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Le choix de la molécule sonde

3.4 La diffusion Raman exaltée de surface (SERS)

3.4.3 Le choix de la molécule sonde

Si la spectroscopie Raman peut être utilisée sur une large variété de molécules, certaines présentent des caractéristiques favorables à leur utilisation en tant que molécule sonde pour le SERS. Les propriétés intrinsèques ainsi que l’interaction entre le métal et la molécule sont les principaux points à prendre en compte [231].

La puissance du signal PSERS varie fortement selon la molécule étudiée et la longueur d’onde utilisée. Cette puissance est dépendante du nombre de molécules, de l’intensité du laser et de la section efficace d’absorption σabs [243].

La section efficace d’absorption σabs d’une molécule correspond à la surface efficace d’un faisceau homogène incident dont la molécule va pouvoir absorber tous les photons. Elle s’exprime en m2 ou plus communément en cm2 et peut être décrite par l’équation

suivante :

P = σabs.Sinc (3.1)

avec P la puissance exprimée en Watts, qui est proportionnelle au nombre de photons par unité de temps, et Sinc la densité de puissance incidente, exprimée en W/m2. Une repré- sentation schématique est présentée en Figure 3.16. La section efficace d’absorption σabs est définie pour une molécule unique, même si dans la plupart des expériences plusieurs molécules sont impliquées. Celle-ci est particulièrement élevée pour les colorants, dont les

exemples les plus courants sont le cristal violet (CV), la rhodamine 6G (R6G) et le vert de malachite (MG).

Figure 3.16 : a) Schéma représentatif du concept de cross-section comme étant une surface issue du faisceau incident, d’après Le Ru et Etchegoin [231] ; b) représentation de la puissance relative diffusée.

La diffusion Raman est également dépendante de la longueur d’onde du laser utilisée. La puissance du signal est particulièrement intense pour des molécules dont les énergies électroniques sont proches de l’énergie d’excitation du laser. C’est le cas pour les molécules faisant partie de la catégorie des colorants. Cela permet d’entrer dans des conditions de résonance Raman (RRS) et donc d’exalter le signal final (voir la Figure 3.14), ce qui en fait des molécules de choix pour de nombreuses études [244].

De plus, l’adsorption de la molécule sur le métal est importante afin d’être utilisée comme sonde. La molécule peut être chimisorbée, c’est-à-dire qu’elle s’attache à la surface via une liaison covalente, ou bien physisorbée, c’est-à-dire que la molécule s’attache sans former de liaisons chimiques. Cette chimisorption peut permettre une exaltation d’origine chimique par transfert de charges par exemple [231].

Le métal utilisé est généralement de l’argent ou de l’or, aussi certaines molécules comme les thiols peuvent être utilisées pour tirer avantage de leur affinité avec ce type de surface comme pour la fonctionnalisation (voir Chapitre 2) [245, 246, 247, 248].

D’autres mécanismes d’interaction molécule-métal peuvent être envisagées comme des interactions électrostatiques. Il est alors difficile de détecter des molécules ayant une charge de même signe que celle du substrat. La surface métallique peut également être fonction- nalisée avec des certains antigènes afin d’adsorber des anti-corps spécifiques [249, 250, 251].

L’inconvénient majeur des colorants en SERS réside dans le fait qu’il s’agit de fluoro- phores. La fluorescence est un phénomène d’émission spontanée de photon. Les différentes étapes de ce phénomène sont résumées en Figure 3.17.

Elle met en jeu l’excitation d’un électron de son état fondamental S0 à son état excité

S1 via l’absorption d’un photon d’énergie EL issu d’un faisceau laser incident. L’électron relaxe ensuite au sein des sous-états vibrationnels de manière quasi-spontanée (temps inférieur à 10 ps) jusqu’à atteindre le plus bas du niveau S1 [231]. Ensuite, une relaxation

spontanée vers le niveau fondamental S0a lieu. Le photon émis à la suite de ce phénomène

de fluorescence possède une énergie EDif f < EL.

Figure 3.17 : Schéma représentatif du processus de fluorescence, d’après Etchegoin et Le Ru [252]. La fluorescence débute avec l’adsorption d’un photon (représenté en a et b). La molécule relaxe ensuite dans les différents sous-états vibrationnels (représenté en c et d). Après un certain temps (de l’ordre de la nanoseconde), la molécule relaxe ensuite jusqu’à l’état vibrationnel fondamental en émettant un photon (représenté en e et f).

Il s’agit donc un processus en deux étapes qui agit sur une échelle de temps de l’ordre de grandeur des phénomènes spontanés. Elle joue un rôle important dans le cadre des études de détection SERS. En effet, si la diffusion Raman est exaltée grâce à la présence d’une surface métallique, la fluorescence l’est également et rend la mesure des pics délicate. On parle alors de Surface Enhanced Fluorescence (SEF).

La section efficace d’absorption σabs permet de mesurer l’efficacité relative des diffé- rents mécanismes optiques. Une comparaison des sections efficaces en Raman σR

abs et en fluorescence σF luo

abs peut être réalisée pour une même molécule. Celle-ci permet d’établir le nombre de photons utilisés dans chacun des mécanismes. La tendance générale veut que σR

abs < σabsF luo. Cependant, un phénomène d’extinction de la fluorescence, quenching en anglais, peut parfois intervenir.

Figure 3.18 : Représentation schématique des intensités relatives SERS et de fluorescence pour une même molécule à différentes distances de la surface métallique, d’après Etchegoin et Le Ru [252] : a) la molécule se situe loin de la surface et la fluorescence domine ; b) la molécule s’approche de la surface (d ∼ 10nm), l’effet SERS est exalté tandis que la fluorescence est éteinte partiellement ; c) la molécule est très proche de la surface (d < 10nm) et la fluorescence est complètement éteinte, révélant le spectre SERS avec son maximum d’efficacité.

La Figure 3.18 représente les différences d’exaltation des phénomènes de fluorescence et SERS en fonction de la distance d entre la molécule sonde et la surface SERS métallique. Lorsque la molécule se situe loin de la surface, le signal issu de la fluorescence est bien supérieur à celui du Raman et il domine.

pour d ∼ 10nm, l’effet d’exaltation du signal Raman commence mais n’est pas suffisant pour compenser la différence d’intensité entre la fluorescence et le SERS. De plus, la fluorescence peut également être exaltée et dominer le spectre final.

En revanche, pour des distances plus faibles, d < 10nm, le phénomène d’extinction de la fluorescence débute et le signal Raman bénéficie d’une forte exaltation. Cela serait le cas pour une monocouche adsorbée sur une surface métallique.

La fluorescence peut être un inconvénient lorsque les molécules analysées sont éloignées de la surface (> 10 nm) et peut parasiter le signal, rendent les pics Raman difficilement identifiables. Cette fluorescence peut être limitée par l’utilisation d’un laser émettant dans le proche infra-rouge ou alors en réalisant l’analyse sur des substrats SERS dits 2D [231]. En effet, il est possible de réaliser des nano-structures métalliques sur des surfaces selon différentes méthodes (voir Section 3.1) et de les utiliser comme substrats SERS. Une goutte de la solution à analyser est déposée sur le substrat et séchée. Le séchage favorise le dépôt des molécules sous forme de monocouche si la concentration est suffisamment faible. La fluorescence est donc inhibée avec cette méthode d’analyse et n’est pas supposée avoir un impact significatif.

En prenant en compte les différents critères de sélection évoqués, notre choix s’est tourné vers deux molécules sondes : le cristal violet et l’acide 1,4-mercaptobenzoïque. La première est très couramment utilisée pour les applications SERS [253, 244, 254, 255, 256, 257, 258, 259, 260]. Elle fait partie de la catégorie des colorants qui sont utilisés classiquement afin d’obtenir des signaux SERS intéressants : en effet, cette catégorie de molécule présente des sections efficaces d’absorption supérieures à celles de plus petites molécules comme certains thiols. Si la fluorescence peut être un enjeu pour une étude en solution, celle-ci a un faible impact dans le cas d’une détection après séchage : le phénomène d’extinction au voisinage de la proche surface permettant d’obtenir un spectre SERS optimal.

La seconde molécule a été choisie pour son affinité avec les surfaces d’argent. De nombreux thiols ont été utilisés dans le cadre de la détection par effet SERS. L’affinité de celui-ci a déjà été étudiée dans le Chapitre 2 sur la fonctionnalisation des nanodisques d’argent. Dans l’éthanol, l’acide 1,4-mercaptobenzoïque se lie à la surface des nanodisques via une liaison covalente Ag-S. Cette affinité spécifique pourrait apporter une exaltation chimique en plus de l’exaltation électromagnétique et serait identifiable par la disparition des bandes caractéristiques de la liaison S-H.

3.5

Étude de la détection SERS pour les assemblages