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CHAPITRE 5 : OXYDATION D’ÉTHERS ALIPHATIQUES

2. Cinétique du processus d’oxydation des éthers

Les constantes de vitesse calculées relatives aux trois chemins réactionnels décrits tout au long de ce chapitre sont rassemblées dans le tableau 20. Toutes les valeurs calculées pour les constantes de vitesse d’isomérisation et de production d’hydroperoxydes, ont été corrigées pour tenir compte de l’effet tunnel du proton (cf. chapitre 2). Ce facteur multiplicatif, le coefficient de transmission, estimé dans la forme proposé par Wigner [17], présente une valeur d’environ 3,5 pour toutes les réactions.

Comme déjà observé dans le cas du DEE, les deux chemins réactionnels caractérisés par des valeurs de constantes de vitesse plus importantes sont, pour tous les éthers, la β-scission et l’isomérisation. Néanmoins, le rapport entre les constantes relatives aux deux processus

(kdec/kiso dans le tableau 20) ne mets pas en évidence de comportement commun (la valeur de ce

rapport varie entre 1010 et 10-1)

Dans tous les cas étudiés, la décomposition semble être la voie de réaction favorisée : d’un point de vue cinétique, elle présente en effet l’avantage d’être unimoléculaire et elle implique

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l’augmentation de la molécularité du processus (un réactif donnant deux produits). Néanmoins, cette voie réactionnelle n’est pas en compétition directe avec l’isomérisation, mais avec la

réaction exothermique et sans barrière d’activation entre le radical RIORII· et l’oxygène

moléculaire. Cette étape du processus sera donc très influencée par les conditions

expérimentales : notamment en présence d’oxygène, la réaction d’addition d’O2 sera favorisée à

cause de son exothermicité et donc l’isomérisation sera le chemin de réaction prépondérant ; en absence d’oxygène, la décomposition est l’unique voie de réaction possible.

Par ailleurs, des sous-groupes peuvent être identifiés à partir des valeurs de constantes de vitesse rassemblées dans le tableau 20. En particulier, on constate que, pour les éthers ne pouvant pas s’isomériser en passant par un état de transition à six termes (MtBE, TAME et EtBE), la décomposition directe des radicaux issus de l’étape d’initiation est la seule réaction possible, comme déjà reporté en littérature pour les radicaux alcoxyle [7]. D’autre part, les seuls éthers pour lesquels des constantes de vitesse comparables ont été calculées pour les deux chemins réactionnels, sont ceux présentant un comportement chimique similaire au DEE (MiBE,

EnPE et EiBE). Pour ces éthers, le rapport kdec/kiso est compris entre 0,23 et 2,5 (ce rapport est

égal { 4,15 pour l’éther diéthylique).

3. Conclusions

Dans ce chapitre l’étude théorique de l’oxydation d’une série de 13 éthers aliphatiques est présentée. Comme cela a été suggéré par l’étude mécanistique détaillée menée au cours de cette thèse sur l’éther diéthylique, trois voies réactionnelles ont été considérées : la décomposition

directe par β-scission des radicaux RIORII·, l’isomérisation des radicaux peroxyde RIORIIOO· et la

réaction de métathèse de ces derniers sur une molécule de solvant pour former des hydroperoxydes.

Pour tous les éthers considérés, l’étude de modélisation moléculaire et l’estimation des constantes de vitesse démontrent que, de manière analogue au DEE (cf. chapitre 3), la décomposition par β-scission des radicaux issus de l’étape d’initiation est le principal chemin de réaction. Le scenario est très différent si on considère un milieu réactionnel où de l’oxygène moléculaire est présent : l’addition exothermique et sans barrière d’activation de l’oxygène

moléculaire sur les radicaux RIORII· deviendrait la voie réactionnelle préférentielle. Une telle

prédominance de la production de radicaux peroxyde favoriserait ainsi la voie réactionnelle d’isomérisation.

La généralisation mécanistique faite dans ce travail sur l’oxydation d’une classe entière de composés { partir des résultats obtenus pour une molécule modèle, a permis d’identifier les énergies mises en jeu dans les étapes clef du processus sans nécessiter une étude mécanistique

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détaillée de l’oxydation de chaque molécule considérée. De plus, les valeurs thermodynamiques collectées au cours de cette étude ont aussi permis de mettre en évidence la relation linéaire existante entre les enthalpies d’activation et les enthalpies de réaction obtenues pour la réaction d’isomérisation des radicaux peroxyde des 13 éthers considérés. Cette relation permet donc d’estimer, pour les éthers aliphatiques, la barrière d’activation de la réaction d’isomérisation des radicaux peroxyde en s’affranchissant de la caractérisation de l’état de transition, coûteuse au niveau computationnel.

Des prévisions qualitatives sont aussi possibles sur les principaux produits de l’oxydation des éthers étudiés. En partant des considérations faites sur la cinétique des étapes en compétition, il est possible de supposer, par exemple, que les principaux produits du processus d’oxydation des éthers considérés soient issus de la voie de β-scission (aldéhydes ou cétones) et de la décomposition des radicaux produits (les radicaux alkyle produits dans la réaction de β-scission, ainsi que les radicaux hydroperoxyde produits par la réaction d’isomérisation).

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CHAPITRE 6 : ANTIOXYDANTS

Jusqu’ici les études mécanistiques et cinétiques sur l’autoxydation des éthers en général et du DEE en particulier, ont été décrites en détail.

Dans les bonnes pratiques de laboratoire, différentes méthodes empiriques sont adoptées contre ce phénomène de dégradation des composés chimiques, potentiellement { l’origine de la formation de produits dangereux tels que les peroxydes. Les méthodes utilisées pour la stabilisation des composés peroxydables visent surtout à minimiser les causes de risque aigu : il s’agit, par exemple, du stockage de ces composés dans des récipients opaques pour éviter la catalyse de la lumière, ou du stockage et de l’utilisation des produits sous atmosphère inerte. Néanmoins, la méthode reconnue { l’heure actuelle comme la plus efficace pour le ralentissement du processus d’autoxydation et qui est employée par les producteurs de composés peroxydables pour leur stabilisation, est l’ajout d’inhibiteurs chimiques { l’état de

traces [1-3].

Les molécules utilisées en tant qu’inhibiteurs sont très variées, comme le sont aussi les mécanismes d’action [4,5].

Bien que très utilisé, l’ajout d’antioxydants n’est pas une solution définitive { l’oxydation des composés chimiques. Les inhibiteurs sont, en effet, consommés dans le temps puisque leur activité principale est de se substituer aux molécules ou aux radicaux produits au cours de la décomposition du composé peroxydable. À ce propos, les hypothèses mécanistiques faites dans la littérature sur l’action des antioxydants sont variées : la connaissance du mécanisme d’inhibition pourrait, en effet, être utile dans la pratique en donnant une idée plus claire, par exemple, sur les quantités d’inhibiteur { utiliser lors du stockage d’un composé peroxydable. Dans ce chapitre, une étude mécanistique sur l’inhibition du processus d’oxydation, réalisée { l’aide de la DFT, est proposée. Le composé peroxydable choisi en tant que molécule modèle pour conduire cette investigation a été le DEE, éther pour lequel le mécanisme d’oxydation a été étudié en détail [6]. Quant aux antioxydants, ils ont été choisis parmi les molécules (composés phénoliques, amines primaires, secondaires et tertiaires, phosphines) les plus utilisées pour l’inhibition du processus d’oxydation des alcanes et des éthers [5,7-9].

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