Hier après-midi le Père
Kennedy,
curéde
Sarnia,m'a
téléphoné,Madame Hanna
etmoi, àaller rencontrer
Mgr
Fallon,Evêque
deLondon,
qui devaitofficier iciàl'occasion de sa première visitedans
cette partie,de
son diocèse.Après
quelquesmoments de
conver-sation, l'Evêque Fallonexprima
le désir deme
voir en particulierau
sujet d'une affaire d'ungrand
intérêtpour
cette partie de la province. Ceci convenu, il semit
aussitôt à expo-sertoute la questionde l'enseignement bilinguedans
les écoles. Il est difficile de citerlitté-ralement,
mais
jevous donne en
substance ses paroles..Il apassé, dit-il,laplus
grande
partie desa vieen cetteprovince,étant;né
à Kingston,ayant
plus tardlongtemps
séjourné àOttawa,
et, à l'exceptionde
son ministère à Buffalo,demeurant
toujoursdans
la province et s'intéressantaux
affaires ecclésiastiques. Il sent qu'il est enmesure
de savoir cedont
il parle ; qu'étant chargédu
diocèse deLondon, où
il
y
aun
sigrand nombre
de Canadiens-Françaisdans
lecomté
d'Essex, ilcomprend que
la questionestd'unegrande importance
pratique.De
fait,quant
àlui,il regardecettequestioncomme
supérieure à toutes les autrespour
ce qui concerne le bien-être de ses diocésains.Il n'en est pas
venu
à ces conclusions tout d'uncoup
;mais
il a résolu, autantque
la chose esten
son pouvoir, de faire disparaître jusqu'aux traces de l'enseignement bilinguedans
les écoles publiques de son diocèse.
L'intérêt des enfalits, garçons et filles,
demande que
l'enseignement bilingue soitdésapprouvé
etprohibé ; il ditqu'on
l'aassuréque dans
certaines partiesdu comté
d'Essexil
y
a des enfants allant aujourd'huiaux
écoles publiques, incapables de parler anglais et cela trois générations aprèsque
leurs ancêtres sont arrivésdans
le comté. Assurément,on ne
peut rien dire de pluspour prouver
jusqu'à l'évidenceque
l'enseignement de l'an-glaisa
étécomplètement
négligé chez les Canadiens-Français de cette région.Nous
appar-tenons àune
province de langue anglaise, habitantun
continent parlant anglais,où
tousles enfants, garçons et filles, en sortant des écoles
pour
affronter lescombats de
la vie, doi-ventêtre d'abordarmés
de lalangue anglaise, coûteque
coûte ; si, de plus, ils sontcapables d'ajouter le français,ou
l'italien,ou
le polonais,ou
toute autre langue, fort bien ;mais
ilest
absolument
nécessaireque
la base de l'éducation soit anglaise.J'ai faitobserver à
Sa Grandeur que
selonmoi,dans
les localitésoù
les Canadiens-Français sontnombreux
et parlent le français,on
a cruque
le maître d'une telle école— 35 —
réussirait davantage,
vu
qu'il pourraitmieux
conduire les enfantsde
la langue française àla langue anglaise.A
celail répliqueque
c'estune
erreur;
que
s'il en était ainsi en théorie cela n'était jamaismis
en pratiquehonnêtement
;que
l'argumenten
faveur de la nécessitédu
maître françaisdans
les localités françaises était l'argumentde
l'agitateur clérical ;et, secouant son gros bras et son poing vers moi, il dit : " Je
m'engage
à prendre soinde
l'agitateur clérical ;
mais pour
l'agitateur politique, jene
puis le contrôler, si cen'estdans
la sphère politique avec l'aide des autres."
Il ajouta,
que
le maître français a étéimposé
à ces partiesdu pays
contrairementaux
désirs des parents etaux
intérêts des élèves ;que dans
lecomté
d'Essex, il déclaraà
ceux qui cherchaient àluiimposer le maîtrefrançaisdans
les localitésfrançaises qu'il serait prêtà prendrelevote des parentscanadiens-françaiseux-mêmes
etàleslaisserlibres d'enre-gistrerhonnêtement
leurs propres convictions ; et qu'il seraitheureux
de s'en tenirau
résultat,
mais que
son offre n'a pas été acceptée.Il dit encore
que
le politique et l'agitateur canadien-françaisne manquent
pas de direque
les Canadiens-Français contrôlent 15ou
17comtés dans
la province (d'Ontario).Il réplique
que
les Canadiens-Français n'en contrôlentaucun
; qu'ils ont travaillé depuis dix ans sur des listes falsifiéesdu
recensement ici,comme dans
la province de Québec, et toujoursdans
lemême but
; etque
leurunique but
est de contrôler et l'Eglise et l'Etat ;et que, à
moins
d'être étouffés, ils domineraientdans
lesdeux
; qu'afin de faire prendreau gouvernement
l'attitude qu'il croyait être celle de lagrande
majorité de l'Eglise Catho-liquedans
la province, lesEvêques
s'étaient réunisrécemment
et avaient formulé des résolutions etque
bientôtune
députation représentant cette réunion épiscopale serendrait auprèsdu gouvernement
et lui soumettrait leurs vues ; qu'ils avaient résolu de mettre cette questionau rang
d'une question quiprime
toutes les autres,en
autant qu'elle les concerneeux
et leurssubordonnés
;que
jusqu'à présent ils avaient laissé faire,mais
qu'ils avaientperdu beaucoup
de terrain par leur silence.J'ai suggéré encore
que
jene
pensais pasque
legouvernement
fût disposé à agir d'après lesréclamationsdu Congrès
en faveur de l'enseignement bilingue, Ilme
fitobservertout de suite qu'il craignait
que mes
informations fussent incomplètes. Il ditqu'un
inspec-teur anglaisdesécolesdu nom
de Sullivan, àWindsor,
avait étéaverti, ily
a quelque temps, de discontinuerl'inspection de certaines écolesdans
lecomté
d'Essex ; et que,quoique
qu'ilne
sût pasque
son successeur fut de faitnommé, on
lui a ditqu'un
certainChenay
seraitprobablement
à saplace. Jene
suispas sûrque Chaney
est lenom, mais
c'est quelquenom
terminé en haney,
ou
qui seprononce comme
terminéen
haney. Il ditque Chaney,
bienqu'un
citoyen infiniment respectable,un homme
qu'il a rencontré et qu'il connaît et qu'il étaitheureux de
rencontrer, seraitsimplement une
farcecomme
inspecteurde
ces écolesetque dans une
visiteau comté
d'Essex, lasemaine
dernière, quelques-uns des maîtres de ces écolesque
Sullivan avait inspectées etoù
l'inspecteur bilingue doit succéder à Sullivan, se présentèrent à lui : ils étaientgrandement
affligés à la pensée d'un inspecteur français imposant,comme
il le ferait certainement, l'enseignementdu
français, s'il étaitnommé
pour
inspecter ces écoles. Alors il ajouta de plus que, bien qu'ilne pût y
croire, larumeur
maintenait qu'à
Ottawa
etdans
les environs certains certificats accordés à des instituteurs par la province deQuébec
seraient \Taisemblablement acceptéscomme
valides par ledé-partement
de l'Education àOttawa. A
cela, je l'avoue, jene
savaisrien.Toute
sonattitude n'est pas celle d'un ennemi,mais
ilne
faut pas s'ytromper, c'estun homme
d'un caractèreextrêmement
énergique, et ila
cette question très à cœur, et je— 36 —
ne
puis croirequ'une
chose, c'est que, quoiqu'il arrive, sous ce rapport, ily mettra
tout son appuiou
s'y opposeradans
tout son diocèse.Il rejette avec mépris l'idée
que
l'on doive enseigneraux
enfants leur languemater-nelle en
même temps que
la langue de l'école. Il paraît convaincuque
les enfants qui sont obligés d'apprendre l'anglaisdans
leurs cours et leurs jeux, qui n'entendent rienque
l'anglais
dans
les écoles,apprendront
la languedans deux ou
trois mois, etque
toute autreméthode
est contraire à l'intérêt des enfants.Toute
son attitudeme
laisse libre d'écrire cemémoire
sansmanquer au
secret,vu
qu'iln'y avait rien de personnel
ou
de confidentieldans
cette discussion ; et il ajoutaque
bien qu'il veuille faire tous ses effortspour
atteindre sa fin sans brusquer, il étaitcepen-dant
prêt à faire connaître ses vuespubliquement dans
tout le diocèse, si l'occasion le rendait nécessaire.Je suppose
que vous
et SirJames
(Whitney,Premier
Ministre d'Ontario),vous
serezheureux
d'apprendrecombien
cette question lui tient à cœur, et voilà pourquoi j'ex-pédieune
copie de cette lettre à Sir James.Bien
à vous.(Signe)
W.
J.Hanna.
mm
Dans le document
La situation religieuse
(Page 38-44)