RAPPEL HISTOLOGIQUE DE LA PEAU
2. Classification de l’OMS actualisée 2008
En 2008, l’OMS a établi une classification des tumeurs hématopoïétiques, qui réunit toutes les hémopathies sans distinction d’organes, mais qui reconnait l’existence de nombreux lymphomes de présentation cutanée primitive, on y distingue des entités bien définies dont le diagnostic est basé sur la confrontation de données cliniques, phénotypiques et histologiques et dont le pronostic est connu.
Un des intérêts de cette classification est ainsi de réduire la séparation parfois artificielle entre les lymphomes cutanés primitifs et lymphomes cutanés secondaires tout en gardant des entités dont le recrutement est dermatologique. En effet si certains lymphomes se présentent exclusivement dans la peau alors que d’autres sont toujours extra cutanés au moment du diagnostic, tout en pouvant s’accompagner ultérieurement de localisations secondaires, de nombreuses entités peuvent de façon variable se présenter primitivement ou secondairement dans la peau, c’est le cas des lymphomes B associé au virus EBV (lymphome B du sujet âgé, post-transplantation, associés au VIH par exemple) [21]. (Tableau 4)
Lymphomes à cellules T et NK matures Lymphomes de bas grade :
Mycosis fongoïde (MF) et variantes :
- MF pilotrope - MF pagétoïde
- MF chalazodermique
Lymphoprolifération T cutanées CD 30+ : - Papulose lymphomatoïde
- Lymphome T anaplasique cutané primitif
Lymphome T sous cutané à type de panniculite (TCR alpha-bêta) Lymphome T de type hydrovacciniforme
Lymphomes de haut grade :
Syndrome de Sézary
Leucémie /lymphome T de l’adulte (HTLV-1)
Lymphome T gamma-delta cutané primitif (cutané/sous-cutané) Lymphome NK/T extraganglionnaire de type nasal
Entités provisoires
Lymphome T cutané primitif pléomorphe à petites /moyennes cellules Lymphome T cutané primitif CD8+ cytotoxique épidermotrope agressif
Lymphomes à cellules B matures Lymphomes de bas grade :
Lymphome B de la zone marginale de type MALT extra ganglionnaire cutané
Lymphomes de haut grade :
Lymphome B diffus à grandes cellules, NOS
- Lymphome B diffus à grandes cellules cutané primitif de type jambe - Granulomatose lymphomatoide
Lymphome B intravasculaire
Syndromes lymphoprolifératifs associés à l’immunodépression
Syndrome lymphoprolifératif associé à une maladie dysimmunitaire Syndrome lymphoprolifératif post-transplantation
Leucémie aiguë myéloïde et hémopathies à précurseurs myéloïdes
Tumeurs à cellules plasmacytoïdes dendritiques blastiques
Tableau 4 - Principaux lymphomes et hémopathies de présentation habituellement ou
fréquemment cutanée primitive, extraits de la classification OMS 2008 (les entités jugées provisoires apparaissent en italique)21.
ETIOPATHOGENIE
I. Physiopathologie
La physiopathologie des lymphomes B cutanés est toujours mal élucidée et la plupart des classifications des lymphomes, sont des classifications histo-génétiques, se basant sur la parenté (morphologique, phénotypique et moléculaire) des cellules néoplasiques B ou T. La connaissance des populations lymphocytaires, en termes de différentiation et de maturation, est donc importante pour pouvoir comprendre les éléments de classification des lymphomes cutanés.
Le lymphocyte B est le support de l’immunité humorale adaptative qui repose sur la présence d’anticorps spécifiques, il est normalement présent dans le sang et dans les organes lymphoïdes secondaires (rate, ganglion lymphatique, formations lymphoïdes
associées aux muqueuses MALT) et anormalement présent au niveau de la peau. En
effet, certains auteurs pensent que l'expression des récepteurs cutanés spécifiques par les lymphocytes B normaux et/ou néoplasiques dans des situations particulières peut expliquer le tropisme et l'accumulation dans la peau des cellules B lymphoïdes.
Trois grandes phases marquent la vie d’un lymphocyte B : Première étape
La lymphopoïèse primaire au sein de la moelle osseuse :
A ce niveau , la cellule souche hématopoïétique (CSH) CD34+ se différencie en progéniteur B puis en précurseur B puis en LB immature sous l’influence de IL-7. Ensuite, un réarrangement de gènes des Immunoglobulines (Igs) des LB, se fait en absence de tout contact avec l’antigène (Ag) parallèlement à l’inactivation ou l’apoptose des cellules ayant une forte affinité avec les Ag du soi, c’est la « tolérance
B centrale », ceci aboutit à la constitution d’une population très hétérogène de lymphocytes B naïfs polyclonaux, chacun d’entre eux synthétisant une molécule d’immunoglobuline différente qu’il utilise comme récepteur de surface:
- CD79 a : est le premier à apparaître, il s’agit d’une molécule associée à
l’Igm et permettant la transmission du signal antigénique. Puis secondairement apparaît :
- CD19 : cet antigène forme un complexe avec les molécules CD21, CD81 et Leu-13, qui modulent la transduction des signaux par le BCR.
- CD 22 : est une molécule d'adhésion qui interagit avec des hydrates de
carbone sialylés. La liaison du CD22 réduit le seuil de signalisation par le BCR.
- CD20 : molécule de canal calcique, qui apparaît tardivement (présente sur
les cellules matures).
- CD21 : régule les réponses prolifératives B; c’est aussi le récepteur d’une
fraction du complément, et de l’EBV.
- CD23 : ou Fc Epsilon R2, il existe sous deux isoformes :
CD23a qui est spécifique des cellules B.
CD23b qui est une molécule inductible sur diverses cellules (B, T, NK, …); ce récepteur peut être clivé et retrouvé dans le plasma.
La cellule naïve qui a réarrangé les gènes des immunoglobulines exprime un récepteur B de surface d’isotype IgD et /ou IgM.
Deuxième étape
La migration des cellules B par le biais du sang vers les organes lymphoïdes secondaires (rate et ganglions lymphatiques).
Troisième étape
Les lymphocytes B rentrent en contact avec l’antigène présenté par les CPA( cellules folliculaires dendritiques, macrophages) soit directement pour les Ag thymo-indépendants soit indirectement pour les Ag thymo-dépendants en présence de lymphocytes T auxiliaires CD4+ Th2 préalablement sensibilisé à ce même Ag, ce qui entraîne l’activation des lymphocytes B , la perte d’IgD de surface et la migration de la cellule vers un follicule primaire pour générer un centre clair germinatif, c’est la commutation isotypique ou switch).
Cette maturation s’accompagne de changements :
- Morphologiques : cellules centrocytiques puis immunoblastiques et
centrocytiques.
- Phénotypique : expression de CD 10, Bcl-6 et perte de l’expression de Bcl-2
Ces changements rendent les cellules sensibles à l’apoptose, ce qui permet à l’organisme de se débarrasser des lymphocytes ayant trop ou pas assez d’affinité pour l’antigène qui leur est présenté dans les centres par les cellules folliculaires dendritiques. Cette maturation permettra de générer une cellule B mémoire ou un plasmocyte sécréteur d’Ig. Ces cellules se regroupent au niveau du follicule dans les zones marginales, avant de recirculer dans l’organisme [21] (voir schéma
Schéma : montrant la maturation des lymphocytes B, représenté après le stade de production médullaire des cellules B naïves à partir de cellules souches, avec au centre une
La transition d’un état pré-néoplasique à un état néoplasique semble être déterminée par un déséquilibre entre la prolifération anarchique des cellules et B et les mécanismes d’apoptose. En effet, l’expansion cellulaire entraine de nombreux désordres cellulaires à savoir :
- Une dérégulation de la transmission des signaux intracellulaires ;
- La surexpression des oncogènes et/ou l’inhibition des gènes suppresseurs de
tumeurs.