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Chapitre III. Les neurotrophines, la neurotensine et leurs récepteurs

III.4. Ciblage thérapeutique des voies des neurotrophines et de la neurotensine

La signalisation par la neurotensine, et notamment par son action sur le récepteur NTSR1 semble de plus en plus avoir un rôle direct dans les mécanismes de croissance et de progression tumorale. La signalisation par NTSR1 a été incriminée dans les cancers du côlon (Gui et al., 2008; Souazé et al., 2006a), du poumon (Alifano et al., 2010), du pancréas (Wang et al., 2011a, 2000), du sein (Dupouy et al., 2009), et les carcinomes de la tête et du cou (Shimizu et al., 2008). Le récepteur NTSR2 n’est que rarement détecté dans les cellules tumorales (Schulz et al., 2006), il a cependant été observé dans les LB-LLC (Saada et al., 2012) et est surexprimé dans les cellules de cancer de la prostate de phénotype luminal (Swift et al., 2010). L’estimation de l’impact de NTSR2 sur la tumorigénèse nécessite plus d’études, et ce récepteur ne constitue donc pour le moment pas une cible thérapeutique explorée.

Des études ont montré que des souris déficientes en NTS et/ou NTSRs sont viables et ne présentent pas de troubles physiologiques ni de comportement. Cette voie pourrait ainsi constituer une cible intéressante pour le développement de nouvelles thérapies anti-tumorales (Wu et al., 2013). La première approche consiste à utiliser les inhibiteurs de NTSR1, le SR48692 et le SR142948A. Ces molécules ont été utilisées avec succès pour inhiber les effets oncogéniques de NTSR1 mais leur efficacité est limitée face à de fortes stimulations autocrines par la NTS et à fortes doses le SR48692 devient toxique pour les cellules et peut également agir comme agoniste de NTSR2 (Yamada et al., 1998). Chez la souris, l’utilisation du SR48692 inhibe la croissance de tumeurs du colon, du sein, du pancréas et du poumon (Maoret et al., 1999; Moody et al., 2001; Souazé et al., 2006b). Ce traitement retarde la croissance tumorale en contrecarrant la signalisation de la NTS, associée à la survie et la prolifération plus qu’aux transformations oncogéniques. Il serait donc plutôt utilisé en traitement adjuvant, améliorant les effets d’autres thérapies anti-tumorales. Ce cas est observé lors de l’inhibition de NTSR1 dans des cellules tumorales de prostates greffées à des souris, sensibilisant ces cellules à la radiothérapie (Valerie et al., 2011). Le SR48962 permet également d’améliorer les réponses aux traitements à la carboplatine des cellules de tumeurs ovariennes en augmentant le taux d’apoptose tout en diminuant l’efflux de drogues (Liu et al., 2017).

Une seconde approche plus ciblée consiste à exploiter le mécanisme d’endocytose de NTSR1 suite à la liaison de la NTS. Ainsi, une particule de transfert de gène a été associée à six molécules de NTS liées de façon covalente à une poly-lysine permet le transfert d’un gène thérapeutique à des cellules tumorales surexprimant NTSR1 (Arango-Rodriguez et al., 2006). L’injection de ces nanoparticules Neurotensin-Polyplex dans la circulation sanguine de souris ayant reçu une xénogreffe de cellules tumorales de cancer du sein permet le transfert du gène

suicide HSVtk et inhibe ainsi la croissance tumorale (Castillo-Rodríguez et al., 2014). Des

systèmes similaires ont été développés pour délivrer directement en intracellulaire du 5-FdU, (Falciani et al., 2010a, 2010b), ou du cis,cis,transdiamminedichloridodisuccinatoplatinum(IV) (Gaviglio et al., 2012), améliorant leur cytotoxicité sur les cellules tumorales. Enfin des radiopharmaceutiques analogues de la NTS ont été développés. NT-XIX, DOTA-NT20.3 et DOTA-NT-20.4 montrent une forte affinité pour NTSR1 et permettent à la fois la localisation des tumeurs NTSR1 positives par radio-imagerie tout en délivrant une radioactivité aux cellules, inhibant la croissance tumorale (Alshoukr et al., 2009, 2011; García-Garayoa et al., 2009).

III.4.2. Ciblage thérapeutique de la voie des neurotrophines

Un intérêt croissant émerge pour le développement de traitements ciblant les récepteurs Trks depuis l’identification de leur implication dans les processus tumoraux. De nombreux inhibiteurs ont été développés dans le but d’inhiber les voies de signalisation induites par les Trks et d’améliorer les réponses thérapeutiques obtenues par les traitements conventionnels.

Le premier inhibiteur développé est le K252a, un alcaloïde naturel, qui inhibe de façon compétitive la fixation de l’ATP au domaine catalytique des kinases. Le K252a agit comme inhibiteur des récepteurs TrkA, TrkB et TrkC (Morotti et al., 2002; Tapley et al., 1992). Les autres inhibiteurs de première génération comprennent le lestauritinib, l’AZ64, l’AZ623 et le GNF-4256, inhibiteurs des trois récepteur Trk, ainsi que la cyclotraxine B et l’ANA-12, inhibiteurs de TrkB. Ces inhibiteurs spécifiques ont montré une efficacité dans le traitement des neuroblastomes et cancers de la prostate pour le lestauritinib (Iyer et al., 2010; Weeraratna et al., 2001), des neuroblastomes pour AZ64, l’AZ623 et le GNF-4256 (Iyer et al., 2012; Zage et al., 2011).

De nouveaux inhibiteurs sont également en cours de développement. L’entrectinib inhibe les Trks avec une efficacité hors-norme tout en inhibant également les oncogènes ROS1 et ALK, qui sont des cibles prometteuses dans le traitement des cancers du poumon non à petites cellules, des glioblastomes, des carcinomes coliques, rénaux et mammaires, et des mélanomes (Ardini et al. 2016; Drilon et al. 2017; Iyer et al. 2016; Rolfo et al. 2015; Russo et al. 2016). Un autre inhibiteur, LOXO-101 est efficace en tant que traitement de

plusieurs types de cancers (Doebele et al., 2015). Des fusions entre les gènes NTRK1, 2 et 3 et

d’autres gènes ont été rapportées dans 11 types de cancers différents, notamment les cancers du poumon, le glioblastome ou le cancer du sein. Par exemple, environ 93% des carcinomes

sécrétoires du sein présentent la fusion ETV6-NTRK3. Ces cancers ont démontré une bonne

réponse aux traitements par LOXO-101 et l’entrectinib, qui sont actuellement en phase 2 d’essai clinique (Lange and Lo, 2018).

De nombreux inhibiteurs sont en cours d’essai clinique (GNF-5837, MGCD516, PLX7486, DS7486, DS6051b et TSR-011) ou d’investigation/développement (GNF-4256, GNF-5837, HS-345, AZ623, AZD6918 et CEP701) (Meldolesi, 2018). Mais l’inhibition des Trks peut également se faire par des anticorps monoclonaux (Demir et al., 2016) ou des silencing RNAs spécifiques (Bernard-Gauthier and Schirrmacher, 2016).

L’avantage des inhibiteurs de Trk est que leur mécanisme d’action diffère grandement des traitements chimiothérapeutiques classiques, qui peuvent donc être utilisés en combinaison sans aggravation des effets secondaires. Ces combinaisons ont démontré des résultats hautement synergiques, tout en éliminant certaines résistances (Meldolesi, 2018). Le K252a et l’ANA-12 entrent en synergie avec des drogues anti-cancéreuses, entrainant l’arrêt de la croissance de DLBCL et de sarcomes d’Ewing (Dubanet et al., 2015; Heinen et al., 2016). Les combinaisons actuelles mettent en jeu les inhibiteurs de Trk entrectinib, LOXO-101, GNF-4256, AZ623, et AZD6918, combinés avec les molécules chimiothérapeutiques, irinotecan, paclitaxel, topotecan, lestaurtinib, doxorubicin, cisplatin, et etoposide. Ces combinaisons ont montré de bonnes réponses aux traitements des glioblastomes, gliomes, neuroblastomes et cancers du sein (Chakravarthy et al., 2016; Croucher et al., 2015; Heinen et al., 2016; Iyer et al., 2010; Li et al., 2015; Pinet et al., 2016; Tajbakhsh et al., 2017; Wang et al., 2015; Zage et al., 2011). La combinaison avec l’anticorps monoclonal rituximab inhibe la croissance des DLBCL (Dubanet et al., 2015).

En conclusion, le ciblage thérapeutique des récepteurs aux neurotrophines, les Trks, et du récepteur à la neurotensine NTSR1 afin d’enrayer la progression tumorale semble être une stratégie prometteuse, qui s’est d’ores et déjà révélée efficace et bien tolérée par les patients. L’implication des récepteurs aux neurotrophines et de NTSR1 dans les processus tumoraux ne fait plus de doute, mais les études portant sur celle de la sortiline n’en sont qu’à leurs prémices, tandis que la fonction oncogénique de NTSR2 est totalement inconnue, et réclament donc de plus amples investigations.

Résultats

Le complexe NTSR2-TrkB dans la résistance à l’apoptose des

lymphocytes B de leucémie lymphoïde chronique (LLC)