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Deux classes d’universalité pour la transition vers le mouve-

Dans le document Physique statistique de la matière active (Page 196-200)

5.4 Séparation de phase ou microphases

5.4.2 Deux classes d’universalité pour la transition vers le mouve-

Les résultats des sections précédentes montrent que l’on peut obtenir deux

types de comportement pour la transition vers le mouvement collectif. Ceux-ci

semblent intimement liés à la présence (ou non) de fluctuations géantes de densité.

Dans le modèle d’Ising actif, comme dans les équations hydrodynamiques fluc-

tuantes avec une aimantation scalaire, les fluctuations de densité sont normales et

on observe une séparation de phase complète. Dans le modèle de Vicsek, comme

dans les équations hydrodynamiques avec aimantation vectorielle, les fluctuations

de densité sont géantes et s’accompagnent d’une séparation en microphases.

Dans cette section, nous voulons tester la généralité de ces deux classes d’uni-

versalité en étudiant d’autres modèles de spins actifs. En particulier, nous intro-

duirons un modèle XY actif, qui a la même symétrie que le modèle de Vicsek

mais une dynamique microscopique différente. Nous introduirons également un

modèle de Potts actif dans lequel chaque particule porte une « couleur » parmin.

En associant chaque couleur à une direction d’autopropulsion, on peut modifier

le nombre de directions possibles et ainsi obtenir des cas intermédiaires entre le

modèle d’Ising actif (deux directions) et le modèle XY actif (une infinité). Nous

étudierons ces modèles sur réseau, ce qui ne semble pas introduire de différences

qualitatives par rapport à des modèles similaires en espace continu (voir l’article E,

section VI.B, pour une version du modèle d’Ising actif en espace continu).

Modèle XY actif

On peut définir un modèle XY actif sur un réseau 2d d’une façon similaire

au modèle d’Ising actif. Chaque particule porte un spin continu

S

i

donnant sa

direction d’autopropulsion. Elles sautent alors vers le site voisin dans la direction

u (avec u = (±1,0) ou u = (0, ± 1) pour les directions horizontales et verticales)

avec un taux

D(1 + εu · S

i

). Les particules alignent également leur direction de

déplacement avec les particules présentes sur le même site. La dynamique de l’angle

θ

i

, paramétrant le spinS

i

de la particule

i, est donnée par l’équation de Langevin

˙

θ

i

=−

H

∂θ

i

+√2T ξ

(5.11)

ξ est un bruit blanc gaussien de variance unité. L’Hamiltonien

H est similaire

à celui d’un modèle XY dans lequel tous les spins sur un même sitek sont couplés

H = −

X k

1

ρ

k X i6=j

S

i

· S

j

(5.12)

où la première somme porte sur les sites du réseau et la deuxième sur les particules

présentes au site

k. Comme pour le modèle d’Ising actif, on utilise un algorithme

de mise à jour séquentielle aléatoire dans les simulations.

On retrouve dans ce modèle XY actif la phénoménologie du modèle de Vicsek.

En particulier, on mesure des fluctuations géantes de densité qui ont la même loi

d’échelle que celles du modèle de Vicsek (voir figure 5.8). De plus, l’expérience

numérique de l’article 5.4 (figure 5) donne le même résultat que dans le modèle

de Vicsek : une large bande ordonnée de haute densité est métastable. Aux temps

longs, celle-ci se casse en bandes de taille finie, réparties périodiquement dans

l’espace (voir figure 5.7). Cela n’est au contraire jamais observé dans le modèle

d’Ising actif, dans lequel un domaine liquide de taille arbitraire est stable.

5.4. Séparation de phase ou microphases

197

Figure 5.7 – Modèle XY actif. Un grand domaine liquide ordonné est méta-

stable. Aux temps longs il se brise pour former plusieurs bandes. Paramètres :

T = 0.3, ρ

0

= 0.6, D = 1, ε = 0.9, taille de système 2000× 100.

Introduisons maintenant un modèle de Potts qui va nous permettre d’interpoler

entre le comportement du modèle d’Ising actif (deux directions d’autopropulsion)

et celui du modèle XY actif (une continuité de directions). Dans celui-ci,

n « cou-

leurs », portées par les particules, sont couplées à

n directions d’autopropulsion

possibles. L’Hamiltonien contrôlant l’alignement des particules s’écrit

H = −

X k

1

ρ

k X i6=j

δ

c(i)c(j)

(5.13)

c(i) est la couleur de la particule i. Une particule change alors sa couleur de c

1

en

c

2

avec une probabilité

W (c

1

→ c

2

) = exp

−β∆H

2

!

(5.14)

Notons que ce type d’alignement est légèrement différent de l’alignement ferro-

magnétique considéré précédemment : deux particules ayant des couleurs (i.e. di-

rections) différentes contribuent à

H de la même façon, qu’elles que soient leurs

couleurs (qu’elles correspondent à des directions proches ou opposées).

Nous avons considéré les deux cas les plus évidents sur réseau : les modèles de

Potts à quatre et huit couleurs. Dans le modèle à quatre couleurs, quatre directions

(haut, bas, gauche et droite) sont possibles. Avec huit couleurs, nous rajoutons les

diagonales. Une particule saute alors dans la direction donnée par sa couleur avec

un taux

D(1 + ε) et dans toutes les autres directions avec un taux D(1− ε).

Les comportements des modèles à quatre et huit couleurs sont qualitativement

différents. En particulier, les fluctuations de densité dans la phase ordonnée sont

normales pour le cas

n = 4 et géantes, avec la loi d’échelle des modèles de Vicsek

et XY, pour

n = 8 (voir figure 5.8). De plus, le modèle à quatre couleurs montre

une séparation de phase entre un domaine gazeux et un domaine liquide stable

arbitrairement grand, un comportement similaire à celui du modèle d’Ising actif

(voir figure 5.9).

Notons que ces résultats sont préliminaires. Les modèles de Potts sont gour-

mands en temps de calcul (qui est proportionnel au nombre de couleurs) et leurs

10

3

10

4

10

5

10

6

10

1

10

2

10

3

10

4

∆n

n

0.5

0.8

Ising

Potts 4c

Vicsek

XY

Potts 8c

Figure 5.8 – Fluctuations de densité dans les modèles microscopiques étu-

diés. On distingue deux comportements : des fluctuations normales dans les

modèles d’Ising actif et de Potts actif à quatre couleurs, des fluctuations

anormales données par le même exposant

α = 0.8 pour les modèles de Vic-

sek, XY actif et Potts actif à huit couleurs.

Figure 5.9 – Séparation de phase dans le modèle de Potts actif à quatre

couleurs. Paramètres :

β = 4.5, ρ

0

= 5.5, ε = 0.9, D = 1, taille du système

600× 200.

propriétés restent à étudier plus en détail, en particulier la coexistence de phase

dans le modèle à huit couleurs.

Classes d’universalité

La conclusion qui semble se dégager de ces résultats est qu’on peut organiser

les modèles de particules autopropulsées avec alignement ferromagnétique en deux

classes d’universalité, qui correspondent à deux types de coexistence de phase.

La forme de la coexistence de phase est contrôlée par les propriétés de la phase

ordonnée. En particulier, la présence ou non de fluctuations anormales de densité

semble cruciale. Des fluctuations normales dans la phase liquide donnent lieu à

une séparation de phase complète dans la région de coexistence. Au contraire, des

fluctuations géantes entraînent une séparation en microphases.

La présence de ces fluctuations géantes de densité est liée à la symétrie ro-

tationnelle du système. Lorsqu’un faible nombre de directions d’autopropulsion

5.5. Mouvement collectif en dimension 1

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