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La chirurgie pour cancer pulmonaire chez les MPOC : état des connaissances

CHAPITRE 3 : Le cancer pulmonaire chez les patients MPOC

3.3 La chirurgie pour cancer pulmonaire chez les MPOC : état des connaissances

L’influence de la MPOC sur l’évolution clinique à la suite d’une chirurgie pour cancer pulmonaire a été étudiée par plusieurs chercheurs. Cependant, quelques points demeurent problématiques lorsque l’on veut comparer les résultats de certaines études.

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D’abord, d’un point de vue méthodologique, il faut savoir que les chercheurs ne définissent pas tous le diagnostic de MPOC de la même façon. Dans une étude par Zhai et al. (91) on utilisait le diagnostic médical auto-rapporté pour définir la MPOC. Ces derniers se sont intéressés à l’influence de la MPOC sur la survie après une chirurgie pour cancer pulmonaire de stade précoce (91). Dans cette étude, les patients MPOC avaient une survie à 5 ans significativement inférieure à celle des non-MPOC et la MPOC était également associée à une survie inférieure en analyse multivariée (91). Cette étude ayant une population de grande taille (N=902) (91), elle aurait pu présenter des résultats très intéressants si la MPOC avait été définie à l’aide de critères spirométriques.

De l’avis de l’auteure de ce mémoire, il n’est pas satisfaisant d’utiliser le diagnostic médical auto-rapporté, car le diagnostic médical de la MPOC lui-même n’est pas toujours effectué correctement. Pour illustrer ce propos, soulignons les résultats d’une étude britannique effectuée auprès de cliniques de médecine générale, où on avait fait passer une spirométrie à 125 patients qui avaient reçu préalablement un diagnostic de MPOC sans avoir subi de spirométrie et 31% d’entre eux n’avaient aucune obstruction bronchique (92). On peut donc penser qu’il peut y avoir un surdiagnostic lorsqu’on n’utilise pas la spirométrie. D’un autre côté, il est également possible que le diagnostic auto-rapporté conduise à une sous-estimation de la prévalence de la maladie (93, 94). En effet, l’étude RECOIL (95) publiée récemment relevait que dans une population de patients atteints de cancer pulmonaire, 60% des patients ayant une obstruction bronchique à la spirométrie n’étaient pas connus antérieurement comme atteints de MPOC. En se fiant à ces divers résultats, on peut craindre que l’absence de spirométrie expose à un risque élevé de diagnostic erroné et donc de mauvaise classification des patients. Il va sans dire qu’une mauvaise répartition des patients dans les groupes à l’étude aurait pour effet d’altérer la fiabilité des résultats obtenus. Enfin, le diagnostic auto-rapporté rend impossible la gradation de la sévérité de la MPOC chez les patients. Le lecteur peut également se référer à nouveau à la section 2.2.1 Les défis entourant l’établissement des valeurs de prévalence de la MPOC pour quelques points de réflexion supplémentaires.

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L’évolution en post-opératoire de la chirurgie pour cancer pulmonaire des patients ayant une MPOC modérée à sévère a été investiguée par plusieurs auteurs (96, 97). Sekine et collègues (96) ont publié une étude en 2002, dans laquelle ils avaient défini la MPOC comme un VEMS £ 70% de la prédite et un indice de Tiffeneau £ 70%, et les autres patients avaient été classés dans le groupe non-MPOC. La proportion de patients présentant au moins une complication pulmonaire était plus élevée chez les MPOC (96). Il y a également eu davantage de décès à 30 jours chez les MPOC (96). Il n’y avait pas de différence entre les deux groupes en ce qui concerne la survie à long-terme, sauf lorsqu’on regardait la survie intercurrente (qui tient compte des décès non associés au cancer), qui était abaissée chez les MPOC (96). Iwasaki et collègues (98), pour leur part, n’ont pas trouvé de différence significative entre la survie globale à 5 ans de patients MPOC modérés en comparaison avec des MPOC sévères après une chirurgie pour cancer pulmonaire, mais notons que leur étude comportait des groupes de petite taille. Nakajima et coauteurs (99) se sont attardés, de leur côté, au devenir des patients ayant une MPOC sévère à très sévère tandis que les patients n’ayant pas de MPOC sévère avaient été considérés les témoins. La survie à long-terme était diminuée chez les patients MPOC sévère et très sévère et la survie à 30 jours était également moins bonne dans ce groupe, mais il faut noter que les 3 patients décédés durant cette période étaient également porteurs d’une pneumonie interstitielle (99).

Certaines études se sont penchées sur l’effet de différents degrés de sévérité de la MPOC sur l’évolution post-opératoire de ces patients, mais elles comprenaient relativement peu de patients ayant une MPOC légère (100-102). Dans l’étude de Yoshida et al (100), la survenue de complications pulmonaires en post-opératoire augmentait tandis que la survie sans récurrence diminuait avec l’augmentation de la sévérité de la MPOC. De leur côté, Sekine et co-auteurs (101) ont trouvé que la présence d’une MPOC GOLD 3 était associée avec une survie à long-terme inférieure, comparativement à des patients non-MPOC, à la suite d’une résection pour cancer pulmonaire, ce qui n’était pas le cas pour une MPOC GOLD 1 ou GOLD 2. Une étude plus récente a examiné la survenue de complications pulmonaires post- opératoires chez des patients ayant une MPOC peu sévère (principalement des patients ayant une MPOC légère et quelques patients ayant une MPOC modérée) (103). La proportion de complications pulmonaires post-opératoires était plus élevée chez les patients MPOC par

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rapport à ceux ayant une fonction respiratoire normale (103). Les résultats de cette étude étaient très intéressants en raison du fait qu’on étudiait les patients ayant une MPOC légère à modérée, même si le nombre de patients ayant une MPOC légère y demeurait relativement peu élevé (103).

Bugge et co-auteurs (104) se sont intéressés, pour leur part, à l’influence de la MPOC sur la survie après une chirurgie pour cancer pulmonaire non à petites cellules chez des patients ayant un cancer de stade I et II. Les patients étaient séparés en trois groupes : le groupe MPOC sévère à très sévère, le groupe MPOC légère à modérée et le groupe avec une fonction respiratoire normale (104). Les patients ayant une MPOC sévère avaient une survie cumulative inférieure, tandis que les deux autres groupes (MPOC légère à modérée et fonction respiratoire normale) avaient une survie cumulative comparable entre eux (104). Les patients ayant une MPOC sévère avaient une survie cumulative significativement diminuée à 2 et à 5 ans en comparaison avec les deux autres groupes (104). Il est à noter que l’approche chirurgicale était via thoracotomie dans la majorité des cas (93%) dans cette étude (104).

Enfin, une complication particulière pouvant survenir dans la période post-opératoire mérite d’être soulignée, soit la fuite d’air prolongée. Un VEMS abaissé et le pourcentage d’emphysème à la tomodensitométrie sont des facteurs associés à la fuite d’air prolongée après une résection pulmonaire (105, 106). Évidemment, on retrouve fréquemment un VEMS abaissé chez les patients atteints de MPOC et bien que ce ne soit pas tous les patients MPOC qui souffrent également d’emphysème, on retrouve tout de même cette pathologie chez plusieurs d’entre eux.

À la lumière de cette littérature, l’évolution des patients ayant une MPOC sévère à la suite d’une résection pour cancer pulmonaire apparait bien définie, tandis qu’il persiste une incertitude par rapport à l’influence d’une MPOC légère à modérée sur celle-ci. Sachant que les patients ayant une MPOC légère ou modérée représentent la majorité des patients MPOC diagnostiqués et investigués pour un cancer pulmonaire (87), il apparait nécessaire que leur devenir en post-opératoire de chirurgie pour cancer pulmonaire soit bien caractérisé.

24 3.3.1 La chirurgie de réduction du volume pulmonaire

Une particularité de l’impact de la résection pulmonaire sur la physiologie pulmonaire des patients MPOC se doit d’être abordée. De façon paradoxale, on croit qu’une chirurgie combinée où on enlève à la fois une lésion et du parenchyme afonctionnel serait carrément bénéfique chez certains patients emphysémateux (107). On appelle ce genre d’intervention un ²lung volume reduction surgery², donc une chirurgie où on va diminuer le volume pulmonaire (107). De façon surprenante, après une résection pour cancer pulmonaire, il arrive même que certains patients se retrouvent avec un VEMS post-opératoire supérieur à celui en pré-opératoire (108). Dans une étude menée auprès de patients ayant subi une lobectomie pour cancer pulmonaire, Sekine et co-auteurs ont trouvé pour leur part que le ratio du VEMS obtenu en post-opératoire sur le VEMS post-opératoire prédit était significativement plus élevé chez les MPOC (qui avaient un VEMS pré-opératoire de 70% de la prédite ou moins) que chez les non-MPOC (109). Ce phénomène est donc un point de réflexion supplémentaire lorsqu’on considère une résection pulmonaire chez un patient ayant une fonction respiratoire altérée, puisque la perte de fonction pulmonaire après la chirurgie chez un MPOC ne sera parfois pas aussi importante que ce que l’on aurait calculé.

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CHAPITRE 4 : Problématique, objectifs et hypothèses de

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