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Chapitre I : Matériel et méthodes

II.2. Choix méthodologique

Pour étudier le degré de pollution du littoral sénégalais, nous avons étudié le niveau de contamination de certains organismes marins représentatifs du littoral. 5 sites de prélèvement ont été choisis dont 3 se trouvent dans la région de Dakar du fait de sa forte pollution (Figure 2.1). Les sites ont été choisis de façon à représenter une grande partie du littoral mais aussi en fonction de leur degré d'anthropisation (présence de rejets industriel, agricole, atmosphérique, domestique)

Site 1 : Saint Louis

La région de Saint louis un peu comme Dakar présente une forte densité de population. Du fait de ses déchets (ordures et eaux usées domestiques), la population contribue fortement à la pollution de l’environnement marin Saint Louisien. En dehors de ces déchets domestiques, le fleuve Saint-Louis, qui prend naissance dans les massifs du Fouta Djalon en Guinée, traverse toute la partie occidentale du pays et se jette à la mer à Saint Louis. Ainsi, le fleuve Sénégal, charrie vers l’océan Atlantique d’importantes quantités de substances polluantes en provenance des zones agricoles et industrielles de la Guinée, du Mali, de la Mauritanie et du Sénégal.

Site 2: La baie de Soumbédioune

Située dans la partie nord de la presqu’île du Cap Vert, la baie de Soumbédioune a été choisie par le fait qu’il est le seul quai de pêche situé à proximité du centre-ville de Dakar. Les débarquements de la pêche et sa transformation artisanale font de cette zone un lieu d’élimination.des résidus issus de cette transformation auxquels s'ajoutent les dépôts ordures ménagères (Diawara, 2009).

Cette baie reçoit aussi les eaux usées domestiques des quartiers surpeuplés de Médina, de Grand Dakar et de Fann, les eaux usées des trois hôpitaux du centre-ville et les eaux usées des hôtels situés à proximité. La baie de Soumbédioune abrite également des orpailleurs artisanaux qui utilisent parfois du mercure pour la recherche de l’or.

Site 3: La baie de Hann

La baie de Hann, d’une longueur d’environ 10 km, s’étend de Bel Air au village de Mbao. Elle abrite un quai de pêche et représente l’un des principaux sites de pêche de Dakar. La population vivant dans ces villages est en majorité constituée de pêcheurs qui ont conservé leurs vieilles méthodes d’élimination des déchets ménagers. Très longtemps considérée comme la plus belle baie du monde derrière celle de Rio (CSE, 2010), cette baie est aujourd’hui confrontée à d'importantes pollutions. Elle est souvent citée comme l’une des baies les plus polluées d’Afrique occidentale. Cette situation résulte de sa proximité avec le port de Dakar qui est un espace traditionnel

d’implantation de certaines industries d’exportation et des entrepôts et autres terminaux où plus de 2 millions de tonnes d’hydrocarbonés sont débarquées chaque année (CSE, 2010). La quantité de déchets liquides rejetés au niveau du port était estimée en 2000 à 274 878 m3/an par la direction de l’environnement du Sénégal.

La baie de Hann reçoit les eaux usées brutes des industries de pêche, des industries agroalimentaires et des industries textiles qui se trouvent dans la zone industrielle qui la borde.

Elle est également le réceptacle des eaux usées de la ville de Cambéréne mais aussi des déchets solides ménagers et des rejets d’eaux usées domestiques des villages de Hann, Mbao et Thiaroye (FAO, 2010). Le renouvellement de l’eau dans la baie de Hann est lent du fait de sa localisation (figure a) qui ralentit les courants marins et provoque un retour vers la côte des eaux contaminées (CSE, 2010).

Site 4: La baie de Rufisque

La ville de Rufisque est l’un des quatre départements de Dakar le plus peuplés. La ville se trouve dans la zone Sud de la presqu’île du Cap vert à 27 km de la ville de Dakar. Comme Hann et Soumbédioune, Rufisque possède un quai de pêche. La zone côtière à Rufisque est aujourd’hui perturbée par une urbanisation dense et par la présence d’industries comme la cimenterie (SOCOCIM), la société africaine de raffinage (SAR) et les industries chimiques du Sénégal. Les eaux usées domestiques dans cette ville sont évacuées directement en mer par des conduites à ciel ouvert qui partent dans différents points de la ville. Ces conduites sont utilisées par la population comme dépotoir de leurs ordures ménagères, ce qui crée les problèmes d’inondation dans la ville en saison des pluies. Les eaux usées industrielles (parfois chaudes) sont déversées sans traitement préalable en mer (figure 2.3).

Site 5: La baie de Joal

Joal se situe dans l’extrémité Sud de la petite côte. C'est la première station de débarquement de produits halieutique du Sénégal. Ce site a été choisi comme site témoin car il est éloigné d’influences anthropiques comme l'urbanisation et l'industrialisation.

II.2.2 Modèles biologiques choisis

Macroalgue

L’algue utilisée dans cette étude est la laitue de mer Ulva lactuca (Linnaeus, 1753). C’est une algue verte de la famille des Ulvacées. Elle est formée d’un thalle mince et aplati long de 15 à 50 cm et large de 10 à 15 cm. U. lactuca est une espèce très commune et cosmopolite et possède une aire de répartition très large (Kamala-Kannan et al., 2008). On la rencontre en Atlantique, en Méditerranée, en Manche, en mer du Nord, en mer Baltique et dans le Pacifique.

Les macroalgues comme U. lactuca sont reconnues comme de bons bioindicateurs utiles pour évaluer la pollution chimique de l’environnement aquatique en raison de son mode de vie sédentaire, de sa biomasse considérable et de son identification facile. Par ailleurs, plusieurs études ont montré que les concentrations en métaux dans les algues sont directement proportionnelles aux concentrations de métaux biodisponibles dans l'environnement (Bryan et Hummerstone, 1973; Morris and Bale, 1975; Forsberg et al., 1988; Ho, 1990; Say et al., 1990; Haritonidis et Malea, 1995).

U. lactuca est souvent utilisée pour évaluer la contamination par les éléments-traces (Ho, 1990; Haritonidis et Malea, 1999; Conti et Cecchetti, 2003 ; Laib et Leghouchi, 2012 ; Chakraborty et al., 2014) et par les polluants organiques comme les HAPs, les PCBs et les pesticides (Pavoni et al., 2003) de l’environnement aquatique dans plusieurs régions du globe.

Figure 2.4 : Ulva lactuca (Linnaeus 1753) dans son environnement naturel (Photo prise dans les

îles des serpents de Soumbédioune)

La moule

La moule utilisée dans cette étude est Perna perna (Linnaeus, 1758). C’est la seule espèce du genre

Perna présente le long des côtes Ouest africaines. C’est une espèce très largement répandue dans le

monde puisqu’on la retrouve sur les côtes Est et Ouest de l’Atlantique tropicale et subtropicale et sur les bords de la Méditerranée (Cayré, 1976). La moule P. perna (figure 2.5) est un bivalve filtreur qui se nourrit de phytoplancton, de zooplancton et de matières organiques en suspension. Elle vit dans la zone intertidale fixée sur un support à l’aide de son byssus. Situés au second niveau trophique, les mollusques ont la capacité à accumuler des éléments essentiels et non essentiels de l'environnement aquatique dans lequel ils vivent.

P. perna possède les qualités premières d’une espèce sentinelle (large répartition, abondance,

grande résistance, collection facile) et est souvent proposée comme bioindicateur de la qualité de l’eau car elle reflète assez bien les niveaux de pollution de leur environnement de vie (Boyden et Phillips, 1981). C’est dans ce sens que la moule a été sélectionnée pour évaluer à la fois l’état de pollution des côtes sénégalaises et dans l’évaluation des risques liés à sa consommation par les populations locales qui en consomment en grande quantité.

Le long de la côte sénégalaise, la répartition de cette espèce est limitée. On la rencontre uniquement au niveau des zones rocheuses de la côte. L'étude de cette espèce n'a concerné que les sites où elle est présente.

Figure 2.5 : Perna perna montrant des particules adhésives sur ses coquilles (Moule prélevée à

La crevette tigrée

La crevette tigrée Penaeus kerathurus (Forskal, 1775) ou crevette camerote en France est une espèce qui vit dans les eaux peu profondes. Cette espèce est souvent rencontrée en Méditerranée et en Atlantique oriental, depuis le sud de l'Angleterre jusqu'à l'Angola avec une forte abondance tout le long de la côte Ouest africaine.

P. kerathurus préfère les fonds sableux vaseux riches en débris de végétaux et en matières

organiques du plateau continental depuis la côte jusqu’à des profondeurs de 50 et plus rarement 75 mètres. Peu d'études ont utilisé les crevettes comme bioindicateurs de la pollution marine (Olgunoglu et al., 2015) et quelques rares ont concerné P. kerathurus (Turkmen, 2012). Le choix de cette crevette se justifie par le fait qu’elle est largement consommée par la population et qu'elle constitue l’espèce de crevette la plus exportée du Sénégal vers les pays européens.

Figure 2.6: La crevette tigrée Penaeus kerathurus (Forskal, 1775)

La sole sénégalaise

La sole sénégalaise, Solea senegalensis (Kaup, 1858) est un poisson plat présent dans l’Atlantique du golfe de Gascogne jusqu’aux côtes sénégalaises. Elle est moins présente dans la partie occidentale de la Méditerranée (Cabral et Costa, 1999 ; Jager et al., 1993).

C'est une espèce benthique vivant dans les fonds sableux ou vaseux de la zone côtière. Elle se nourrit

d’invertébrés benthiques comme les larves des polychètes et de mollusques bivalves et de petits crustacés.

Dans cette étude, la sole sénégalaise a été sélectionnée comme modèle du fait de son comportement benthique (en contact avec les sédiments où s'accumulent les polluants) associé à ses déplacements limités (Walker et Emerson, 1990) qui font que c’est un organisme qui intègre les modifications de

son milieu de vie par accumulation de contaminant. Elle a été utilisée dans de nombreuses études pour évaluer la qualité du milieu (Oliva et al., 2012 ; Oliva et al., 2010).

Au Sénégal, cette espèce n’est pas très consommée du fait de sa cherté. Elle est très souvent exportée.

Figure 2.7: La sole sénégalaise, Solea senegalensis (Kaup, 1858)

Le mulet

Le mulet jaune Mugil cephalus (Linnaeus 1758) ou mulet cabot est une espèce de la famille des Mugilidae du genre Mugil.

C’est une espèce benthopélagique cosmopolite présente dans les eaux côtières des zones tropicales, subtropicales et tempérées de toutes les mers du globe. On la retrouve dans la Méditerranée, depuis la côte atlantique de la Bretagne au Maroc. Les individus pénètrent les lagunes saumâtres et les estuaires et possèdent une bonne tolérance aux eaux douces. Les adultes peuplent habituellement les bancs à fonds sableux ou boueux entre 0 et 10 m. Les mulets sont essentiellement herbivores et détritivores, c’est-à-dire qu’ils avalent la vase et la tamisent grâce à un appareil branchial développé pour en extraire les particules organiques. C'est une espèce qui se situe à un bas niveau trophique. Le mulet est une espèce consommée au Sénégal surtout dans les régions estuariennes comme Saint-Louis et les îles du Saloum. C’est une espèce qui est très utilisée dans l’évaluation de la qualité de l’environnement marin dans plusieurs zones (Pastor et al., 1996 ; Ferreira et al., 2005 ; Dural et al., 2006).

Figure 2.8 : Mugil cephalus (Linnaeus 1758)

Le tilapia

De son nom scientifique Sarotherodon melanotheron (Rüppell, 1852), le tilapia est un poisson osseux dulcicole d'Afrique et d'Asie Mineure, qui s'acclimate très bien aux environnements les plus divers. Les espèces de ce genre de poisson sont particulièrement adaptées aux eaux douces et saumâtres. Les individus peuvent coloniser divers types d’habitats permanents ou temporaires, différents types de cours d’eau, de lacs, d’estuaires et de lagunes (Trewavas, 1982). S. melanotheron est l’une des espèces de Cichlidae la plus abondante dans les lagunes et les estuaires en Afrique de l’Ouest (Falk et al., 1999). Elle a une origine estuarienne et peut coloniser les milieux marins côtiers, les eaux douces, saumâtres ou hyperhalines (Panfili et al., 2004; Tine et al., 2007).

C'est une espèce omnivore qui se nourrit de phytoplancton, de zooplancton, de détritus organiques

et d’algues (Kone et Teugels, 2003). Elle est capable d’adapter son mode d’alimentation en fonction des conditions de l’environnement (Kone et Teugels, 2003).

Espèce sédentaire (Diouf et al., 2006), le tilapia est utilisé comme une espèce sentinelle dans de nombreux travaux en écotoxicologie pour évaluer la qualité des milieux (Matos et al., 2007 ; Peixoto et al., 2006). L’avantage de l’utilisation de cette espèce est qu’elle est présente dans la majorité des écosystèmes aquatiques.

Elle a été utilisée dans cette étude du fait de sa présence tout le long du littoral sénégalais et même dans les eaux douces et saumâtres du pays. Elle fait partie de l’alimentation des populations locales surtout celles qui habitent à proximité des estuaires et des lagunes.

Figure 2.9 : Le tilapia Saratherodon melanotheron (Rüppell, 1852) (Source, Fishbase)

La sardinelle ronde

La sardinelle ronde, Sardinella aurita (Valenciennes, 1847) est un poisson marin qui fréquente les zones côtières de l’Atlantique tropicale (Diouf et al., 2010). Deux espèces du genre sont présentes le long des côtes sénégalaises : Sardinella aurita et Sardinella maderensis (Deme et al., 2012). S.

aurita se distingue de S. maderensis ou sardinelle plate par un corps allongé, plus arrondi et par une

carène ventrale moins aiguë. Ces deux espèces peuvent se distinguer par le nombre de rayons de la nageoire pelvienne (9 chez la Sardinelle ronde et 8 chez la Sardinelle plate) et par leur coloration (Diouf et al., 2010). Elle se rencontre sur le plateau continental où elle préfère les eaux salées (salinité > 35‰), non turbides et de température inférieure à 24°C (Boely et Champagnat, 1967 ; Fréon, 1988). Elle se nourrit du zooplancton et spécialement des copépodes avec la présence des euphausides et des larves de cirripèdes et cladocères. La sardinelle ronde est une espèce migratrice. Les poissons sont distribués en novembre plus près de la côte qu'en juin. Le long des côtes sénégalaises, la migration s’effectue vers les côtes marocaines durant les mois de décembre et de novembre. Les poissons commencent à revenir vers le Sénégal via les eaux mauritaniennes à partir d’octobre (Deme, 2012). Du fait de son caractère migrateur, cette espèce n’a fait l’objet que de peu d’études écotoxicologiques pour l’évaluation de la qualité des milieux marins. Néanmoins dans cette étude, elle a été choisie par le fait qu’elle constitue l’espèce la plus consommée au Sénégal. Cela se justifie par son abondance très importante, sa bonne qualité nutritionnelle et son coût très bas (Julie, 2014).

Figure 2.10: Sardinelle ronde Sardinella aurita (Valenciennes, 1847)

II.2.3.Echantillonnage

Les campagnes d’échantillonnage ont été réalisées en janvier 2013 et en août 2013 au niveau des 5 sites. Au Sénégal le mois de janvier correspond au milieu de la saison sèche et le mois d’août correspond à une période de fortes pluies. Pour chaque site et pour chaque saison, environ 500 mg d’algues et 10 individus de chaque espèce décrite précédemment ont été prélevés pour le dosage des métaux. Pour le dosage des contaminants organiques, c’est seulement la saison séche qui a été considérée et environ 500 mg d’algues et 10 individus de chaque espèce ont été prélevés dans les trois sites de Dakar. Pour s’affranchir de la variabilité de la concentration des contaminants en fonction de la taille, des individus de la même taille pour chaque espèce ont été échantillonnés au niveau de chaque site. Ainsi, des échantillons de moules (Longueur Totale, LT: 6,5 ± 1,1cm; poids: P: 20,9 ± 2,3g), de crevettes (LT: 14,3 ± 2,2 cm; P: 21,3 ± 2,3 g), de soles (LT: 28,8 ± 3,5 cm; P: 220 ± 75 g), de mulets (LT: 30,5 ± 4,6 cm; P: 257 ± 12 g), de tilapias (LT: 20,1 ± 5,2 cm; P: 163 ± 9 g) et de sardinelles (LT: 30,6 ± 1.2cm; P: 272 ± 35 g) ont été prélevés.

Les échantillons ont été ensuite préparés en fonction du type de contaminants que l’on veut doser (éléments traces ou les contaminants organiques HAPs et PCBs). Pour les poissons, les foies ont été utilisés pour évaluer la qualité du milieu et les échantillons de muscles ont été considérés que pour l’évaluation de la qualité en termes de sécurité sanitaire.