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1.5.1.Ibn Alkama et Ibn Al-Faray

A partir du chapitre 896 de la Première Chronique Générale, (El capitulo de los castiellos que pechavan al Çid, et de lo que el enbio dezir al rey de Saragoça et de como cercaron los almoravides el castiello que dizen Alaedo), la plupart des versions de l’Histoire d’Espagne se revendiquent d’une source d’origine arabe78 dont elles transcrivent certains vers (cf chap. 909 de la PCG). L’apparition de ce nouveau matériau au sein du récit coïncide avec une rupture des procédés de compilation évoqués précédemment. Cette interpolation se caractérise par un abandon de l’organisation de la matière narrative par année de règne, mais aussi par une simplification de la compilation des sources. En effet, la seule source utilisée par les historiographes de la PCG79, est une transcription, pour l’épisode de la prise de Valence, du récit d’Ibn Alkama intitulé Al-Bayan wad ih fi

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C.E. DUBLER, « Fuentes árabes y bizantinas en la Primera Crónica General », V o x romanica, 12, 1951, pp. 120-180.

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Ce phénomène se produit également dans le manuscrit F ansi que dans la Chronique de Castille et la Chronique Ocampienne.

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mulimm al-fad ih, récit suivi, selon Diego Catalán, d’une version remaniée du Poème puis d’une légende retraçant les dernières années de la vie du Cid et les événements qui se produisent après sa mort, la Légende de Cardeña80. Catalán attribue à cette source perdue regroupant le récit d’Ibn Alkama, la version remaniée du Poème et la Légende, le nom d’*Histoire du Cid (Estoria del Cid). L’Histoire du Cid dont le prétendu auteur serait Ibn Al-Faray, l’alguazil historique du Cid à Valence, serait en réalité l’oeuvre d’un moine chroniqueur, qui l’aurait élaborée pour favoriser les intérêts du monastère de Saint-Pierre de Cardeña, où l’on montrait aux visiteurs diverses reliques cidiennes81. C’est au chapitre 911 de la PCG qu’apparaît la première référence claire à une autre source:

« Et diz Abenalfarax en su arauigo... » (p. 578b l. 30)

Seule l’une des versions de l’Histoire d’Espagne semble conserver les mêmes méthodes compilatoires que pour les sections antérieures de l’oeuvre: la Chronique de Vingt Rois82.

La référence à une autre source d’origine arabe apparaît également dans certains manuscrits.

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Diego CATALÁN, De Alfonso... p. 68: « Sólo se utiliza ahora la historia cidiana de « Abenalfarax y Gil Díaz » (Ben Alqama prolongado por el Cantar refundido del Cid y La leyenda de Cardeña. ».

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Sur l’Histoire du Cid: R. DOZY, Recherches sur l’histoire et la littérature de l’Espagne pendant le Moyen Age, 2t., Leyde, 1881, pp. 226-233; J. PUYOL, « El Cid de Dozy », Revue Hispanique, 23, 1910, pp. 431-441; W.J. ENTWISTLE, « La Estoria del Noble Varón el Çid Ruz Díaz el Campeador, Sennor que fue de Valencia », Hispanic Review, 15, 1947, pp. 206-211; R. MENÉNDEZ PIDAL, PCG, éd. 1955, pp. CXC-CXCI; P.E. RUSSEL, « San Pedro de Cardeña and the history of the Cid », Medium Aevum, 27, 1958, pp. 57-79.

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D. CATALÁN, De Alfonso..., p. 69: « La Crónica de Once o Veinte Reyes continúa, en cambio, los hábitos compilatorios de la parte anterior. »

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1.5.2. Grande histoire des rois d’Afrique

La Grande histoire des rois d’Afrique (Grande estoria de los reyes de África) de Sigisberto, Gilberto, ou encore Sujulberto, est une oeuvre fréquemment mentionnée lors des passages consacrés à Al-Andalus, dans la Grande Chronique d’Alphonse XI (antérieure à 1379), la Chronique manuéline (1302-1325), et la Chronique de Castille (1295-1312). On la retrouve également transcrite dans la Grande conquête de l’Outremer (1284-1295) et dans le Chronique fragmentaire. Elle fut probablement composée sous Sanche IV (1284-1295), et traitait de l’histoire des rois andalous et des premiers marinides83. A deux reprises, la Chronique de Castille évoque le nom de Gilberto. Ces deux occurrences se situent au début et à la fin de la bataille contre Bukar, roi du Maroc. La première décrit les conditions d’organisation des troupes maures qui traversent la mer pour attaquer le Cid à Valence, et la seconde apporte des précisions sur les liens de parenté qui unissent Bukar au roi de Tolède et de Valence84.

L’insertion de cette source dans les chroniques néo-alphonsines témoigne sur ce point de la continuité des méthodes de compilation alphonsines fondées sur la disposition d’un large éventail de matériaux narratifs. Aux sources prédominantes s’ajoutent ainsi des sources mineures

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Voir notamment, D. CATALÁN, « La Estoria de los reyes moros que ovo en África que aseñorearon a España de Sigisberto y la Crónica fragmentaria » in La Estoria de España..., pp. 155-183, en particulier, pp. 161-163.

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Ms. Esp. 12 (P): fol. 82r°b l. 1-24: « Qventa la estoria que gil- berto vn sabio que fizo la estoria de -los reyes moros que reynaron en el sennorio de africa Et diz que membrandose bucar de -la jura que lo vengaria de -la dessonrra que le fiziera el çid rruy diaz çerca de valençia Et mando echar pregon por todo el imperio de su padre e asono a -tan grant poder de moros que ouo y de -los cabdillos solos veynte e nueue reyes Et estos ouo el mui rafez de juntar ca su padre era miramolyn que quiere tanto dezir commo emperador Et pues que ouo juntada toda aquella gente entro en -las naues e passo aquendel mar Et arribo al puerto de valençia » et fol. 84v°a l. 30-38: « segunt cuenta la estoria Et gil- berto Et este rey bucar e [su hermano] junez eran hermanos del rey alymaymon que fue rey de toledo e de valençia segunt que -la estoria lo ha contado Et por esto dezia el rrey bucar que fuera de sus avuelos ».

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qui s’intègrent au programme de constitution d’une mémoire collective. Si l’enchaînement des chapitres s’organise en fonction des années de règne des différents rois de la Péninsule, c’est pour placer la figure royale au centre du monde, et servir par là les prétentions impériales de la couronne.

La geste constitue une « autorité » supplémentaire qui, imbriquée aux autres sources, participe d’un mécanisme de compilation complexe. Ces procédés nous informent de la répartition et de la hiérarchie des textes-source qui obéissent, nous le verrons, aux seules nécessités discursives et sémantiques du récit historiographique. L’examen de ces sources atteste en outre des différences liées à l’inachèvement de l’Histoire d’Espagne et à la diversité des versions qui la composent.