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CHAPIT RE 2 LES IDENT ITÉS MUSICALES DANS L’ESPACE SOCIAL RÉUNIO NNAIS : LES CAS DU SÉ GA, DU MALOYA ET DE

LA MUSI QUE MALBAR

Quand je parle d’ « identités musicales », je fais référence, entre autres, aux diverses expressions musicales qui caractérisent la musique réunionnaise. Dans ce chapitre, il ne sera question que de trois d’entre elles1 : le maloya, le séga et la musique malbar. Sans anticiper sur

ce qui sera développé plus loin, le maloya et le séga sont deux genres qui relèvent de la scène musicale créole réunionnaise, tandis que la musique malbar est une pratique rituelle relative à l’espace privé de l’hindouisme malbar – espace encore défini comme étant celui de la

malbarité2, néologisme formé à partir du terme « malbar » et se rapportant à l’univers culturel malbar et notamment aux traditions religieuses de cet univers. C’est de ce contexte précis que

provient entre autres le tambour malbar. Seuls ces trois espaces musicaux seront retenus ici dans la mesure où c’est précisément à ces niveaux que se situent les passages du tambour

malbar – ainsi que d’autres instruments de la musique malbar – d’un univers musical (le sien)

à un autre (celui de la musique créole). Considérées comme des sous-ensembles de la musique locale ayant chacune leur identité respective, ces musiques qu’on peut aussi qualifier de « micro-locales » contribuent ainsi à la définition de ce qui est aujourd’hui perçu, dans son ensemble, comme la musique réunionnaise.

La musique réunionnaise est à l’image de la société créole dans laquelle elle se développe, c’est- à-dire mouvante et en transformation permanente. Afin de comprendre le contexte dans lequel la pratique du tambour malbar s’inscrit aujourd’hui, il semble important de le décrire au préalable. Après avoir présenté l’espace social réunionnais dans lequel évolue la musique du

tambour malbar, je commencerai par faire un point sur chacune de ces trois identités musicales

réunionnaises ; il s’agit de situer d’abord les pratiques musicales créoles dans l’espace social réunionnais, avant de voir comment s’articule la relation du tambour malbar à ces musiques. C’est par ailleurs dans un contexte identitaire caractérisé par deux tendances opposées mais

1 Pour ne prendre que quelques exemples d’autres expressions musicales réunionnaises, citons la romance, le

quadrille (séga dansé), le fonnker (slam créole), la musique rituelle du servis kabaré (services religieux malgaches), le moringue (danse rituelle de combat d’origine africaine), la musique rituelle chinoise (musique tambourinée de la danse du dragon), etc. Pour un aperçu des différents courants musicaux réunionnais, se reporter à Desrosiers (1992, 1996), Desroches & Samson (2002), Samson (2006), Samson, Lagarde & Marimoutou (2008), Lagarde (2012).

2 Selon Monique Desroches (2000), « la mise en valeur de la malbarité » s’exprime par « la conservation et la

valorisation d'un patrimoine tamoul réunionnais » où « l’expression religieuse et musicale […] s’inscrit dans la continuité des origines populaires indiennes […] ». Aussi le tambour malbar est-il « un des symboles forts, non seulement de ce mouvement socioculturel, mais aussi d’une forme de revendication identitaire du groupe malbar à la Réunion » (ibid. : 15).

complémentaires – celles du vécu créole et du retour aux sources – que le tambour malbar s’envisage aujourd’hui à La Réunion ; après avoir abordé la quête d’une identité créole de la musique par les artistes locaux (première tendance), j’aborderai ensuite celle de l’identité d’origine3 d’une de ces musiques micro-locales, le maloya (seconde tendance). Enfin, je

présenterai quelques-unes des différentes raisons pour lesquelles le tambour malbar s’inscrit aujourd’hui au sein des musiques créoles, selon l’approche que les informateurs ont eux-mêmes de leur propre pratique et en regard des discours identitaires produits autour de cet instrument de musique à La Réunion. À cet égard et pour conclure, j’aborderai l’intégration du tambour

malbar au sein des espaces musicaux créoles en termes d’ethnicité, approche que cette situation

de passage entre les deux contextes malbar et créole met par ailleurs en avant. Ce faisant, ce deuxième chapitre sera également l’occasion de montrer que le tambour malbar est envisagé comme une pratique symbolique en perpétuel réajustement notamment à travers les discours qui entourent ses usages dans l’espace social réunionnais.

2. 1. L es id en ti tés mus ical es réunionn ais es dans l ’espace s oci al

La population réunionnaise actuelle est formée des apports de différentes cultures venues par vagues successives depuis la colonisation de l’île au XVIIe siècle (cf. chap. 1). De nos jours, il est commun de ramener les « origines ethniques » des Réunionnais à quelques grands groupes dont on peut faire grossièrement la liste suivante : les Blancs (Réunionnais d’origine française et/ou européenne descendants de colons propriétaires de grandes exploitations ayant prospéré (dits Gros-blancs) ou de colons propriétaires de petites exploitations ayant fait faillite (dits Petits-blancs ou Yab) ; les Kaf (Réunionnais d’origine africaine et malgache (dits aussi Malgas’) mais aussi comorienne, descendants des populations asservies puis engagées) ; les Malbar (Réunionnais d’origine indienne hindoue descendants essentiellement des populations engagées) ; les Chinois (Réunionnais d’origine chinoise descendants des populations engagées puis de commerçants) ; et les Zarab (Réunionnais d’origine indienne musulmane descendants principalement de commerçants) (Prudhomme, 1982). À ceux-là s’ajoutent les groupes d’arrivée plus récente tels que des Français (dits Zoreil), des Indiens (notamment de Pondichéry et de Madagascar, dits, dans ce dernier cas, Karan’), des Malgaches, des Comoriens et des Mahorais (dits Komor) venus s’installer dans l’île aux

3 La notion d’origine telle qu’employée ici fait référence aux racines de la musique réunionnaise en général, et à

XXe et XXIe siècles. Si les frontières entre ces différents groupes sont plus symboliques que physiques, la population réunionnaise offre un cadre d’étude dans lequel « se produisent des contacts culturels dont on devine la complexité devant un paysage ethnique aussi varié ». « Véritable microcosme, mosaïque ethnique, la Réunion peut être considérée à juste titre comme un lieu d’observation exceptionnel du choc des cultures parmi des populations transplantées » (Prudhomme, op. cit. : 73).

L’identité réunionnaise se pense donc au travers d’une diversité culturelle qui trouve une certaine unité dans le sentiment de créolité qui se dégage du quotidien des Réunionnais4 ; en effet, « la diversité s’inscrit ainsi dans un continuum culturel » qui « relie les différents secteurs de la société, quelle que soit la conscience subsistante de l’origine des différents traits » (Bonniol, 2013 : 265-266). Le partage d’une même langue créole renforce par ailleurs ce sentiment. Jean-Luc Bonniol remarque par ailleurs que lorsque « le fait créole » se revêt d’une « dimension identitaire », c’est d’abord par « un attachement au territoire » qu’il se traduit, soit, écrit-il, par « l’affirmation d’un principe d’autochtonie » qui résulte alors de cet attachement et qui conduit à une certaine expression de « solidarités » se construisant non pas sur la base des origines, mais bien plutôt sur celle « des naissances locales » (ibid. : 245). Si ce constat relève d’une généralité, un cas particulier mérite d’être cité dans la mesure où il intéresse directement notre étude sur le tambour malbar. En effet, ainsi que l’explique Christian Ghasarian (2012), avoir la langue créole en commun ne fait pas pour autant de tous les Réunionnais des Créoles :

Pour les Réunionnais à l’origine ethnique évidente et aux pratiques culturelles ancestrales relativement maintenues – bien qu’adaptées –, « parler créole » ne signifie par exemple aucunement « être Créole ». Ces Réunionnais à l’ascendance ethnique (strictement ou relativement) endogame, non ou très peu métissés comme les originaires de l’Inde, ont en effet ordinairement utilisé le terme « créole » pour désigner la langue, bien sûr, mais aussi, en termes identitaires, les Réunionnais blancs de peau… uniquement. Pour eux, en la matière, représentations, discours et pratiques concordent car en aucun cas ils ne se désignent (et ceci encore aujourd’hui) comme « Créoles » (ibid. : 91-92).

4 Ce constat ne s’applique pas aux groupes d’arrivée plus récente. Cela dit, les enfants de ceux qui, depuis un

certain temps, sont installés dans l’île et qui parlent créole, peuvent se sentir concernés par cette créolité – comme par exemple dans le cas des Mahorais. Les Français métissés aux Réunionnais et parlant créole sont par ailleurs appelés Zoréol voire « Créopolitain » (néologismes respectivement formés à partir de la contraction entre Zoreil et Créole, et de la contraction entre Créole et Métropolitain, mais peu usités à La Réunion).

Le continuum créole tel qu’il s’établit à La Réunion est donc à nuancer ; si le groupe ethnoculturel malbar (et cela vaut aussi pour les Zarab5) est, dans la pratique, totalement intégré

à l’espace social réunionnais, en théorie, il se conçoit – lui, et de ce fait, ses héritages culturels – comme relevant en même temps d’un espace à part. Dans leur ensemble, les Malbar comme les autres Réunionnais sont liés les uns aux autres par le vécu d’une expérience commune au quotidien, à travers la langue, la cuisine, l’habitat ou encore les loisirs comme aller au cinéma ou à la fête commerciale. Le statut français du département d’outre-mer contribue pour sa part également aux rassemblements des Réunionnais par exemple dans le cadre des établissements scolaires, lors de la célébration des fêtes nationales ou encore pendant les mouvements de grève syndicale qui prônent la défense des intérêts communs. Si les Réunionnais sont liés entre eux par le présent, ils le sont également par leur passé ; ils ont en effet une histoire commune, marquée par « l’expérience originelle de déracinements, sous forme d’émigration, de traite, ou d’engagisme » (Prudhomme, 2009) ; une histoire commune, certes, mais qui les pousse néanmoins à chercher un « ré-enracinement » que la religion sera, entre autres, à même de satisfaire (ibid. : 25). La culture religieuse propre à chaque Réunionnais est donc un de ces espaces identitaires parallèles dans lequel l’individu peut évoluer, en marge donc de l’espace collectif créole.

Si l’étude du tambour malbar ne peut se faire sans une prise en compte du phénomène religieux avec lequel et en parallèle duquel il se développe (cette considération sera abordée dans le chapitre 4), elle doit également être envisagée en rapport aux autres musiques réunionnaises, et notamment celles de l’espace créole, telles qu’elles se pratiquent et se véhiculent à La Réunion. Comme dit ci-avant, le contexte identitaire de la musique créole, et plus précisément celui du

maloya, se caractérise par une double tendance : d’un côté, certaines formes d’expression de la

musique réunionnaise – comme le séga et le maloya – tendent à opérer une sorte de synthèse culturelle en tentant de prendre en compte le maximum de musiques micro-locales – dont celle du tambour malbar – dans leur projet identitaire créole ; d’un autre côté, certaines musiques réunionnaises comme le maloya se mettent, comme tant d’autres expressions culturelles micro- locales telles que la langue, la cuisine, le vêtement, la religion ou l’art en général, en quête de leur identité culturelle d’origine. La première tendance se caractérise donc par cette quête

5 En effet, les Zarab sont l’un de ces groupes ethnoculturels de La Réunion qui manifeste le plus sa particularité

ethnique (par les vêtements, la religion et parfois la langue) dans le paysage social réunionnais. Si la jeune génération parle créole, certaines personnes âgées s’expriment encore en Gujarati et ne se considèrent, de ce fait, pas comme Créoles.

constante de l’identité créole de la musique réunionnaise, et la seconde, par une quête de l’identité d’origine de la musique telle que perçue par les musiciens eux-mêmes. Ainsi que le précisent Monique Desroches et Guillaume Samson (2002), le maloya est celui des genres musicaux qui interroge « beaucoup plus clairement la place à accorder aux racines africaines et malgaches d’une partie de la population créole ». En effet,

le format « traditionnel » du maloya, marqué par les instruments acoustiques (tambour, hochet, idiophones), la posture et la gestuelle des danseurs, le timbre vocal nasillard et la structure du chant en alternance appel/réponse évoquaient explicitement la mémoire de l’esclavage et de l’Afrique. Dans cette foulée, la pratique du maloya cadrait bien davantage avec le projet de légitimation culturelle (ibid. : 21).

Notons que dans ce dernier cas de figure, il ne peut s’agir que de ce que Monique Desroches (1996), se référant à la terminologie de Linton (1943), qualifie de revivalistic nativistic

movement, (revitalisation d’une pratique d’origine) dans la mesure où cette tendance survient

suite à « une interruption ou un arrêt temporaire de la pratique d’une tradition pour connaître ensuite une renaissance, avec un pouvoir souvent accru, de celle-ci » ; en ce sens, elle s’oppose au « perpetuative nativistic movement (continuation d’une pratique d’origine) au sens de l’anthropologue Linton » (Desroches, 1996 : 50-51).

Le séga et le maloya sont les genres musicaux les plus emblématiques de la musique réunionnaise en termes de visibilité et de productivité6. Ils sont immédiatement disponibles au

grand public du fait du caractère public et scénique de leurs manifestations (concerts live, CDs, radiodiffusion, clips télévisés, etc.). Pour autant, la musique telle que pratiquée à La Réunion dans les salons bourgeois créoles du XVIIIe siècle ne fait mention que du séga, un terme d’origine swahilie signifiant « relever, retrousser ses habits ». Sandrine Barège et Fabienne Jonca (2012) précisent en effet que le « séga des origines », qui « se caractérise par l’usage exclusif de percussions et de chant en créole » et qui est « décrit dans les documents anciens », correspond en fait « à ce que l’on nomme aujourd’hui maloya ». Elles expliquent :

Au XVIIIème siècle, dans les soirées [données] par les riches colons, les musiciens recrutés parmi les noirs libres ou esclaves qu’on nomme jouars, jouent des airs et danses

6 Il n’est que de considérer la profusion des sous-genres musicaux qui en dérivent, tels que le seggae, le maloggae,

venus de la vieille Europe. À la fin du XIXème siècle, le quadrille créole [danse de salon dérivant des contredanses françaises du XVIIIe siècle] se mélange au séga des origines pour donner lieu à une danse avec un rythme créole, des mélodies et des instruments (violon, triangle) issus de la tradition musicale européenne. Le terme séga est alors récupéré par la bourgeoisie locale (ibid. : 33).

Le « séga des origines » a donc donné naissance à deux genres musicaux distincts : le maloya, qui reste fidèle aux caractéristiques musicales en usage au XVIIIe siècle (usage exclusif de percussions et chant en créole), et le séga, qui évolue en se mélangeant au quadrille créole au XIXe siècle (danse avec rythmes créoles et mélodies et instruments d’origine occidentale). Bien que possédant une part africaine, le séga est aujourd’hui volontiers considéré par la population locale comme une « musique blanche » au contraire du maloya qui reste plus proche des modes d’expression africains. Ces deux musiques s’opposent encore dans leurs répertoires de chant qui, pour le séga, traitent, dans un registre léger, comique ou romantique, en créole ou en français, des thèmes du commérage, de la relation de couple, de l’amour et de la douceur de vivre à la créole – au contraire du maloya dont les thématiques des chansons, en langue créole parfois approximative, souvent plaintives et tristes, traitent de la souffrance, de l’exil, des dures conditions de vie et de l’espoir. La première reste de loin rattachée à un passé bourgeois, liée à l’élite et aux maîtres, la seconde, à un passé misérable, liée à la masse populaire et aux esclaves. Aujourd’hui les deux genres se confondent pour former une musique créolisée au sens large, riche de leurs origines communes et des emprunts réciproques qui ont toujours existé entre eux. Ainsi que le notent Barège et Jonca, le séga est le style musical le plus « représentatif de l’ambiance créole » (loc. cit.).

Le maloya est un genre musical qui est rattaché aux répertoires festifs de la musique rituelle kaf telle que pratiquée à La Réunion sous le nom de « servis kabaré7 ». Si le maloya

provient de la forme ancienne du « séga des origines » et qu’ « il s’est créolisé au contact des différentes cultures présentes à La Réunion » au fil du temps, il occupe, au sein de ces rites d’origine malgache et africaine, « toujours une place prépondérante » « à travers la musique et la danse » (ibid. : 17). Au sein du culte, le maloya s’exprime donc dans une forme à la fois

7 Françoise Dumas-Champion (2008) explique que le servis kabaré est le produit d’une interpénétration entre des

traditions malgas, kaf et makwa ou makwalé (malgaches, africaines et macouas) ; elle dit par exemple que « le

maloya, d’origine africaine, n’était pas dansé par les Malgas qui préféraient leurs danses en s’accompagnant au

violon ». De nos jours, cependant, « les Réunionnais célèbrent leurs ancêtres makwa, kaf et malgas au cours de la même cérémonie, mais en respectant les spécificités rituelles, culinaires et rythmiques propres à chacun » (ibid. : 133-134).

sacrée (pour la partie religieuse du rite) et à cheval entre sacré et profane (pour la partie festive du rite). Si c’est précisément selon cette seconde dimension que la maloya pénètre la scène, Monique Desroches et Guillaume Samson (op. cit.) remarquent néanmoins que « la revitalisation et la médiatisation croissante des servis (cérémonies) aux ancêtres africains et malgaches » et le « “travail de mémoire” effectué par plusieurs associations militantes […] pour ancrer la reconnaissance du Kaf […] dans le temps […] et dans l’espace […] contribuent à déliter quelque peu la frontière entre les dimensions sacrée et profane du maloya » (ibid. : 23). Dans un contexte colonial marqué par le catholicisme dominant qui condamne fortement les autres expressions religieuses (cf. chap. 1), le maloya, du fait de son rapport au contexte rituel du servis kabaré, est marqué d’une connotation négative qui le suivra jusque dans la seconde moitié du XXe siècle8. Si c’est en 1723 que le premier article d’une ordonnance royale

mentionne l’interdiction dans la colonie de tout culte étranger à la religion catholique, rappelons qu’avant la parution du premier édit royal de 1767 statuant sur ces réjouissances populaires (cf. chap. 1), la musique en elle-même ne fait pas l’objet d’une interdiction particulière9 ; en

dépit de cette réalité, le maloya est longtemps resté « confiné dans les propriétés sucrières », et « ne se manifeste réellement dans l’île que la nuit de la “fêt’ Caf”, le 20 décembre » (David & Ladauge, 2004 : 101). L’autre interdit non moins négligeable qui le frappe alors se produit vers le milieu du XXe siècle, dans le cadre de sa récupération politique par le PCR (Parti Communiste Réunionnais). Ainsi que le disent Christophe David et Bernadette Ladauge, du fait d’avoir été « accaparé et porté par le Parti Communiste Réunionnais à la fin des années 50 », « le maloya sera victime de la censure et des réactions hostiles d’une grande partie de la population, jusqu’à sa reconnaissance officielle en 198110 » (loc. cit.). Selon Jean-Pierre La

8 Ainsi que l’explique Sonia Chane-Kune (1993), « seul le catholicisme avait droit de cité » jusque-là ; « s’il

arrivait que d’autres rites religieux fussent célébrés, ils l’étaient toujours de façon clandestine et restaient frappés du sceau de l’interdit ». Il faudra attendre l’arrivée des « immigrants indiens du XIXe siècle » pour que « la

législation relative à la religion » s’assouplisse de façon notable (ibid. : 174). « Si la majorité de la population tout au long du XVIIIe siècle et de la première moitié du XIXe siècle n’est pas libre de professer à sa guise un culte à

leurs morts puisqu’elle ne peut se déplacer sans l’autorisation du maitre [sic] », selon Prosper Ève (1994), « tout change pour elle après l’abolition de l’esclavage » (ibid. : 41). À la différence de ce qui se passa un siècle plus tard, les esclaves « ont dû perpétuer en cachette des cultes qui leur étaient interdits » (Dumas-Champion, 2008 : 31).

9 Chaudenson (1992) cite à titre d’exemple le témoignage de Ligon qui, « traduit en 1657, est encore antérieur à

cette date » : « Quand leurs maîtres leur donne la liberté de se recréer, [les esclaves] se visitent réciproquement et passent les nuits entières en jeus, danses et en autre passe temps et réjouissances et même en petits festins, chacun d’eux épargnant ce qu’il peut pour contribuer au repas commun » (ibid. : 183). Ainsi que l’auteur poursuit un peu plus loin, « chants, musiques et danses sont permis dans un certain nombre de circonstances festives et, même en dehors de ces cas, font l’objet d’une relative tolérance (s’ils n’ont pas d’influence fâcheuse sur le travail !). Il en résulte que le domaine musical est le seul où subsistent, en général, deux traditions, européenne et non européenne,

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