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Dans le cadre de son programme de développement des colonies, Louis XIV fait envoyer 82 chevaux en Nouvelle-France entre 1665 et 167159. S'il a par la suite existé un commerce

avec les colonies anglaises sous le régime français, celui-ci demeure limité60 ; aussi la

grande majorité des 14 000 équidés61 présents dans la vallée du Saint-Laurent au moment

de la Conquête provient-elle des bêtes importées avant 1700. Il se forme ainsi un nouveau type chevalin entre les premiers arrivages de 1665 et la passation de la colonie aux mains des Britanniques un siècle plus tard. L'arrivée de ces nouveaux maîtres déclenche alors une série de changements au sein du cheptel équin local.

Comment la présence britannique a-t-elle influencé l'évolution du cheptel équin dans la vallée du Saint-Laurent entre 1760 et 1850? La transformation s'est effectuée en deux temps et deux mouvements intimement reliés.

D'abord, le cheptel a subi des modifications par l'altération de sa composition d'origine, ainsi que par l'apport de nouveaux éléments ; ces deux phénomènes ont été principalement provoqués par l'ouverture officielle des frontières avec les colonies du Sud, et le début d'un commerce significatif avec ces dernières62. Des quantités importantes de chevaux sortent de

59 Bernier, op.cit., p.30.

60 Louise Dechêne soutient que des Anglais auraient profité des quelques années de paix que connut la Nouvelle-France au tournant du XVIIIe siècle pour y introduire des chevaux venus d'autres colonies. Cela demeure toutefois difficile à vérifier, aucune source ne venant recouper cette information. L'historienne élabore pour sa part son raisonnement à partir d'une lettre de Champigny au ministre datée du 26 mai 1699, dans laquelle l'intendant prétend que ce commerce aurait reçu l'assentiment de de Callière, alors gouverneur de Montréal, voir Le Peuple, l'Etat et la Guerre au Canada sous le Régime français, p.214. D'après les données que Bernier tire des recensements de Nouvelle-France (Le cheval Canadien, p.33), le nombre de chevaux dans la colonie s'élève à seulement 145 en 1691, alors qu'il atteint 2000 trois décennies plus tard, en

1721, montrant effectivement un accroissement plus rapide en temps de paix. Cette hausse peut cependant être due aussi bien à la tenue d'un certain commerce durant la période pacifique qu'à une sur-utilisation des chevaux en temps de guerre (ralentissant ainsi la reproduction). De toute façon, la composition exacte du cheptel équin colonial avant 1760 prend ici peu d'importance puisqu'il demeure possible de dégager un portrait cohérent du cheval local (lequel se retrouve au point 1.2 de ce mémoire) d'après les descriptions faites par les témoins de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle, lesquelles s'avèrent suffisamment unanimes pour être attribuées à un type chevalin défini et reconnaissable.

61 Les ânes et les mulets ne se rencontrent que très rarement dans la vallée du Saint-Laurent, tant sous le régime français que sous le régime britannique. Aussi, le terme « équidé » désigne ici uniquement les chevaux.

62 Les arrivants britanniques les mieux nantis apportent quelques bêtes d'outremer, mais les importations en provenance du Sud, et les exportations de la colonie en général, demeurent les principaux facteurs de changement.

la vallée du Saint-Laurent alors que plusieurs bêtes y sont introduites63, de telle sorte que le

type d'origine s'en voit modifié.

Cette transformation non organisée du cheptel équin colonial provoque puis stimule une réflexion quant aux besoins de la colonie et à la direction à prendre en termes d'agriculture et d'élevage, de même qu'un nouveau désir de structuration. Sur le terrain, la détérioration du type d'origine peut passer inaperçue pour les observateurs non avertis. Cependant, les spécialistes coloniaux de l'agriculture et de l'élevage constatent le déclin du cheval local dès les années 1830, et s'en inquiètent suffisamment pour commencer à chercher des solutions pour le contrer. Tout au long de ce processus de prise de contrôle sur les modifications du cheptel équin, ces spécialistes s'inspirent largement des lignes de pensée et des connaissances de la nation britannique, particulièrement en avance dans ces domaines pour la période64.

1.1 Le cheptel équin dans la vallée du Saint-Laurent : aspects quantitatifs

Avant de déterminer les implications de l'ouverture des frontières et de la réflexion sur l'élevage, il convient de dresser un portrait global et général du cheptel équin de la vallée du Saint-Laurent pour la période. Les tableaux inclus dans la version imprimée des recensements agrégés du Canada de 1870-1871 permet d'obtenir une vue d'ensemble de la situation certes incomplète, mais néanmoins pertinente.

La liste des lacunes des recensements en tant que source pour l'étude du XVIIIe et du XIXe

siècle apparaît particulièrement longue. D'abord, les recensements agrégés de 1762 et 176565, de même que celui de 1851 ne permettent pas de déterminer le nombre exact de

chevaux pour l'ensemble de la colonie, car les bêtes ne sont pas recensées pour les villes de

63 Les Journaux de la Chambre d'assemblée du Bas-Canada laissent notamment entrevoir l'ampleur de ce commerce.

64 Ces préoccupations ainsi que la crédibilité des autorités britanniques dans le domaine sont très nettement perceptibles dans les différents traités d'agriculture qui paraissent dès les années 1830 (Evans, Girod, Perrault) de même que dans le Rapport du comité spécial sur le rapport de la société d'agriculture du Bas- Canada, publié en 1850.

Québec et Montréal -ils incluent cependant Trois-Rivières. Il demeure possible d'établir un rapport chevauxmabitant puisque la population humaine totale sans les deux principales agglomérations a aussi été isolée. L'obstacle principal que présente cette situation réside dans le fait que pour les autres années considérées (1784, 1831, 1844), les données concernant les centres urbains ont été fondues avec les autres. Malgré tout, une courbe de l'évolution générale du cheptel équin dans la colonie peut être tracée à partir de ces informations, laquelle s'avère particulièrement intéressante une fois mise en rapport avec celle de la population.

Graphique 1. Évolution du cheptel équin dans la vallée du Saint-Laurent, 1765-1851 1000000 900000 800000 700000 600000 500000 400000 300000 200000 100000 0 1760 1780 1800 1820 1840 1860 ■ Population • Population extérieure

aux villes de Québec et Montréal

1 Chevaux

' Chevaux à l'extérieur des villes de Québec et Montréal

Source : Recensement du Canada, 1870-1871

Tableau 1. Le cheptel équin de la vallée du Saint-Laurent, 1765-1851 66

1765 1784 1831 1844 1851 Population 69 810 (55 110) 113 012 553 134 697 084 890 261 (790 494) Chevaux (13 488) 30 146 116 686 146 726 (148 620) Chevaux / habitant (0,24) 0,27 0,21 0,21 (0,17)

Source : Recensement du Canada, 1870-1871

66

Graphique 2. Évolution du rapport chevaux/habitant dans la vallée du Saint-Laurent, 1765-1851 o.i 0.05 0 •Chevaux/ habitant ' Chevaux / habitant à l'extérieur des villes de Québec et Montréal 1760 1780 1800 1820 1840 1860

Source : Recensement du Canada, 1870-1871

En 1765, la vallée du Saint-Laurent compte 55 110 habitants et 13 488 chevaux à l'extérieur des villes de Québec et Montréal, alors qu'en 1851 les 790 494 habitants de la colonie disposent de 148 620 chevaux, toujours en excluant les deux cités. Le rapport passe de 0,24 à 0,17 cheval par habitant ; le cheptel équin continue donc d'augmenter tout au long de la période, mais moins rapidement que la population.

Tableau 2. Rapport chevaux/habitant pour les trois districts comparés en 1765 et 185167 1765 1851 Québec (0,19) (0,17) Trois-Rivières 0,25 0,2 Montréal (0,32) (0,2) Ensemble de la colonie (0,24) (0,17)

Source : Recensement du Canada, 1870-1871

Le district de Québec présente en 1765 un rapport chevauxmabitant nettement inférieur à celui de Trois-Rivières, et plus encore à celui de Montréal. Cet écart entre districts peut s'expliquer par les saisies effectuées durant la guerre de Conquête. Dans son dernier ouvrage, Louise Dechêne affirme que l'armée commence à réquisitionner des bœufs et des chevaux auprès des paysans dès 1757, afin de nourrir ses hommes. Deux à trois ans plus tard, les saisies augmentent considérablement. « À la nourriture des troupes s'ajoute alors la demande de bêtes de trait pour l'artillerie et les autres besoins de l'armée et celle de montures pour les unités de cavalerie. Le prélèvement sur le cheptel paysan est si important que plusieurs craignent pour la survie des espèces »68. Ces confiscations débutent à Québec

mais s'étendent rapidement jusqu'à Trois-Rivières. Le capitaine de La Naudière a pour ordre de prendre tout le bétail qu'il trouve dans l'ensemble de cette région, à l'exception d'un animal de trait et d'une vache par deux habitations. Dechêne affirme cependant que des « levées considérables ont aussi lieu dans le gouvernement de Montréal à partir de l'automne 1759 »69. Enfin, les troupes de Wolfe se seraient livrées à du pillage au moment

de leur arrivée, laissant très peu de bétail aux habitants .

Même si l'ensemble du cheptel équin a diminué durant la guerre de Conquête, il apparaît que les trois districts n'ont pas été touchés de la même façon. Davantage éprouvée par la guerre, Québec présente en 1765 un rapport chevaux/habitant nettement en dessous de la moyenne coloniale. Apparemment moins affecté, le cheptel de Trois-Rivières marque tout de même un léger manque à gagner sur celui de Montréal. De façon générale, le nombre de chevaux présents dans la vallée du Saint-Laurent augmente tranquillement jusqu'à la fin de la période, alors que le rapport chevaux/habitant diminue.

L'étude de localités spécifiques révèle un rapport chevaux/habitant plus élevé, mais dont l'évolution correspond à la tendance générale de l'ensemble de la colonie. Les tableaux suivants montrent qu'entre 1765 et 1851, six localités du district de Montréal ont vu leur

68 Dechêne, op.cit., p.352. 69 lbid., p.353.

population et leur cheptel équin augmenter, mais à un rythme différent, qui fait diminuer le

71

rapport chevaux/habitant .

Graphique 3. Cheptel équin dans six localités du district de Montréal, 1765-1851

1765 Chevaux / habitant 1851 Chevaux / habitant

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Source : Recensement du Canada, 1870-1871

Tableau 3. Population et cheptel équin dans six localités du district de Montréal en 1765

Boucherville

(Chambly) (Verchères) Varennes Contrecœur (Verchères) (Verchères) St-Antoine (Richelieu) St-Denis (Richelieu) St-Charles

Population 749 1063 360 294 312 465

Chevaux 256 411 124 107 116 164

Chevaux /

habitant 0,34 0,39 0,34 0,36 0,37 0,35

Source : Recensement du Canada, 1870-1871

Tableau 4. Population et cheptel équin dans six localités du district de Montréal en 1851 Boucherville (Chambly) Varennes (Verchères) Contrecœur (Verchères) St-Antoine

(Verchères) (Richelieu) St-Denis (Richelieu) St-Charles

Population 2764 3300 1555 1784 3260 1624

Chevaux 900 1223 432 765 969 476

Chevaux/

habitant 0,33 0,37 0,28 0,43 0,30 0,29

Source : Recensement du Canada, 1870-1871

Pourquoi les habitants d'une colonie en plein essor possèdent-ils de moins en moins de chevaux, animaux si utiles dans de nombreux aspects du développement? Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène, et la réponse réside sans doute dans la combinaison de nombreux éléments. Le lent mais certain mouvement vers les centre urbains et les agglomérations en milieu rural72 est probablement l'un d'eux. Indispensable aux

déplacements dans la vaste campagne, le cheval n'est plus absolument nécessaire en ville ou même dans un gros village. Malgré cela, la moyenne d'équidés par habitant dans la vallée du Saint-Laurent demeure plus élevée que dans les pays européens pour la période73.

Tous et chacun ne disposent pas d'une bête pour leur usage personnel, mais à la campagne, par exemple, la plupart des familles en possède une.

L'immigration en proven,ance des îles britanniques74 peut aussi jouer un rôle dans la

diminution du rapport chevaux/habitant pour les dernières années de la période. Si le cheptel équin des districts de Québec et de Trois-Rivières se stabilise entre 1831 et 1851, celui du district de Montréal enregistre une baisse certaine. Or, les comtés nouvellement créés entre Montréal et la frontière avec les États-Unis présentent eux aussi un rapport chevaux/habitant réduit. En effet, si dans les vieux comtés canadiens de Verchères, Richelieu, Chambly et Saint-Hyacinthe, le rapport chevaux/habitant apparaît élevé et plutôt stable, sur les fronts pionniers de Stanstead, Sheffbrd et Sherbrooke, il s'avère généralement moindre en 1844 (mais en hausse jusqu'en 1851).

72 Brian Young et John A. Dickinson, Brève histoire socio-économique du Québec, Sillery, Les éditions du Septentrion, 2003 (1995, 1988), p.181.

73 « Agricultural Statistics of France and England », p.221. 74 Young et Dickinson, op.cit., p. 183.

Tableau 5. Population canadienne et cheptel équin entre Montréal et la frontière sud (1844)

Stanstead Shefford Sherbrooke Verchères Richelieu Chambly St-Hyacinthe Population d'origine canadienne 636 5,29% 28,47% 2 889 1295 9,54% 99,57% 13 203 94,09% 19 999 90,73% 15 564 21459 97,65% Chevaux/ habitant 0,24 0,18 0,18 0,4 0,24 0,34 0,27

Source : Recensement du Canada, 1870-1871

Tableau 6. Population canadienne et cheptel équin entre Montréal et la frontière sud (1851)

Stanstead Shefford Sherbrooke Verchères Richelieu Chambly St-Hyacinthe Population d'origine canadienne 1292 9,3% 44,23% 7 290 3017 15,07% 99,62% 14 339 95,95% 24 645 88,88% 18 287 96,68% 29 605 Chevaux/ habitant 0,3 0,18 0,2 0,39 0,23 0,36 0,26

Source : Recensement du Canada, 1870-1871

Les Canadiens bien implantés sur les vieux fronts pionniers disposent d'un cheptel équin déjà établi, qui se régénère sans trop d'efforts, et surtout sans investissement monétaire majeur. Les nouveaux arrivants, vraisemblablement peu fortunés pour la majorité, ne possèdent pas tous déjà du bétail au moment de s'installer ; ils n'ont pour la plupart apporté avec eux que le minimum75. Ils peuvent éventuellement se procurer des chevaux, quelques

mois ou quelques années après leur établissement dans la colonie.

D'un point de vue strictement quantitatif, l'influence de la présence britannique sur le cours de l'évolution du cheptel équin dans la vallée du Saint-Laurent demeure limitée, du moins jusqu'au milieu du XIXe siècle. La guerre de Conquête et l'arrivée de nouveaux colons a

certes ponctué le développement du cheptel de quelques baisses notables, mais sans

discontinuer son évolution générale. De même, cette période de prémisses de la mécanisation liée l'industrialisation n'exige pas encore la traction chevaline de manière massive. Entre 1760 et 1850, le nombre de chevaux dans la vallée du Saint-Laurent continue d'augmenter à un rythme plus ou moins régulier, tandis que la présence britannique contribue à changer tranquillement la composition de ce cheptel autrefois presque uniforme.

1.2 Une définition des chevaux du pays ou la question de la race

Des changements subtils s'opèrent à l'intérieur du cheptel colonial au cours des premières décennies du régime britannique. Les nouveaux mouvements migratoires encouragés par le changement de régime et l'ouverture des frontières exercent une légère pression sur la population chevaline. Plus encore, l'apparition d'un véritable commerce avec les colonies du Sud entraîne immanquablement une modification du cheval local.

Cependant, ces changements restent difficiles à cerner à partir de sources telles que les romans ou les récits de voyage, car la notion de « race » n'est pas en vogue à l'époque ; on préfère parler de type, d'origine, ou simplement décrire la bête. Par exemple, dans un article de Sportsman's Mag repris par Agricultural journal and transactions ofthe Lower Canada Agricultural Society, l'auteur décrit en détails les traits de caractère et de physionomie d'une race particulière, mais sans jamais la nommer. Il se contente du terme « cheval de trait lourd de Londres »76, qui renseigne sur le type, l'utilité et l'origine de

l'animal. De façon plus générale, on utilise parfois de manière entendue un jargon difficile à définir aujourd'hui. Par exemple, le terme « guevalle » désigne habituellement une bête d'origine canadienne, alors qu'un « jack » signifie normalement un cheval américain77.

76 Sportsman's Mag, « The London Dray and Cart Horse », Agricultural journal and transactions of the Lower Canada Agricultural Society, vol. 1, no 1 (janvier 1848), p. 15. Journaux, microfiche ICMH no 8 0 4 8 8 0 1 du document original appartenant à University of British Columbia University, Special Collections Division, Vancouver. Consulté sur NML.

D'autres se sont vus confrontés au même obstacle au moment de se pencher sur la question des races de chevaux avant le milieu du XIXe siècle. Margaret Deny a pu le constater lors

de ses recherches sur les trotteurs et ambleurs d'Amérique du Nord : « A second critical différence in North American light-horse breeding, when compared with the breeding ofthe Thoroughbred in Britain, was the emphasis on 'type' and 'line,' over that of 'breed.' No pedigree system, for example, existed for the animals. The ideas of 'blood' and purity were also absent in the production of these early nineteenth-century North American trotter/pacers » .

Si dès les années 1830 des auteurs tels que William Evans (Traité sur la théorie et la pratique de l'agriculture), Amury Girod (Conversations sur l'agriculture) et Joseph

Perrault (Traité d'agriculture pratique) utilisent le mot « race » dans leurs écrits, celui-ci ne revêt pas toujours le même sens. Par exemple, pour Evans un animal de race est avant tout celui qui détient les qualités d'un bon reproducteur, alors que Perrault confère au mot un sens plus spécifique -pour lui, « la race du cheval Canadien » désigne déjà un animal bien précis. En 1850 (notamment dans le Rapport du comité spécial sur l'état de l'agriculture au Bas-Canada), le terme se voit déjà beaucoup plus systématiquement utilisé dans le sens moderne qui implique une notion de lignage. Cependant, aucun livre de généalogie n'est encore gardé dans la colonie pour authentifier la race chevaline canadienne79.

1.2.1 Le cheval Canadien à travers le regard des témoins (1749-1846)

Le cheval Canadien fait pourtant l'objet de témoignages cohérents qui ne permettent pas de douter de la régularité morphologique des bêtes qualifiées de « canadiennes ». Même sous l'effet du commerce qui débute à l'ouverture des frontières coloniales, le type s'altère assez lentement pour que de nombreux voyageurs en fassent encore mention vers la fin de la

78 Margaret E. Deny, Horses in Society : A Story of Animal Breeding and Marketing, 1800-1920, Toronto, University of Toronto Press, 2006, p.33.

79 Les premiers livres de généalogie du cheval Canadien ne sont ouverts qu'en 1889, voir Bernier, Le cheval Canadien, pl28. Par ailleurs, étant donné que pour la période plusieurs gens du commun ou spécialistes préfèrent encore parler de « type » plutôt que de « race », nous nous en tiendrons ici à l'expression « type » pour désigner le cheval local de la vallée du Saint-Laurent jusqu'en 1850.

période, et en donnent une description qui correspond à celle effectuée par les témoins des dernières décennies du XVIIIe siècle. Dès 1749, Pehr Kalm mentionne en parlant des

chevaux que la « race qui existe au Canada est belle et puissante, bien bâtie et rapide » . Le naturaliste y voit bel et bien une race à part ; la description qu'il en fait est maintes fois reprise par les témoins ultérieurs.

Vers la fin du XVIIIe siècle, Mrs Simcoe apprécie particulièrement la prudence et l'agilité

dont fait preuve son « cheval du pays », lequel lui permet de se déplacer avec plus de confiance sur les terrains malaisés de la colonie : « It is certainly necessary to have a Horse of the Country to pass the Bridges we every where met with, whether across the creeks (very small rivers) or swamps a lA of a mile long. [...] The horse I am now riding had once a

81

fall thro' an old bridge. He now goes very carefully » . Au cours des années 1790, Isaac Weld s'étonne pour sa part de la résistance des chevaux locaux aux conditions climatiques difficiles : « It is surprising to see how well the Canadian horses support the cold ; after standing for hours together in the open air at a time when spirits will freeze, they set off as alertly as if it were summer »82. Il précise que les bêtes, bien que « petites et lourdes », se

montrent « extrêmement utiles »83.

En 180584, George Herriot émet des commentaires allant dans le même sens, lesquels

résument bien l'opinion générale des voyageurs de la période : « The horses are of the Norman breed, and are rather small, but stout85, hardy, fleet86, and well calculated for draft.

Notwithstanding the little care that is bestowed of them, and the ill treatment which many

80 Jacques Rousseau et Guy Béthune, Voyage de Pehr Kalm au Canada en 1749, Montréal, Pierre Tisseyre, 1977,p.483.

81 Mary Quayle Innis, Mrs. Simcoe's Diary, Toronto, MacMillan of Canada, 1965, p.68-69.

82 Isaac Weld, Travels through the states of North America, and the provinces of Upper and Lower Canada,

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