• Aucun résultat trouvé

Chevalier du ciel

Dans le document FAUCHÉS EN PLEINE GLOIRE (Page 29-37)

25

mai 1917 : les hostilités font rage dans l'Aisne, sur le chemin des Dames. L'escadrille des Cigognes participe à la grande offensive. À bord de son Spad, un aviateur en vareuse noire, casque de cuir, abat en une minute deux avions ennemis; dans l'après-midi, il récidive et réussit à nouveau le doublé, portant le total de ses victoires à quarante-deux. L'« as des as », le capitaine Guynemer, à vingt-deux ans, vient de réaliser l'un des plus grands exploits de la guerre.

Né la veille de Noël 1894, Georges est issu d'une petite noblesse provinciale : son père Paul, ancien officier sorti de Saint-Cyr, ainsi que Diane sa mère, femme élégante, cultivent honneur et tradition. Le garçon et ses deux sœurs aînées, Yvonne et Odette, passent leurs jeunes années dans le château des grands-parents maternels près de Caen. Georges, déjà de santé fragile, devient écolier, aidé d'une gouvernante allemande. A quatre ans il se met au violon, musicien comme son grand-père qui jouait du piano avec Liszt. L'enfance se passe entre le château de grand-papa Guynemer et Compiègne, où il entre comme externe au collège.

À douze ans, l'élève poursuit ses études au collège Stanislas, où il se révèle intelligent mais dissipé. Après son bac obtenu avec mention, un baptême de l'air lui permet d'affirmer à son père : « Je veux devenir aviateur. » Il prépare le concours d'entrée à l'École polytechnique quand survient la guerre, le 3 août 1914.

Georges n'a qu'un désir : s'engager. Mais les majors trouvent trop maigre ce grand garçon de quarante-huit kilos, au teint cireux. Désespéré, il remue ciel et terre, épaulé par son père. En vain. L'obstiné va supplier un officier d'aviation de Pau : « Je ferai n'importe quoi, même cirer des bottes ». Mais la

médecine refuse encore. À la troisième visite, le « feu sacré » convainc finale- ment le capitaine Bemard-Thièry, et, le 23 novembre, Guynemer devient plus ou moins légalement, élève mécanicien. Au bout d'un mois, il demande à devenir élève pilote. On a grand besoin d'aviateurs. Comme il a été sérieux et appliqué, satisfaction lui est donnée en février 1915.

Enthousiaste, il commence alors son apprentissage, en compagnie du boxeur Georges Carpentier, d'un fils Rothschild et de Tarascon, l'instructeur à la jambe de bois. Guynemer parvient à faire des vrilles après seulement deux mois de pilotage. Affecté à Avord, il y décroche son brevet militaire le 26 avril 1915. Son rêve se réalise. Il arrive au front dans la future escadrille des Cigognes, et se fait tout de suite remarquer par ses bris de matériel, qu'on lui pardonne eu égard à son courage et à sa pugnacité. Le 19 juillet, accompagné d'un mitrailleur, il abat son premier avion ennemi, revient tout excité, et, le lendemain, le voilà devenu sergent, décoré de la médaille militaire.

Sa technique de vol et de combat s'améliore tous les jours, sur les conseils du fameux et impétueux Védrines (qui gagnera le pari d'atterrir sur le toit des Galeries Lafayette). On le charge d'une mission périlleuse : déposer et aller rechercher des agents secrets en territoire ennemi. Il réussit grâce à son incroyable sang-froid et renouvelle dans la pénombre cette opération délicate, malgré un orage intense.

En décembre 1915, à bord de son Nieuport Vieux Charles, Georges abat trois autres avions, ce qui lui vaut d'être nommé chevalier de la Légion d'honneur, le jour de ses vingt et un ans.

Deux autres appareils s'ajoutent à son tableau de chasse, les 3 et 5 février 1916. Il passe sous-lieutenant. Mais, le 6 mars 1916, la mort le frôle ; son avion, ses vêtements et ceux de son observateur sont criblés de balles. Sa riposte ne tarde pas et, le 12 mars, il descend un biplace. On le cite à l'ordre de l'Armée quand, le 28 mars, il signe sa huitième victoire. Sa méthode paraît simple : « Je pratique le vol classique, et n'ai recours aux acrobaties qu'en dernier ressort. Je reste accroché à mon rival et quand je le tiens, je ne le laisse pas filer. » En réalité, ce méticuleux soigne particulièrement armes et munitions, ne tolère l'aide de personne. Un jour à Paris, chez le fabricant d'avion Spad qu'il était venu conseiller, le hasard lui fait rencontrer Yvonne Printemps. Ils sont du même âge.

Courtisée par Sacha Guitry, la chanteuse est aussi belle que séduisante. Guyne- mer a le regard brillant et triomphateur de ces nouveaux archanges auréolés de gloire. Pendant huit à dix mois, l'hôtel Édouard-VII abritera de temps en temps leurs amours. Le héros lui offre une tortue d'écaille ambrée, et ce souvenir, vrai talisman, restera toujours accroché dans la loge de l'artiste.

Dans les airs, Guynemer continue d'accumuler les triomphes. Ses chefs

doivent le gendarmer pour qu'il se repose, quand sa santé délicate le laisse à bout de force ou lorsqu'il revient blessé (il le sera six fois). Il dépasse parfois la mesure, comme ce jour où il vole pendant cinq heures et demie, sur trois appareils successifs, après trois atterrissages forcés.

« J'ai beau être veinard, l'ennemi m'a descendu sept fois. » Le pilote oublie-t-il sa mésaventure du 23 septembre 1916, quand, touché par l'artillerie antiaérienne amie, il a été retiré inanimé de son avion (qu'il appelle sa mitrail- leuse volante). Un vrai miracle!

Ses exploits deviennent légendaires. Tout le pays et l'armée suivent ses aventures, et les grands de l'époque, des rois aux généraux, viennent le congra- tuler.

Promu capitaine, il reçoit, le 11 juin 1917, la croix d'officier de la Légion d'honneur, et prend le 4 septembre le commandement de l'escadrille après sa cinquante-troisième victoire officielle, nombre très inférieur à la réalité, le système des homologations étant très rigide.

Le 11 septembre, il décolle du terrain de Saint-Pol-sur-Mer par une belle matinée brumeuse pour patrouiller vers la Belgique. Le sous-lieutenant Bozon- Verduraz, qui le précède, va manœuvrer afin d'attirer et semer les huit avions ennemis qui apparaissent dans le soleil à l'horizon. Guynemer, déjà aux prises avec un biplace ennemi à 3 200 mètres d'altitude, s'éloigne dans le ciel des Flandres et son équipier ne s'en inquiète pas outre mesure. Cependant ce dernier, revenu au camp, s'étonne de l'absence du Vieux Charles.

Confiante, toute la base espère le retour du retardataire, aux pouvoirs rappelant ceux des dieux de la mythologie. Longue sera l'attente.

Le chevalier invincible ne reviendra plus jamais. Les Allemands re- trouvent son corps, ainsi que l'appareil abattu par un aviateur que Fonck (l'as aux soixante-quinze victoires) descend vingt jours après. Mais un fort bombarde- ment efface les traces du preux de légende que toute la France consternée pleurera longtemps. La devise de Guynemer emporté à vingt-deux ans, Faire face est celle de l'École de l'air, et son nom est gravé sur les murs du Panthéon.

S a i n t e T h é r è s e

1 8 7

R

arement famille fut autant touchée par la grâce que celle des Martin. Louis, le père, horloger-bijoutier, avait envisagé une existence monas- tique ; Zélie, la mère, dentellière, aspirait à une vie religieuse. Répondant à un irrésistible appel, Thérèse devint carmélite à quinze ans; ses quatre sœurs prirent toutes le voile également. Sa mission continuera après sa mort, son livre Histoire d'une âme, traduit en trente-cinq langues, édité en millions d'exem- plaires, transmettra son message aux quatre coins de la terre.

Née à Alençon le 2 janvier 1873, Thérèse est la neuvième enfant d'un foyer bourgeois et cossu. Quatre sont morts en bas âge. Elle se trouve précédée de Marie, née en 1860 et qui sera sa marraine, de Pauline née en 1861, de Léonie en 1863, et de Céline en 1869.

Après un an passé chez une nourrice dans la campagne normande, elle retrouve la chaude ambiance chrétienne de la maison. Elle préfère sa sœur Pauline, qui sera son idéal et sa mère spirituelle quand la maman décède, emportée par un cancer en 1877.

Les Martin quittent alors Alençon pour Lisieux. Ils habitent aux Buis- sonnets, auprès de M. Guérin, frère de Zélie. Marie prend en main l'organisa- tion du ménage, tandis que Pauline s'occupe des deux petites, plus spécialement de Thérèse qui doit subir la sévérité de sa marraine. Le père implore parfois pour qu'on ne supprime pas les promenades lorsque les leçons laissent à désirer. Pas de compliments non plus, qui pourraient pousser à la vanité.

A Lisieux, la famille se resserre autour des Guérin. M. Martin se plonge dans la solitude. Thérèse, timide, douce et sensible à l'excès, apprécie les plaisirs du jardin : les fleurs, les animaux familiers, une pie, un épagneul, une linotte et même un agneau d'un jour.

En septembre 1881, elle est mise à l'école de l'Abbaye comme demi- pensionnaire, sans se douter que Pauline va bientôt se décider à entrer au Carmel. Quand elle l'apprend en juillet 1882, elle s'écrie : « C'était comme si un glaive s'enfonçait dans mon cœur. » Mais elle découvre aussi, et immédiate- ment, qu'elle veut se diriger dans cette voie.

En décembre 1882, sa santé se dégrade, elle est victime d'une névrose infantile qui durera longtemps. Désemparée, elle voit coup sur coup Léonie entrer chez les Clarisses le 7 octobre 1886, et Marie au Carmel la semaine suivante. L'ardente atmosphère des Buissonnets, indispensable à sa vie, est en train de disparaître. Mais peu à peu, mûrie par la prière et par une grande foi qui équilibre sa personnalité, elle réussit à vaincre son hypersensibilité.

L'année 1887 est merveilleuse : Thérèse s'épanouit. Elle lit intensément.

Son goût de savoir est insatiable. Elle se sent de plus en plus la vocation d'intercéder pour les pécheurs. Au mois de juillet, elle est frappée dans son imagination par une image de crucifié. Événement fortuit qui fait naître en elle le besoin d'imiter l'amour miséricordieux de Jésus auprès des hommes, même les plus vils et les plus abandonnés. C'est alors que Pranzani, criminel condamné à mort, réclame in extremis le crucifix au pied de l'échafaud, et l'embrasse par deux fois avant de mourir. Thérèse reconnaît là que sa prière a été exaucée.

Du mois de mai 1887 au mois de janvier 1888, elle se bat pour entrer au Carmel. Son père a été facile à convaincre. Son oncle Guérin a opposé plus de résistance. Elle doit affronter les autorités ecclésiastiques : mgr Hugonin, évêque de Bayeux, et jusqu'au pape Léon XIII,qu'elle rencontre lors d'un pèlerinage à Rome le 20 novembre. Sa vocation est enfin reconnue, et elle entre au Carmel le 9 avril 1888. Elle n'a que quinze ans.

Postulante, puis novice, elle fait profession le 8 septembre 1890 : sauver les âmes et prier pour les prêtres, tel sera son but. La vie au Carmel est orientée selon les règles de Thérèse d'Avila sa fondatrice. Du lever, à 4 h 45, jusqu'au coucher à 22 h 30, le temps se divise en six heures et demie pour la prière (deux heures d'oraison et quatre heures et demie pour la messe et l'office choral) une demi-heure de lecture spirituelle, cinq heures pour le travail, deux heures de récréation communautaire, quarante-cinq minutes pour les repas en commun, en silence, accompagnés d'une lecture à haute voix, une heure de temps libre.

Sous la férule d'une prieure brusque et dominatrice, Thérèse se coule dans ce programme auquel elle sera très fidèle, malgré la « sécheresse » de sa vie d'oraison. En 1891, lors d'une retraite, le père Prou va bien la comprendre : « Il me lança en pleines voiles sur les flots de la confiance et de l'amour qui m'attiraient si fort, mais sur lesquels je n'osais m'avancer. »

Elle se torture pour la santé de son père, à demi aliéné, qui meurt en

juillet 1894. En septembre, Céline entre au Carmel à son tour, apportant un carnet sur lequel elle a transcrit des passages de la Bible. Au cours de l'automne, Thérèse inventorie ces carnets. Elle y puise des textes décisifs, en raison de leur simplicité angélique, qui sont la base de sa spiritualité connue sous le nom de sa

« petite voie ».

À la demande de la nouvelle prieure, mère Agnès, elle écrit en 1895 ses souvenirs d'enfance. Le 9 juin, au cours de son action de grâces, elle s'offre en victime d'holocauste à l'amour miséricordieux de Dieu. Dans la nuit du Vendredi saint, elle subit sa première hémoptysie et, le lendemain, entre dans les plus épaisses ténèbres. Cette dernière période de sa vie sera l'occasion d'éprouver sa

« petite voie ». Elle souffre physiquement et spirituellement, mais à aucun moment sa confiance, son abandon à la volonté de Dieu ne sont pris en défaut.

Elle demeure en communion avec Dieu dans le Christ et sous l'action de l'Esprit.

En 1897, l'état de la malade s'aggrave. La tuberculose fait son chemin.

Néanmoins, elle continue d'écrire. Elle définit un nouveau message, en propo- sant à l'Église une recherche humble pour aller à la rencontre des hommes.

Thérèse quête l'infini de l'amour miséricordieux dans les actes les plus petits de la vie; elle vit un amour extraordinaire dans les choses ordinaires.

Le 30 juillet elle reçoit l'extrême-onction, et, le 30 septembre à 19 h 30, à . vingt-quatre ans, rend le dernier soupir dans une extase d'amour. Selon son expression, elle « entre dans la vie ». Elle qui a expérimenté la communion des saints, elle sait que sa mission commence : faire aimer Jésus. Elle sait aussi qu'elle sera de tous les combats jusqu'à la fin du monde.

Béatifiée en 1923, canonisée en 1925, sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus est adoptée par Pie XI comme la patronne de son pontificat et celle des mission- naires. Depuis les cérémonies du centenaire en 1973, Lisieux attire chaque année une foule encore plus nombreuse de pèlerins.

D'Alexandre le Grand à Thierry le Luron, de Van Gogh à James Dean, d'Ayrton Senna à Claude François, voici cent personnages hors du commun qui ont tous disparu avant quarante ans. Bourré d'anecdotes, cet ouvrage, riche d'informations insolites, émouvantes, captivantes, nous rend tous ces héros plus familiers. Une manière attrayante de nous présenter ces hommes et ces femmes d'horizons variés qui, à travers les époques, se sont illustrés dans les activités les plus diverses.

Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement

sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.

Cette édition numérique a été réalisée à partir d’un support physique parfois ancien conservé au sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

Elle peut donc reproduire, au-delà du texte lui-même, des éléments propres à l’exemplaire qui a servi à la numérisation.

Cette édition numérique a été fabriquée par la société FeniXX au format PDF.

La couverture reproduit celle du livre original conservé au sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

*

La société FeniXX diffuse cette édition numérique en accord avec l’éditeur du livre original, qui dispose d’une licence exclusive confiée par la Sofia

‒ Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Écrit ‒ dans le cadre de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012.

Dans le document FAUCHÉS EN PLEINE GLOIRE (Page 29-37)

Documents relatifs