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TITRE I : LE CADRE JURIDIQUE DE LA PROTECTION CONTRE LE

Section 1- Le choix des termes

Le législateur a choisi d’utiliser l’expression « harcèlement psychologique », tout comme la majorité de la jurisprudence et de la doctrine québécoises existantes le faisait déjà. La question se pose alors de savoir le sens de chacun de ces termes.

85 Ibid.

86 Sandy Licari, « De la nécessité d’une législation spécifique au harcèlement moral au travail », 5 Revue de

Droit social 2000.492., à la p. 492 [Licari].

§ 1. Le terme « harcèlement »

Une partie de la jurisprudence et de la doctrine parle de « harcèlement », alors que l’autre utilise le terme « violence ». Il importe donc de distinguer « harcèlement » et « violence » selon le dictionnaire. Le Petit Larousse présente la violence comme étant le : « Caractère

de ce qui se manifeste, se produit ou produit ses effets avec une force intense, extrême, brutale. ». Plus spécifiquement, Reid donne la définition juridique suivante de la violence: « Un acte d’agression portant atteinte à l’intégrité physique ou morale d’une personne »88. En ce qui concerne le harcèlement, le Petit Larousse le définit comme le fait de harceler. L’action de harceler, pour sa part, signifie, toujours selon ce même dictionnaire :

« Soumettre à des attaques incessantes; tourmenter avec obstination, soumettre à des critiques, à des moqueries répétées. ».

Ainsi, le concept de harcèlement présente une notion d’intentionnalité et de répétition, que la notion de violence n’exige pas : « Le harcèlement suggère aussi l’idée d’une répétition

alors que la violence rend également compte d’incidents imprévus et soudains qui caractérisent certaines situations. »89.

De plus, la violence permet un meilleur arrimage des réalités micro et macro-sociales formées par la violence sociale, la violence en milieu de travail, la violence organisationnelle et la violence hiérarchique. La violence psychologique peut se manifester par une conduite d’intimidation, de menace ou de harcèlement90. En conséquence, le harcèlement psychologique au travail se situe au cœur de la violence en milieu de travail. Cette dernière peut se manifester à deux niveaux : au niveau organisationnel, c’est-à-dire que seulement des gens travaillant dans l’organisation (employés et dirigeants) sont impliqués; ou au niveau externe, c’est-à-dire que des gens qui sont extérieurs à cette organisation (clients et étrangers) sont impliqués. De plus, la violence en milieu de travail peut être physique, psychologique ou morale. La violence psychologique ou morale peut se manifester entre collègues de même statut ou sous forme de violence hiérarchique ou

88 Hubert Reid, Dictionnaire de droit québécois et canadien, Montréal, Wilson & Lafleur, 1994, s.v.

« violence ».

89 Aurousseau, supra note 39.

90 Jocelyn F. Rancourt, « La violence au travail : responsabilités et devoirs de l’employeur », Mini-Colloque

« Les recours en matière de harcèlement et de violence en milieu de travail », Montréal, 8 décembre 2000, Barreau du Québec, à la p. 2 [Rancourt].

d’abus d’autorité. La figure 2 permet de situer le concept de harcèlement par rapport à celui de violence.

Figure 2 - Schéma de la violence

Psychologique

Autres formes

Harcèlement

Autres formes

Violence

organisationnelle

Psychologique

Autres formes

Harcèlement

Autres formes

Violence de

la clientèle

Violence en

milieu de travail

Violence hors du

milieu de travail

Violence

Ce schéma permet ainsi de comprendre que la notion de « harcèlement » est incluse dans la notion de « violence ».

§ 2. L’adjectif « psychologique »

Certains auteurs reconnaissent une distinction entre les qualificatifs « psychologique » et « moral ». Selon eux, si le concept est qualifié de « psychologique », cela signifie qu’il s’agit d’un champ d’étude pour les spécialistes sur des mécanismes psychologiques. Le choix du terme « moral » s’imposerait donc, puisqu’il impliquerait plutôt une prise de position sur ce qui est bien et ce qui est mal, ce qui se fait et ce qui ne se fait pas, ce qui est acceptable et ce qui est condamnable dans notre société. D’ailleurs, l’expression « harcèlement moral au travail » a été jugée la plus appropriée en France étant donné que la nature psychologique du harcèlement serait incluse dans l’expression « moral »91. Ce choix était justifié d’abord parce que le terme « moral » comporte une dimension psychologique

et ensuite parce que c’est le terme qui a été le plus diffusé pour parler du phénomène dans ce pays européen.

Le Petit Robert définit le terme « moral » comme étant ce : « [q]ui concerne les mœurs, les

habitudes et surtout les règles de conduite admises et pratiquées dans une société […] Relatif à l’esprit, à la pensée ». Le terme « psychologique » signifie plutôt : « Qui appartient à la psychologie […] Qui concerne les faits psychiques, la pensée ». En

conséquence, le mot « moral » apparaît plus englobant. La CDPDJ s’exprime comme suit à ce propos :

La présence des réactions affectives de la personne harcelée témoigne de la forte prédominance émotionnelle du phénomène dans ses conséquences. Cependant, ce sont les conditions dans lesquelles le salarié exécute sa prestation de travail qui caractérisent la dimension plus morale du harcèlement, quel qu’en soit l’auteur, ou les moyens utilisés. Ultimement, le harcèlement dans sa dimension morale se traduit toujours par une dégradation délibérée ou non des conditions de travail. […]92(Nos

soulignements)

Ainsi, les conduites du harceleur vont à l’encontre des règles de la société, c’est-à-dire de règles morales. Enfin, selon certains auteurs, le harcèlement psychologique viserait à contraindre une personne à accomplir une tâche, alors que la violence morale aurait pour but l’atteinte à la personne directement93.

En résumé, le choix des termes peut donc avoir des répercussions sur l’interprétation de la définition.