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Choix des antirétroviraux chez la femme enceinte

III GÉNÉRALITÉS ET FINALITÉS

B. Choix des antirétroviraux chez la femme enceinte

Les transformations physiologiques qui surviennent pendant la grossesse sont susceptibles de perturber l’absorption, la distribution, le métabolisme et l’élimination des médicaments. La dose de médicaments nécessaire pour parvenir à la concentration thérapeutique et l’efficacité du traitement pourraient en être modifiées. Ces changements pharmacologiques pourraient aussi changer la sensibilité de la femme enceinte à la toxicité du médicament. La sensibilité à certains effets toxiques pourrait en outre être influencée directement par la grossesse. Le choix des ARV administrés pendant la grossesse doit aussi tenir compte des effets possibles des médicaments sur le fœtus et le nourrisson, ainsi que du risque de transmission mère-enfant du VIH.

Les données concernant l’innocuité des médicaments au cours de la grossesse proviennent des études de toxicité chez l’animal, des observations, des registres et des essais cliniques. La pharmacocinétique et l’innocuité des antirétroviraux pendant la grossesse sont assez mal connues. Le Tableau 5 résume les données de la Food and Drug Administration des Etats-Unis d’Amérique concernant les résultats obtenus au cours de la gestation sur le passage placentaire, la cancérogénicité et la tératogénicité chez l’animal, le passage dans le lait maternel, ainsi que dans des études chez des femmes enceintes traitées par les antirétroviraux

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existants. Les médicaments connus pour diminuer efficacement la transmission mère-enfant sont ZDV, ZDV/3TC et NVP106-110, 116. Pour bien faire, les schémas thérapeutiques antirétroviraux administrés à la femme enceinte doivent comporter des médicaments dont l’efficacité sur la diminution de la transmission est prouvée. C’est avec ZDV que l’on dispose de la plus grande expérience concernant l’efficacité et la sécurité chez la mère et l’enfant. Par conséquent, le schéma thérapeutique de première intention chez la femme enceinte devra, si possible, inclure ZDV. En outre, comme tous les schémas thérapeutiques ayant eu une efficacité prophylactique prouvée comportaient l’administration intrapartum de médicaments, le traitement antirétroviral de la mère devra se poursuivre pendant le travail.

D’après les études pharmacocinétiques réalisées avec ZDV, 3TC, d4T et ddI, la dose administrée pendant la grossesse doit être identique à celle qui est utilisée en absence de grossesse117-119. L’abacavir n’a pas encore fait l’objet d’évaluation en bonne et due forme chez la femme enceinte.

Tous les INTI qui ont été étudiés traversent le placenta, plus ou moins cependant (Tableau 5). Si le passage à travers le placenta peut être associé à un risque de toxicité fœtal, il est probablement nécessaire pour empêcher efficacement la transmission mère-enfant du VIH. ZDV et 3TC étant les médicaments dont l’innocuité chez la femme enceinte est la mieux connue, et comme ils ont montré qu’ils diminuent la transmission mère-enfant, c’est cette association de deux nucléosides qui sera choisie en première intention pendant la grossesse.

D’après certaines observations l’acidose lactique/la stéatose hépatique associée au traitement par les INTI serait plus fréquente avec d4T qu’avec les autres INTI. Ces deux effets toxiques sont particulièrement préoccupants chez la femme enceinte (chapitre XV, Tableau 10 et Annexe 11)113, 120-122. Si la fréquence de ce syndrome chez la femme enceinte infectée par le VIH sous INTI est inconnue, trois observations au moins font état d’un décès de la mère (dont deux avec décès du fœtus) attribuable à une acidose lactique grave après traitement par d4T associée à ddI et à un INNTI ou à un IP pendant toute la grossesse68. Tous les cas ont été observés chez des femmes recevant déjà ces médicaments au moment de la conception et traitées pendant toute la grossesse ; à la fin de celle-ci les symptômes sont apparus et ont évolué vers la mort dans le postpartum immédiat. Des cas d’acidose lactique non fatale chez des femmes enceintes sous d4T ont également été signalés123. Par conséquent, l’association d4T/ddI n’est pas recommandée chez la femme enceinte infectée par le VIH, sauf si les autres traitements ont échoué ou ont provoqué des effets secondaires inacceptables.

Chez la femme enceinte sous INTI, les soignants surveilleront attentivement les symptômes précoces d’acidose lactique/stéatose hépatique, parfois difficiles à distinguer des symptômes propres à la grossesse (chapitre XV, Tableau 10 et Annexe 11).

45 Un dysfonctionnement mitochondrial a été décrit chez certains nourrissons

non infectés exposés in utero à l’association ZDV/3TC ou à ZDV en monothérapie124. Les symptômes neurologiques et l’acidose lactique, suivis du décès dans deux cas graves, étaient les premières manifestations cliniques importantes. L’association entre ces manifestations cliniques et l’exposition in utero est controversée, et en supposant qu’elle est de nature causale, les manifestations cliniques importantes et le décès semblent rester extrêmement rares (<1 %)125-127.

La névirapine est le seul INNTI étudié pendant la grossesse128-130. La posologie classique semble adaptée à la femme enceinte au troisième trimestre de sa grossesse ; aucune évaluation n’a été faite pour les mois qui précèdent. Le médicament franchit rapidement la barrière placentaire et la concentration atteinte chez le fœtus est comparable à celle qu’on observe chez la mère. L’éfavirenz n’a pas été étudié chez la femme enceinte mais traverse probablement massivement le placenta. Comme indiqué plus haut, la grossesse doit être évitée chez la femme sous EFZ en raison du risque de tératogénicité, et l’administration de cet antiviral sera évitée pendant le premier trimestre. La NVP est par conséquent l’inhibiteur non nucléosidique de choix pendant la grossesse.

Les IP ont été associés à l’apparition d’une intolérance au glucose et même de diabète sucré en-dehors de la grossesse. Celle-ci est en outre un facteur de risque d’hyperglycémie et on ignore si les IP exacerbent ce risque. L’hyperglycémie associée à la grossesse peut conduire à un risque accru de macrosomie, de détresse fœtale, de pré-éclampsie et de mortinaissance. La femme enceinte placée sous IP sera informée des symptômes d’hyperglycémie (polyurie, soif, perte pondérale) et il lui sera conseillé de consulter son prestateur de soins en cas de symptômes.

La pharmacocinétique de RTV, NFV, IDV et SQV a été étudiée chez la femme enceinte et ces médicaments apparaissent bien tolérés. Le passage placentaire de ces IP est minime, voire nul. Si les données concernant les malformations congénitales associées à l’administration des IP sont trop peu nombreuses pour pouvoir en tirer des conclusions, le risque de tératogénicité semble être faible dans la mesure où le passage transplacentaire est limité. Le nelfinavir puis le saquinavir sont les IP les plus fréquemment utilisés pour traiter les femmes enceintes infectées par le VIH dans les pays riches131.NFV est bien toléré par les femmes enceintes et à la dose de 1250 mg deux fois par jour donne des concentrations satisfaisantes en médicament ; c’est l’inhibiteur de protéase de première intention pendant la grossesse (Tableau 5, Annexe 9)132, 133. D’après les études de phase I avec SQV et IDV, il peut être nécessaire d’augmenter la posologie pendant la grossesse134-137; en ajoutant une petite dose de RTV à SQV et à IDV on doit cependant pouvoir renforcer leur effet pharmacologique et obtenir des taux plasmatiques satisfaisants. IDV comporte un risque théorique d’exacerbation de l’hyperbilirubinémie néonatale s’il est utilisé en période per ou péri travail et c’est donc un moins bon choix pendant la grossesse. L’association LPV/r n’a pas été étudiée chez la femme enceinte.

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