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LA CHRONIQUE PARLEMENTAIRE (1870-1872)

LA CHRONIQUE PARLEMENTAIRE (1870-1872)

Avec le 4 septembre 1870, le journalisme zolien entre dans une nouvelle période : après le spectacle de la fête impériale, Zola se concentrera sur un autre spectacle, celui du parlementarisme et de la naissance difficile et parfois compromise de la IIIe République. À l’image du « règne mort » sur laquelle se ferme la première période du journalisme de Zola, succèdera donc celle de la lutte pour la vie, de la « République en marche » pour reprendre le titre sous lequel Jacques Kayser a regroupé en 1956 les quelque 261 chroniques parlementaires que Zola a publiées dans La Cloche.

Ces chroniques constituent bien le corpus central du journalisme politique zolien, mais il semble approprié de leur ajouter un prologue et un épilogue. Un prologue, c’est-à-dire la parenthèse marseillaise de l’automne 1870 : avant de tenter sa chance à Bordeaux, Zola fonde un journal, La Marseillaise, et collabore à un autre quotidien marseillais, La Vraie République. Et un épilogue avec les chroniques de l’automne 1872 parues dans La Cloche et Le Corsaire — dont l’édition de Jacques Kayser ne tenait pas compte —, puisque la chronique « Le lendemain de la crise1 » constitue un point tournant dans la carrière journalistique de Zola : à la suite de cette chronique, les rubriques politiques lui seront fermées, ce qui ouvrira la porte au décentrement, géographique et générique, de son activité médiatique.

Des articles de Marseille jusqu’au brûlot du 22 décembre 1872, la nation est représentée plus souvent qu’autrement par Zola chroniqueur sous les traits d’une « morte », d’une « moribonde » ou encore d’une « convalescente2 ». La cohérence de l’imagerie républicaine d’une période à l’autre du journalisme zolien — la nation est presque toujours associée à un personnage féminin dont l’intégrité, physique ou mentale, est menacée —, si elle illustre dans un sens la constance d’un propos politique, ne saurait pour autant masquer les ruptures que l’avènement du journalisme politique opère dans l’écriture médiatique zolienne. Comme nulle part ailleurs dans sa carrière journalistique, Zola ne se sera heurté, à Bordeaux puis à Versailles, aux contraintes de la matrice médiatique : l’écriture périodique et le diktat de l’actualité3 auxquels la chronique politique est soumise — et davantage la chronique parlementaire, assujettie en partie aux comptes rendus des activités de la Chambre — conditionnent l’écriture de Zola comme aucune autre expérience journalistique.

Cette reconfiguration du cahier des charges du chroniqueur occasionne une restriction du champ discursif offert au média. Avec les « Lettres de Bordeaux », on sait quelle négociation serrée Zola entreprend entre deux niveaux d’intelligibilité du réel — l’actualité et l’historique4 — alors que ceux-ci se complétaient aisément dans le premier journalisme zolien ; la chronique parisienne permettait une ouverture sur l’histoire de la longue durée que la chronique parlementaire autorise sous plusieurs réserves seulement. Et l’expérience de Bordeaux, telle qu’étudiée par Saminadayar-Perrin, peut en un sens s’appliquer à l’ensemble de la période du journalisme politique.

C’est que de façon générale, la chronique parlementaire est vécue par Zola comme la rencontre forcée avec le temps du politique — ou les temps du politique, comme l’a si bien montré Adeline Wrona5. Il y a en effet, dans ces deux années et demie de journalisme parlementaire, quelque chose qui relève de l’apprentissage : Zola découvre les rouages de la démocratie parlementaire. Mais cet apprentissage politique est avant tout un long et

2 Dans La Cloche, voir les chroniques suivantes : celle du 15 mars 1871, « Une moribonde » (18 octobre 1871) et celle du 4 juillet 1872.

3 À propos de la matrice médiatique, voir Marie-Ève Thérenty, La Littérature au quotidien, op. cit.

4 Voir Corinne Saminadayar-Perrin, « Les Lettres de Bordeaux : l’Histoire au jour le jour », Les Cahiers

naturalistes, n˚83, 2009, p. 111-133.

5 Adeline Wrona, « Zola chroniqueur politique, ou les expériences du temps », Les Cahiers naturalistes, n˚87, 2013, p. 119-133.

interminable exercice d’art oratoire : sur une période de deux ans et demi quasi ininterrompue, assis régulièrement pendant de longues heures dans la tribune de la presse, Zola écoute, parfois avec intérêt et enthousiasme mais le plus souvent d’une oreille lasse, impatiente même, les discours que s’échangent les parlementaires. Et en cela réside peut- être le trait dominant de ce vaste corpus de chroniques : davantage qu’un chroniqueur de la vie politique, Zola se fait plus spécifiquement un observateur de la parole politique.

Zola chroniqueur politique se pose en effet ici en auditeur attentif et sensible de la joute oratoire et de l’éloquence parlementaires : il juge les orateurs davantage selon l’efficacité de leurs discours qu’en fonction des idées qu’ils viennent exposer lorsqu’ils montent à la tribune. On pourra dire que ce jugement est orienté par l’idéologie, de droite ou de gauche, qui sous-tend le discours de l’orateur et l’on n’aurait pas entièrement tort. Bien que cela lui arrive parfois, Zola accorde rarement une bonne note à un orateur de la droite6, et ce, à un point tel qu’on serait parfois tenté de remettre en question l’impartialité affichée de ses comptes rendus7. Mais le fait demeure : les capacités politiques des parlementaires se mesurent avant tout selon Zola à l’aune de leurs performances oratoires.

La lecture zolienne de l’éloquence parlementaire se montre en cela l’héritière d’une certaine réception et conception romantiques de la tribune politique8. L’importance qu’accorde Hugo par exemple à la performance oratoire dans son ouvrage Sur Mirabeau de 1834 témoigne de cet héritage9. La carrière parlementaire de Lamartine est en outre

6 À cet égard, on se rapportera à la chronique de La Cloche du 24 juillet 1871 (CDLP, XIII, p. 578) dans laquelle Zola se montre surpris par l’aisance oratoire de Mgr Dupanloup. Mais l’évêque ne saura maintenir cette prestance à la tribune : « Il faut ajouter que, vers le milieu de son discours, il s’est rappelé qu’il était prêtre, et qu’alors son discours a tourné au sermon. »

7 Voir La Cloche, 15 avril 1871, NM, IV, p. 463.

8 L’éloquence sacrée, telle que théorisée par Joseph Dinouart dans son ouvrage de 1754, L’Éloquence du

corps dans le ministère de la chaire, ou l’Action du prédicateur, atténuait considérablement l’action oratoire

en affichant un refus général de l’exagération dans l’intonation et dans le geste. Le romantisme imposera une nouvelle façon d’appréhender le modèle oratoire hérité de l’Ancien Régime. Voir « La critique du romantisme », dans Frank Paul Bowman, Le Discours sur l’Éloquence sacrée à l’époque romantique.

Rhétorique, apologétique, herméneutique (1775-1851), Genève, Droz, 1980, p. 60-65.

9 Voir Marieke Stein, Victor Hugo orateur politique (1846-1880), Paris, Honoré Champion, 2007, p. 52 : « Hugo, en effet, ne traite pas dans son essai des idées politiques de Mirabeau, effleure à peine ses combats, mais laisse éclater sa fascination pour un rapport physique au public, et pour une action oratoire. Cette focalisation de tout le texte sur un corps, un mouvement, un jeu oratoire (et théâtral) montre que Hugo admire avant tout en Mirabeau l’orateur et le comédien. »

emblématique de l’évolution de l’éloquence parlementaire10. La métaphore musicale illustre ainsi peut-être au mieux la modification profonde que le romantisme imposera à l’art oratoire tribunitien par l’adéquation postulée entre l’orateur et le peuple, adéquation illustrée par la limpidité d’une représentation politique idéale ; avec Lamartine, comme le résume bien Dominique Dupart, la « politique chante, désormais11 ».

Plus largement, c’est l’évolution de l’éloquence parlementaire au cours du long dix- neuvième siècle qui explique en partie les critères nouveaux sur lesquels Zola s’appuie pour aborder le phénomène. De l’éloquence monarchique verbeuse des siècles prérévolutionnaires — dont la forme discursive était la péroraison — à celle moins affectée de la Deuxième et de la Troisième République envisagée selon l’idéal républicain de la discussion, voire de la causerie, la parole politique française se développe au cours du siècle selon une lente et inévitable prosaïsation12. Inévitable, en effet, en ce sens que, suivant Tocqueville, la démocratisation d’une société entraîne un bouleversement profond de ses mœurs langagières : si la qualité première des institutions démocratiques est de libérer la parole, l’égalité du droit à la parole occasionne en revanche un nivèlement de la qualité des discours et conduit inéluctablement au sacrifice de la grande éloquence13.

On pourrait ramener à trois événements majeurs les activités de la Chambre, à Bordeaux puis à Versailles, couvertes par Zola chroniqueur politique : la cession du territoire à l’Allemagne (« Les lettres de Bordeaux »), la situation politique de Paris (« Lettres de Versailles », « Lettres de Paris ») et le spectre d’une restauration monarchique ou impériale (les chroniques politiques de juin 1871 à décembre 1872). Dans l’une ou l’autre de ces situations qui mobilisent l’activité parlementaire, ce ne sont pas seulement les personnalités politiques qui sont appréhendées dans une perspective oratoire ou tribunitienne : l’avenir de

10 Les travaux de Dominique Dupart postulent, chez Lamartine, l’introduction d’un lyrisme démocratique dans l’éloquence parlementaire dont l’un des effets sera justement l’accentuation de la performance de l’orateur : « Lamartine entend lyriquement. Dans son oreille, l’éloquence est voix ou son. Elle est une nouvelle expérience de la langue. » Dominique Dupart, Le Lyrisme démocratique ou la naissance de

l’éloquence romantique chez Lamartine — 1834-1848, Paris, Honoré Champion, 2012, p. 18.

11 Ibid., p. 98.

12 Pour un exposé complet de l’évolution de l’éloquence parlementaire, on se rapportera au chapitre « 2. Le discours hugolien, entre convenance et subversion » dans Marieke Stein, Victor Hugo orateur, op. cit., p. 372- 422.

13 Voir « La parole politique démocratique », p. 173-190, dans Laurence Guellec, Tocqueville et les langages

la nation — au premier chef l’avenir républicain de la nation — est inextricablement lié à un parlementarisme efficace et raisonné, la pérennité du gouvernement républicain relevant avant tout du bon déroulement de la discussion politique en Chambre.

La parole parlementaire

Lorsqu’il veut offrir à ses lecteurs la synthèse de son expérience à Bordeaux puis à Versailles, Zola, laissant du coup entrevoir son impatience et son exaspération à l’endroit de la discussion politique vaseuse, a recours à la métaphore musicale.

Quant à l’Assemblée, voulez-vous mon opinion bien mûrie, bien pesée ? L’Assemblée est une boîte à musique, détraquée, il est vrai, et jouant faux. Toutes les fois que Paris et M. Thiers auront fait un arrangement, ils mettront la boîte à musique entre eux, et lui feront jouer un air quelconque pour égayer la signature du contrat14.

Nous reviendrons sur cet extrait des « Lettres de Versailles » pour questionner l’antiparlementarisme zolien ; nous voulons ici mettre en relief la dimension sonore que Zola, tout comme Balzac, attribue au parlementarisme15. Sonore, c’est-à-dire musicale, musique des mots, de la voix humaine, celles des parlementaires qui emplissent de leur inanité ou de leur grandeur locutoire les espaces ouverts de la Chambre. Les derniers regards que pose Zola sur Bordeaux sont sans doute encore plus révélateurs de cette dimension orale du fait politique dont la métaphore musicale est déjà l’indice16. De Bordeaux, Zola ne retient que « trois voix qui dominent les tapages vulgaires » : celle de Thiers, cette « voix aigrelette qui dominait et faisait taire les plus fortes » ; la « voix un peu rauque de Victor Hugo » ; et la voix de Louis Blanc, cette voix qui « est l’art suprême » et qui « passe dans l’orage avec des sonorités, des mélodies d’arbres secoués par un coup de vent ». Tout le reste n’est que « bruit » et « tapage » :

Ensuite, je n’entends plus rien. Rien, si ce n’est un tapage épouvantable, une cacophonie cruelle pour les oreilles, traversée de loin en loin par une parole sage et spirituelle de quelque homme de talent. Cet infernal concert, fait des voix de MM. de

14 La Cloche, 29 mars 1871, NM, IV, p. 432.

15 Honoré de Balzac, Monographie de la presse parisienne, 1843, p. 43, cité dans Dominique Dupart, Le

Lyrisme démocratique, op. cit., p. 161 : « Assister à une séance, c’est avoir entendu une symphonie. »

Lorgeril, Depeyre, Giraud, j’en passe et des meilleurs, n’est plus, à cette heure, dans ma pauvre tête brisée, que le souvenir du plus affreux des cauchemars.17

Apparaît ici le critère zolien qui permettra de tracer la ligne de partage entre la médiocrité et l’intelligence du personnel parlementaire. La parole sage, économe et vraie, associée à l’échange raisonné et sachant imposer le silence à l’opposition, recélant ainsi une certaine virilité oratoire, sera plus souvent qu’autrement l’apanage des orateurs républicains. Par là, c’est la capacité de gouvernance que Zola associe à la performance oratoire. À l’opposé, la parole intempestive, semant « l’orage parlementaire » et le désordre de l’Assemblée, marquant en cela une impuissance à générer les fruits de la discussion politique, condamnant du même fait la nation à un immobilisme politique néfaste, sera le propre des hommes de la droite qui forment la majorité de l’Assemblée du 8 février 1871.

Zola, par-delà sa sensibilité politique, est donc aux premières loges pour être le témoin, au détriment de la majorité conservatrice de la Chambre, de la supériorité oratoire dont jouissent les élus républicains et certains politiques orléanistes chevronnés qui seront tentés par le républicanisme — Thiers, en premier lieu. L’allergie politique qu’éprouve Zola à l’endroit des discours de la droite conservatrice n’est donc pas pure partisannerie, car l’idéologie républicaine, comme le démontre Claude Nicolet, tire en large partie sa théorisation des réunions publiques avant de se fixer dans le texte vers 1890 avec la conquête républicaine de l’Université : « Comme dans l’Athènes du IVe siècle ou la Rome du Ier siècle avant J.-C., c’est au contraire chez des orateurs de cette classe [celle des Ferry, Gambetta, Clemenceau] qu’il faut chercher, peut-être, le meilleur de la philosophie politique de ce temps18. » La conquête des campagnes sera par ailleurs la contribution majeure d’un Gambetta à la cause républicaine, lui qui, dès l’été 1871, entreprendra une

17 Ibid., p. 396.

18 Claude Nicolet, L’Idée républicaine en France (1789-1924). Essai d’histoire critique, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des histoires », 1982, p. 259. Nicolet précise sa pensée sur le tournant que constitue la IIIe République dans la tradition républicaine oratoire : « Mais il me semble que la IIIe République marque certains changements dans ce domaine [les discours parlés et écrits de la période révolutionnaire et du XIXe siècle] : avec la liberté de réunion, de parole et de presse presque totalement retrouvée, le discours, me semble-t-il, sort pour la première fois du cercle étroit où il était jusqu’alors renfermé. Nous savons que Gambetta ou Clemenceau, parfois Ferry, ont remué des foules. L’étude de leurs procédés me semble une nécessité. Je suis frappé, quant à moi, par l’extrême classicisme de leur rhétorique. J’entends par là que sur ce point “c’est le fond qui entraîne la forme” : il s’agit toujours de prouver quelque chose, de le dire pour convaincre et non pour vaincre. L’émotion, voire le lyrisme — chez Gambetta — ne viennent toujours qu’après la conviction rationnelle. » Ibid., p. 258-259.

série de discours en province en plus de lancer un journal pour y insuffler l’élan républicain, action qui lui vaudra non sans raison le surnom de « commis-voyageur de la République19 ». La droite, s’adaptant à la nouvelle réalité parlementaire, triomphera en outre de Thiers après s’être unifiée en une coalition en orchestrant sa venue au pouvoir avec une loi restreignant la prise de parole au sein de l’enceinte parlementaire20.

L’apprentissage du suffrage universel auquel la nation française est soumise périodiquement depuis la IIe République n’est certainement pas étranger à cette importance accrue de la parole dans la vie politique, d’autant que Napoléon III avait mis un frein à la liberté parlementaire pendant la majorité de son règne21. Pendant ces débuts de la IIIe République, tout se passe comme si la voix des parlementaires trouvait, ou pouvait trouver un écho, heureux ou malheureux, jusqu’aux confins de la nation. Du moins, est-ce ainsi que Zola appréhende son activité journalistique en ce lendemain du 4 septembre.

La voix nationale retrouvée : La Marseillaise et La Vraie République

Les six articles que publie Zola dans le seul journal qu’il fonda et dirigea, La Marseillaise, avec son ami Marius Roux, ainsi que les dix qu’il signa pour le compte du journal La Vraie République en novembre 1870 constituent en quelque sorte la pierre d’assise du journalisme politique zolien22. Non que Zola y élabore une expression

19 Dominique Lejeune, La France des débuts de la IIIe République, Paris, Armand Colin, coll. « Cursus », 1994, p. 23.

20 La loi du 13 mars 1873 (dite « loi chinoise » à cause de sa complexité) retire à Thiers le droit de prendre la parole à l’improviste pour répondre à une question. Thiers devra annoncer une journée à l’avance quand il voudra prendre la parole. Les représentants sont donc ainsi largement soustraits aux effets oratoires de Thiers. Cette loi est directement responsable de la chute de Thiers qui, en mai 1873, essuiera les accusations du duc de Broglie, maintenant à la têtes des droites, en ne pouvant leur répondre immédiatement. Voir ibid., p. 30-31. 21 Maurice Agulhon rappelle que l’Empereur, quelques jours après le 2-Décembre 1851, a fait démonter la tribune du Palais-Bourbon dans le but de limiter considérablement les effets de la discussion en Chambre : « Le nouveau corps législatif n’aurait pas de tribune (donc pas de discours, pas d’éloquence, pas de critique, pas d’appel aux grands principes), on y parlerait de sa place, en termes de technique, comme dans un conseil d’administration. La tribune (on allait écrire la Tribune) serait rétablie au début de 1867, en accompagnement du retour à la liberté parlementaire, qui est le droit au Discours. Cadre matériel de l’éloquence-théâtre, elle en était tout autant le symbole. » Maurice Agulhon, Marianne au combat. L’imagerie

et la symbolique républicaines de 1789 à 1880, op. cit., p. 158.

22 La collection de La Marseillaise comprend soixante-dix numéros. Or, il n’existe aucune copie de ces numéros. Seuls six articles, republiés dans Le Messager de Provence en octobre 1870, subsistent de ce périodique. En outre, il est impossible de savoir avec certitude lequel de ces articles est de la main de Zola.

systématique de sa pensée politique, bien au contraire. Ces articles sont plutôt révélateurs de l’état d’esprit dans lequel Zola fait ses débuts dans le véritable journalisme politique par le fait que le contact qu’entretient le chroniqueur avec la réalité politique est pour ainsi dire abstrait, dans la mesure où le journaliste n’a pas encore fait l’épreuve du réel — il n’a pas encore assisté aux débats parlementaires. La parole journalistique, pour le dire autrement, se fait aisément la dépositaire quasi religieuse de la voix nationale. À cet égard, Bordeaux constituera une expérience franche de la réalité politique vécue par le chroniqueur sur le mode de la frustration.

Cet état « abstrait » de ce journalisme politique, on le rencontre dans le premier éditorial de La Marseillaise. Renvoyant à l’oralité du nom du journal, celui-ci est composé de sorte à établir une adéquation limpide entre le texte journalistique et la voix nationale.

À cette heure, La Marseillaise est le cri et la voix de la France. / Des villages assiégés, des villes qui attendent l’ennemi, des moindres villages, des pays de plaine et des pays de montagnes, de tout le sol de cette chère patrie indignée et fière, cette voix monte, immense, avec un roulement formidable de tambour et un éclat retentissant de clairon […]. Et c’est ainsi qu’à cette heure, La Marseillaise est le souffle même de la France. La France respire, et La Marseillaise, comme l’haleine immense d’une nation, roule sur le monde.23

Confisqué par « l’assassin du 2 décembre », le chant de La Marseillaise, symbole du peuple — « elle est le peuple, la chair et le sang de la nation » —, est la volonté populaire

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