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Chapitre 4 Etude des ciments composites

1 Choix d’un polysaccharide : la CMC

Les polysaccharides sont des polymères constitués d’un enchaînement covalent d’oses – ou monosaccharides – qui sont les plus petites unités de la famille des glucides. [38] D’excellentes propriétés telles que leur non toxicité, leur hydrophilie, une certaine stabilité vis à vis de variations de pH et la diversité de leurs structures chimiques en ont fait matériaux de choix dans le domaine biomédical [Barbosa 2005]. Les plus répandus en ingénierie tissulaire comptent parmi eux les alginates [Rowley 1999], le chitosane [Francis Suh 2000], les celluloses [Müller 2006] ou encore l’acide hyaluronique [Solchaga 1999] et leurs dérivés.

Dans le cadre du projet ANR BIOSINJECT, cinq polysaccharides, tous disponibles à un grade pharmaceutique, avaient été préalablement sélectionnés : le chitosane, le carraghénane , deux dérivés de la cellulose – l’hydroxypropylméthylcellulose (HPMC) et la carboxyméthylcellulose (CMC) – et l’acide hyaluronique (AH). Une étude préliminaire prenant en compte divers aspects tels que la faisabilité de leur mise en forme de microsphères par atomisation-séchage, l’impact de ces polysaccharides sur différentes propriétés physico-chimiques du ciment CaCO3 – CaP ou encore leur coût nous ont conduit à focaliser notre étude sur la CMC. Ce chapitre s’attache donc à présenter le système CaCO3 – CaP – CMC et ses propriétés physico-chimiques.

1.1

La carboxyméthylcellulose (CMC)

1.1.a

Données générales

La carboxyméthylcellulose (CMC) est un polysaccharide anionique dérivé de la cellulose, dont une partie des groupements hydroxyles a été substitué par des groupements carboxyméthyle (Figure

38 Anciennement nommés hydrates de carbone, les glucides sont des composés organiques de formule générale Cn(H2O)p.

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4.2). Il est ainsi caractérisé par un degré de substitution (DS) correspondant au nombre de groupements hydroxyle substitués par anhydroglucose, unité monomère de la cellulose. Le DS est en conséquence compris entre 0 et 3, la limite haute étant expérimentalement non réalisable.

Figure 4.2 – Structure chimique de la carboxyméthylcellulose (CMC) : sur l’ensemble des chaînes, le monosaccharide contient en moyenne (1-DS) groupements hydroxyle et DS groupements carboxyméthyle.

La CMC est un polymère hydrophile soluble dans l’eau largement utilisé dans les industries cosmétiques, alimentaires et pharmaceutiques à la fois en tant que stabilisant d’émulsion (mousses et lotions cosmétiques), épaississant (adhésifs, crèmes, gelées pharmaceutiques), liant (encres, revêtements) ou agent favorisant la rétention de l’eau (viande, shampoings), cette liste n’étant pas exhaustive [Hercules Inc. 1999]. Il a été remarqué qu’un DS de 0,9 ou 1,2 conduisait généralement à un comportement rhéofluidifiant de la CMC, alors qu’il serait plutôt thixotropique pour un DS de 0,7. Cette thixotropie est notamment utilisée dans les pâtes de dentifrice dans lesquelles une bonne stabilité du gel est requise au repos, mais où la chute de viscosité au niveau de la paroi facilite l’écoulement et l’extrusion de la pâte du tube lorsqu’une certaine force est appliquée [Ashland Inc. 2010].

1.1.a

Poudre de CMC

Une grande partie des ciments composites qui seront présentés dans ce chapitre ont été élaborés en introduisant la CMC directement sous

forme de poudre dans la phase solide du ciment (§ 2.1). La poudre utilisée, de nom commercial « blanose ® » (Ashland, Aqualon ®) est de type 7H4XF-PH. Le polymère choisi est donc, comme l’indique cette référence, de grade alimentaire (F) et pharmaceutique (-PH), avec un DS de 0,7 et une haute viscosité en solution (H4) [Ashland Inc. 2010]. Sa masse volumique apparente est de 0,75 g.cm-3[39]

39 Cette grandeur ne donne donc pas la densité réelle du polymère sous forme de poudre compte tenu de l’air interstitiel.

Figure 4.3 – Micrographie MEB de poudre commerciale de CMC.

50µm

pCMC

Substitut osseux injectable, antibactérien et résorbable : études physico-chimiques et biologiques d’un ciment composite à base d’apatite

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et sa densité réelle de l’ordre de 1,5 - 1,6 [Brenntag Canada Inc. 2010]. La micrographie MEB présentée sur la Figure 4.3 montre une poudre constituée de particules de taille micrométrique et de morphologie irrégulière et fibrillaire.

1.1.b

Mise en forme de microsphères

Comme présenté dans l’introduction de ce chapitre, un des objectifs du projet était d’incorporer l’argent, agent antibactérien, dans des microsphères de polysaccharide dans le but de contrôler sa libération une fois ces dernières incluses dans le ciment d’une part, via la dégradation des microsphères et d’autre part, via celle du ciment.

Des microsphères de CMC ont ainsi été préparées au sein du CIRIMAT notamment par le post-doctorant, Mohamed Fatnassi, recruté pour la première année de ce projet ANR puis par Fabien Brouillet et Sophie Girod Fullana tout au long de ce projet. Elles ont été élaborées par atomisation- séchage (atomiseur-sécheur BUCHI B290 équipé d’une buse avec une ouverture de diamètre 0,7 mm). Cette technique présente l’avantage de permettre la mise en forme de particules quasi sphériques, en conservant la composition et la qualité du produit grâce à un traitement thermique réduit. C’est d’autre part un procédé continu et une opération de séchage simple et rapide qui peut être facilement mis en place à une échelle industrielle.

Les microsphères ont été réalisées à partir d’une solution contenant la CMC et, dans la plupart des cas, du nitrate d’argent (AgNO3 Alfa Aesar 99.9+%). La température d’entrée a varié de 100 °C à 150 °C au cours de la préparation des microsphères. L’optimisation du procédé d’élaboration de ces microsphères a été réalisée au cours de la première année (2010-2011) du projet ANR BIOSINJECT par le chercheur post-doctorant, Mohamed Fatnassi.

La micrographie MEB de la Figure 4.4.a présente des microparticules sphériques et lisses. Une analyse par granulométrie met en évidence une certaine dispersion de leurs tailles, allant de quelques micromètres à quelques dizaines de micromètres, avec un diamètre médian d50 de 25 µm. [40]

40 Le diamètre médian d

50 de la distribution est défini tel que 50 % v/v des particules soient de taille inférieure à ce diamètre et 50 % v/v de taille supérieure.

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Figure 4.4 – (a) Micrographie MEB et (b) granulométrie des microsphères de CMC élaborées par atomisation-séchage.

Avec un rendement de l’ordre de 50 %, les microsphères chargées en argent – dosé par absorption atomique – présentent un taux d’encapsulation élevé, de l’ordre de 74% et contiennent 9,3 % m/m d’argent.

1.2

La CMC comme additif dans les ciments : état de l’art

Diverses études ont été menées sur l’ajout de CMC dans un ciment de type Portland – liant hydraulique du béton. Il a été noté que cet additif conduisait notamment à un retard de la prise, une légère augmentation de la résistance en compression et de la ténacité, une sensibilité moindre à l’acide et à l’eau d’où une meilleure résistance à la corrosion et une diminution de la porosité du matériau [Mishra 2003; Farooque 2010].

Dans le domaine des ciments biomédicaux, peu d’études rendent compte de l’utilisation de la CMC comme additif. Le polysaccharide est cité dans la composition de la phase liquide d’un ciment -TCP dans une étude de Akashi et coll. [Akashi 2001]. Alves et coll. ont étudié l’effet de son introduction sous forme pulvérulente dans la phase solide d’un ciment similaire, à une concentration de 0,4 à 6,4 % m/m. Outre une meilleure cohésion et malléabilité de la pâte, la CMC a permis, même à de faibles concentrations, d’améliorer nettement l’injectabilité de la pâte grâce à son effet lubrifiant [Alves 2008]. Kobayashi et coll. ont également mené une étude in vivo sur le ciment BoneSource ® – à base de TTCP et de DCPA – associé à de la CMC pour faciliter son injection. De bons résultats ont été observés en terme d’ostéoconductivité, biocompatibilité et résistance à la compression mais le rôle particulier de la CMC dans ces propriétés n’a pas été déterminé [Kobayashi 2009]. 0,1 1 10 100 1000 0 1 2 3 4 5 V o lume (%) Taille (µm) d50= 25 µm µCMC 5 µm

(a)

(b)

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Enfin, récemment, Park et coll. ont utilisé l’association d’un gel de CMC et d’un ciment apatitique à base de phosphate de calcium amorphe (ETEX ®) dans le but d’y introduire des cellules souches mésenchymateuses : dans cette étude la CMC avait un rôle de protection de ces cellules vis à vis d’une certaine cytotoxicité de la pâte du ciment avant prise [Park 2011].

Ces études confirment donc la pertinence de l’introduction de CMC en phase solide ou liquide pour compenser certains défauts des ciments phosphocalciques, comme leurs mauvaises cohésion, malléabilité ou injectabilité, tout en préservant leur activité biologique. A notre connaissance, aucune étude ne mentionne l’utilisation de microsphères de CMC comme additifs dans des ciments.