet WinSeaFuel, données non publiées).

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169 Comme souligné précédemment, les données utilisées pour cette étude sont à la fois des données bibliographiques et des données extrapolées à partir d’essais en pilotes. Ainsi se pose la question de leur fiabilité, notamment pour les consommations électriques : même s’il s’agit de données bibliographiques à l’échelle industrielle, elles sont basées sur des volumes d’eau à traiter, qui sont eux-mêmes basés sur des données pilote. Ainsi, si les volumes à traiter sont surestimés, même après correction des consommations électriques par litre traité, on surestimera malgré tout le résultat final.

D’autres limites existent, se rapportant à la modélisation de la valorisation des digestats. Même s’il y a eu une amélioration d’un point de vue méthodologique par rapport à la première modélisation (Langlois et al. 2011b), les données sur la valeur agronomique de ces digestats restent assez approximatives. Il s’agit d’un domaine d’étude scientifique qui doit être davantage creusé. Dans cette étude, nous avons considéré par défaut que les taux de minéralisation de l’azote et du phosphore étaient les mêmes que le taux de biodégradabilité de la matière organique carbonée. Il s’agit d’un point de recherche qui devrait être davantage creusé dans le futur.

Le couplage de la production d’énergie et de l’extraction de bioproduits permet de meilleures performances environnementales. Mais dans le cas de la filière utilisant des résidus d’extraction, ces chiffres doivent n’être considérés que comme des ordres de grandeur : les résultats sont fortement dépendants des hypothèses posées pour gérer la question de l’allocation des impacts entre les alginates et le biométhane. Comme souligné dans l’article, les résultats sont très fluctuants en fonction de l’allocation, elle-même liée à des données variables en fonction du marché (puisque nous avons fait le choix d’une allocation financière).

Ce concept de bioraffinerie pourrait d’ailleurs même être encore plus poussé : de nombreuses autres valorisations sont possibles, et la chimie verte s’intéresse fortement à ce type de produits. Ainsi, dès le début du XXème siècle, des sites de production de potasse et d’acétone à partir d’algues brunes existaient à l’échelle industrielle (Neushul 1989). Aujourd’hui la recherche s’intéresse à la valorisation d’autres bioproduits issus de la biomasse algale : polyphénols, fucanes, fucoxanthine, molécules d’intérêt médical (virales, anti-bactériennes ou anti-cancéreuses)… Néanmoins il faut garder en tête que le fractionnement a un fort impact environnemental, notamment si le produit que l’on cherche à isoler est

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170 fortement dilué dans la biomasse. Ainsi, d’autres ACV devraient être menées quant à ces nouveaux débouchés.

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