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2.2 Etudes sur la remise en suspension due à la marche

2.2.4 Cinématique de la marche

Eisner et al. (2010) mettent en place un dispositif expérimental reproduisant cette fois-ci une chaussure capable de décrire la trajectoire effective lors de la marche. Une illustration du dispositif est donnée par la Figure 18. Cette étude s’intéresse à la remise en suspension de particules de taille variant entre 1 µm et 10 µm de diamètre.

Figure 18 : Pied mécanique reproduisant la marche humaine [Eisner et al. (2010)]

Comme on peut le voir sur la Figure 19_a, un « mur de particules » (signalé par un cercle rouge sur la Figure 19) se forme sous la chaussure. En effet, sous l’effet de la dépression créée par le soulèvement de la chaussure, l’air s’écoule de façon rapide dans l’espace entre cette dernière et le sol, mettant ainsi en suspension une grande quantité de particules. La formation du « mur » révèle la présence d’un écoulement à front plat de l’air caractéristique d’un écoulement turbulent. Comme on peut le voir sur l’évolution des images de la Figure 19 (de a à e), les particules migrent vers l’avant de la chaussure au fur et à mesure que le talon se décolle. Ainsi, contrairement au décollement vertical, les quantités de particules qui sont transportées se redéposent dans ce cas précis car la chaussure ne se décollant pas complètement du sol, force le dépôt des particules.

Figure 19 : Evolution des aérosols sous la chaussure lors du soulèvement [Eisner et al. (2010)]

Cependant, il a été également montré lors de cette étude, que la marche a tendance à favoriser la dispersion des particules. En effet, des particules disposées sur une faible surface au niveau du talon se retrouvent entraînées par l’écoulement jusqu’à l’avant de la chaussure pour une partie et remise en suspension pour une autre partie. De plus, les auteurs attribuent une part de la remise en suspension des particules aux vibrations que transmet la chaussure au sol lors de la marche. Les travaux de Gomes et al. (2007) confirment l’importance de ce paramètre sur la remise en suspension des particules.

Certaines expériences ont été réalisées avec des « sur-chaussures » afin d’étudier l’influence de la rugosité de la chaussure sur la remise en suspension. Ces expériences ont montré que ces équipements ont tendance à diminuer la proportion de particules entraînées vers l’avant de la chaussure. Cela signifie que la rugosité de la chaussure influence la remise en suspension. Néanmoins, les auteurs supposent que les particules ayant adhéré à la surface des « sur-chaussures » peuvent être remises en suspension lorsque la chaussure va décrire le mouvement d’approche vers le sol. Il est donc nécessaire de bien distinguer le cas de la marche avec des « sur-chaussures » de celui avec des sur-chaussures uniquement.

Cette étude ne décrit pas le comportement des particules une fois que la chaussure quitte le sol afin de réaliser un nouveau cycle approche-détachement. Il est donc nécessaire de voir le comportement des particules en suspension à l’avant de la chaussure lorsque celle-ci quitte le sol.

2.2.4.2 Etude numérique

Une étude récente réalisée par Choi et al. (2012) a permis de suivre le mouvement d’un pied nu sur une moquette et, en intégrant le modèle de remise en suspension Rock’n’Roll (cf. paragraphe 2.3.3.3) aux simulations numériques, de suivre l’évolution des particules sous le pied.

Les auteurs se sont intéressés à des tailles de particules comprises entre 1 µm et 10 µm dont la distribution des forces d’adhésion normalisées fa est donnée par le graphe de la Figure 20. En effet, la force d’adhésion est normalisée par la force d’adhésion JKR, FJKR. Ce graphe donne en abscisse la valeur des forces d’adhésion normalisées et en ordonnée la probabilité d’occurrence de cette force pour un diamètre de particule donné. Les distributions des forces sont calculées à partir de l’équation (2.3.3–5) en prenant en compte la corrélation de Biasi et al. (2001) (cf. équation (2.3.3–6)) et tiennent compte de la rugosité de surface.

Figure 20 : Distribution des forces d’adhésion des particules normalisées par FJKR considérée par Choi et al. (2012)

Comme on peut le voir sur la Figure 20, où les calculs de forces ont été effectués pour une particule d’alumine ( = 0,56 J.m-2), on remarque que plus la taille des particules diminue, plus la force d’adhésion moyenne normalisée augmente. En effet, on obtient une force d’adhésion normalisée moyenne fa = 10-2 pour dp = 1 µm, contre fa= 2,5.10-3 pour dp = 10 µm.

Afin de réaliser leurs simulations, les auteurs se basent sur un code de calcul CFD (Computational Fluid Dynamic) et y intègre le modèle Rock’n’Roll. Les auteurs utilisent la méthode de calcul numérique « solide immergé » (cf. paragraphe 5.1.2) afin de modéliser le déplacement du pied. De plus, la quantité de particules initialement déposée est répartie sur les mailles occupées par la moquette. La quantité de particules remises en suspension est modélisée par un terme source (flux sortant de la moquette) fonction du taux de remise ne suspension. Un terme puits permet de modéliser le dépôt des particules, en tenant compte de la diffusion Brownienne, de la gravité et de la convection. Le pas de temps utilisé pour ces simulations est pris égal à 10-3 s-1. Le taux de remise en suspension dépendant du temps, les auteurs considèrent une valeur moyenne du taux de remise en suspension sur le pas de temps.

Les auteurs ont également fait varier d’autres paramètres comme la vitesse de rotation du pied, l’épaisseur de la moquette, ou encore la pénétration du pied.

Un exemple de résultat de simulation numérique est donné par la Figure 21. La concentration surfacique en particules est prise égale à 10-2 kg.m². Sur la Figure 21, les concentrations sont normalisées. Ainsi, la valeur maximale représente la valeur de concentration massique initiale. Les auteurs considèrent que les particules sont initialement uniformément réparties sur la moquette (cf. Figure 21_c). Comme on peut le voir sur cette figure, les particules remises en suspension sont essentiellement situées sous le pied de l’opérateur.

Les simulations montrent également que, plus la vitesse de rotation du pied augmente, plus la remise en suspension est importante. De plus, la pénétration du pied dans la moquette favorise la remise en suspension des particules. On observe également que plus l’épaisseur de la moquette est faible, plus la remise en suspension est importante.

Figure 21 : Simulation numérique donnant la concentration de particules de 10 µm de diamètre dans l’air (a), au niveau de la surface du pied (b) et au niveau de la moquette (c), Choi et al. (2012)

Cette simulation montre l’entraînement des particules sous le pied de l’opérateur comme observé lors des expériences d’Eisner et al. (2010). Néanmoins, les auteurs remarquent qu’il n’y a pas de remise en suspension lors de la phase d’approche du pied. Les auteurs attribuent ce phénomène au fait que le pied rabat au sol les particules qui sont remises en suspension lors de cette phase. De plus, les résultats obtenus par simulation numérique sont plus élevés que ceux obtenus expérimentalement (Qian et Ferro, 2008). Les auteurs expliquent cet écart par le fait que les simulations ont été menées sur une période courte et intègrent uniquement la phase de remise en suspension des particules sans tenir compte de leur devenir (maintien en suspension ou dépôt des particules). Ce qui n’est pas le cas des expériences de Qian et Ferro (2008) qui font une mesure sur des temps longs et par conséquent ne comptabilisent que les particules qui restent en suspension.

Malgré les résultats intéressants et novateurs de ces travaux, il reste plusieurs questions auxquelles il faudrait répondre. Notamment, il serait intéressant d’utiliser une chaussure et non un pied et surtout voir le comportement des particules sur sol « dur » par rapport à la moquette utilisée par ces auteurs, sans oublier le fait que ces simulations se basent sur la corrélation de Biasi et al. (2001), qui ne tient pas compte des conditions (nature et rugosité du sol, nature et taille des particules…) que l’on peut rencontrer dans les bâtiments réacteurs. De plus, cette simulation ne montre pas de remise en suspension lors de la phase d’approche. Il est donc intéressant de mener des simulations qui permettent d’observer la remise en suspension des particules tout au long du cycle de la marche.

2.2.4.3 Etude expérimentale

Les expériences menées par Qian et Ferro (2008) ont permis d’étudier l’influence de plusieurs paramètres sur la remise en suspension tels que l’état du sol (moquette vieille ou neuve et sol en vinyle), le poids des opérateurs ou encore le nombre de pas. Pour cela, ils ont mené leurs expériences dans un local (cf. Annexe 2) et ont établi un protocole expérimental bien précis, comme le montre le Tableau 2.

Tableau 2 : Scénario des actions effectuées au sein du local expérimental étudié par Qian et Ferro (2008)

Temps (min) Action -30 - 0 chambre vide

0 - 5 marche

5 - 10 assis sans mouvement 10 - 15 assis en tapant des pieds 15 - 20 assis sans mouvement 20 - 25 assis en tapant des pieds 25 - 30 marche

30 - 90 chambre vide

Les auteurs ont fait participer plusieurs personnes de poids différents et leur ont demandé de marcher à des fréquences de pas différentes. La mesure expérimentale du taux de remise en suspension (cf. paragraphe 2.3.2) a été faite grâce à des collecteurs d’ambiance. En effet, les auteurs suivent la concentration des particules à différentes tailles pendant toute la durée des expériences. Connaissant la masse initialement déposée sur la surface, ils peuvent ainsi remonter au taux de remise en suspension. Néanmoins, en procédant ainsi, les auteurs font l’hypothèse d’un milieu parfaitement homogène.

Figure 22 : Influence du poids et de la fréquence des pas sur le taux de remise en suspension, Qian et Ferro (2008)

La Figure 22 donne le taux de remise en suspension des particules suivant leur diamètre pour les différentes personnes. On constate qu’il n’y a pas de corrélation entre le poids et la remise en suspension des particules. Néanmoins, on peut clairement dire que plus le diamètre des particules est élevé, plus le taux de remise en suspension est élevé également. La relation entre la fréquence des pas et le taux de remise en suspension est difficile à établir à partir de cette figure, néanmoins on remarque que les taux de remise en suspension les plus élevés sont enregistrés pour les plus grandes fréquences de pas.

Figure 23 : Influence de la rugosité du sol sur la remise en suspension (N désigne le nombre d’essais par type de surface), Qian et Ferro (2008)

La Figure 23 confirme que le taux de remise en suspension augmente avec le diamètre. Elle souligne également le fait que plus le sol est rugueux (ici la moquette neuve est plus rugueuse qu’une moquette usée ou encore qu’un simple sol « dur » en vinyle), plus le taux de remise en suspension est élevé. Comme pour Gomes et al. (2007), l’influence de l’humidité n’a pas pu être établie expérimentalement.