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Dans Les Amants désunis il n’existe pas de rythme linéaire, une chronologie habituelle de la narration que nous retrouvons beaucoup dans les textes. Le rythme du roman est fracassé, par la multiplication des récits qui d’ailleurs ne nous facilite pas la lecture. Cette variation et ces sursauts dans les récits ouvrent d’autres pistes de lecture et d’interprétation. L’auteur, en essayant ainsi de donner des coups de projecteur sur la réalité sociale, donne l’impression au lecteur de privilégier un récit par rapport à un autre. Nous remarquons que tous les récits sont rompus par la présence du récit principal c’est à dire l’histoire des deux amants.

Les séquences détachées et isolables, à titre d’exemple des phrases, ou des mots, contribuent à la mise en œuvre du discours romanesque, et donnent naissance au choc et à l’incompréhension chez le lecteur. Ce dernier ne sait plus quel récit se trouve sous ses yeux ; cherchant incorrigiblement les personnages pour pouvoir se repérer dans l’histoire. Les passerelles d’une scène et d’une époque à une autre sont abondantes.

Le tout peint dans un moule de récit éclaté en petits blocs de réalité réfractant les violences humaines et naturelles en réunissant des situations aussi différentes les unes des autres, mais qui convergent, cependant, toutes vers son élaboration.

La difficulté de percevoir ou de peindre cette image prolonge le sentiment constant de malaise chez le lecteur, elle arrive à créer une ambiance ambiguë et malsaine très dérangeante où les phrases sont souvent chargées d’un sens caché et les récits sont pauvres d’indications.

Commençons par le récit d’ouverture qui perturbe le lecteur davantage et qui le laisse suspendu, s’interrogeant sur les causes et les conséquences de cette action.

« (…) il s’évade facilement parce que plus personne, à la fin ne prête attention à ses déplacements. Le cœur fou d’angoisse, il se précipite au douar, se rend à la maison de sa mère (…) Alors ils sont venus après le coucher du soleil et ils les ont égorgés, ta mère et les enfants (…)

- et ma femme ?

- elle était là, le lendemain de l’enterrement. Elle n’a pas pu venir plus tôt parce que les soldats l’avaient gardée pour un interrogatoire. c’était mieux

pour elle car elle aurait été tuée, elle aussi. elle était comme folle .elle arrachait cheveux par touffes, la malheureuse …

(…) ce serait trop simple pour toi de mourir après ce que tu as fait. Non tu vivras. Ça, traître, ça sera ton châtiment. »210

Nous avons pris des passages du début, du milieu et de la fin du prologue. Pour démontrer le sentiment d’incompréhension chez le lecteur qui est resté sur sa faim cherchant une réponse dans le chapitre suivant.

Mais à sa grande surprise il ne comprendra le dénouement que vers la fin du roman. Grâce à cette absence de chronologie. L’auteur emporte le lecteur dans d’autres lieux, dans une nouvelle diégèse.

Le roman est partagé en trois grandes parties. Numéroté de 1 à 20 ce qui nous pousse à supposer que cette la numérotation est liée aux nombre de chapitres.

Contrairement à ce qu’il attendait, le lecteur trouve dans la première partie et plus précisément dans le premier chapitre, après le prologue, un autre récit daté différemment mais surtout d’autres évènements qui vont encore produire chez lui cette interminable sensation de malaise.

A la page 29, l’auteur annonce la date de cette partie, 1997, la seule chose référentielle que le lecteur arrive à déchiffrer est inévitablement cette date au début. Dans le premier et le deuxième chapitres, il est surtout question de retrouver les deux héros, du moins ce qu’il en reste quarante deux ans après l’assassinat de leurs enfants. Le lecteur n’a aucun renseignement sur les deux amants, l’auteur ne nomme même pas l’amante d’autrefois. Il ne donne que des indices aux lecteurs : Ses enfants, leurs prénoms, et ce comme pour accentuer l’intrigue et rattacher le lecteur à l’histoire. Le chapitre commence ainsi

« La vielle dame erre dans le cimetière. Ses cheveux sont blancs. Elle porte une robe bleue avec des petites fleurs blanches(…) elle caresse une tombe qui porte le prénom Mehdi .tant d’inscriptions, pourtant musulmanes, sont encore en français :né le…, décédé le…(écrit, dans une singulière abréviation , DCD).tout à l’heure , elle cherchera une autre tombe avec le prénom Mériem. »211

210

Les Amants Désunis, de la p 23 à la p 28.

211

Nous n’avons ainsi que des indices, l’auteur joue aux charades avec le lecteur, il veut l’impliquer l’inciter à lire, chercher, trouver et décoder la fin du début de l’histoire. Anna est indiquée seulement par le pronom personnel ‘elle’, le narrateur donne des précisions sur cette vielle dame, elle est suissesse, elle a un enfant âgé de 25 ans, elle se rappelle un fragment de sa vie de clown « dieu a besoin de discipline,

mais pas de foi ! Dans sa tète résonne une chanson importune et gaie : « Nous n’irons plus au bois, les lauriers sont coupés /la belle que voilà ira ramasser … » cette partie de sa tête qu’elle appelle sa crotte de cervelle de clown l’interpelle sans pitié. »212

Son nom ‘Anna’ n’est prononcé par le narrateur qu’à la 36ème page ; « Du

cimetière, Anna contemple la casbah, la veille ville avec son étalage, à flanc de colline … »213

De manière inattendue, la troisième partie du roman, évoque une autre époque : le lecteur se retrouve face à un chapitre dans lequel s’imbriquent plusieurs récits. La chronologie est surtout liée au facteur temps qui joue un rôle très important dans l’histoire. 212 Ibid, p 33 213 Ibid P36

Le roman commence par le prologue dans une composition éclatée avec une absence de chronologie qui se distribue comme suit :

Les parties Le nombre de pages L’année indiquée Les

chapitres les récits

Prologue 1…..28 1955 01 chapitre Un seul récit Partie I 31…..123 1997/1955 Cinq

chapitres

1- Les récits d’Anna (sa venue à Alger)

2- le récit de Nassreddine (rencontre avec son ami Jarouden)

3- La rencontre entre Anna et Jallal 4- Le récit de Jallal (sa vie)

5- De la p94 à la98 récit de Nassreddine avec son Jarouden - De la 99 à 119 récit d’Anna et de Jallal détenus par des terroristes - De 120 123 récit de Nassreddine (sirotant son thé)

Partie II 127..271 1928/1941/1945 Onze chapitres

- Anna se rappelle son enfance - Nassredine se rappelle son enfance - Le récit des leurs parents

- Le récit de leur rencontre Partie III 275…la

fin du roman

1996 Quatre

chapitres

- Récit d’Anna otage des terroristes - Récit des femmes dans le maquis (rencontre d’Anna avec les autres femmes détenues)

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