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Chantier naval Marin Frères : une tradition familiale

Grégoire Marin, formé au métier de charpentier de marine au chantier de Gnagni Hiribarren de Socoa, crée en 1937 son propre atelier à Ciboure. C’est alors une période faste de la pêche dans la baie et le chantier œuvre à la construction de traînières motorisées, embarcations traditionnelles de la pêche à la sardine à la bolinche qui fonctionnaient jusque-là à voile et aviron. Dans les années 1950, la pêche au thon bat son plein et la technique du thon à l’appât vivant entraîne des avancées techniques telles que la présence de viviers intégrés à la coque plus volumineuse. Le chantier entre 1937 et 1957 construit une quarantaine de sardiniers et thoniers avec la même technique de construction sur membrures ployées279. Des navires fleurons de la flotte de pêche basque comme les thoniers caneurs-bolincheurs le

Begnat, construit en 1954, et le Vagabond280, un « baby-clipper » de plus de 20 mètres, le plus grand bateau construit par le chantier en 1957 :

278 http://www.institut-metiersdart.org/metiers-d-art/metiers-lies-a-l-architecture/charpentier-de-marine 279 http://itsas.begia.assoc.pagespro-orange.fr/constcibourexx.htm 280

EPALZA M, 2008, quelques photographies du Begnat p.47 et p. 210 et du Vagabond p.45 sortie du chantier, p.64 avec l’équipage à Dakar. Autre photo disponible http://www.eke.eus/fr/culture-basque/patrimoine- basque/patrimoine-immateriel-basque/eleketa/eleketa_itsas_ondarea/albums-photos/dominique-

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« Par la pureté et l’harmonie des lignes, par le soin de l’exécution jusque dans le détail, ces constructions représentaient le sommet de la technique des membrures ployées. »281

Ou encore le thonier-sardinier Boga Boga construit en 1955 et qui ont tous trois connu le triste sort de la destruction en 2002 après avoir été retirés des registres des unités navigantes282 pour les deux premiers, en 2012283 pour le troisième. En 1959 ils construisent le

Patchiku284, thonier ligneur, dont l’histoire fait elle aussi la fierté du chantier, et dont le destin est plus heureux. Sa forme est typique de la construction traditionnelle basque avec l’arrière rappelant la forme des traînières.

En 1976, son fils, Kusto prend la suite avec un de ses fils Pantxo, au décès de Kusto l’année suivante c’est avec son frère Luisito qu’ils continuent. C’est à ce moment qu’ils renomment le chantier, Chantier naval Marin Frères285. Ils participent à la construction en 1991 de la txalupa handi Brokoa286 pour l’association Itsas Begia.

Julien287 succède à son oncle Pantxo auprès de son père

Luisito. Nous les avons

rencontrés dans l’atelier à

Ciboure donc voici quelques

photographies. Aujourd’hui

Julien est seul à la tête de l’entreprise, mais reçoit toujours l’aide de son père. A l’inverse de ce dernier, Julien est passé par un cycle scolaire avec une formation

http://askatasuna.eklablog.com/accueil-c559426, interview de Michel Toral à propos des clippers : http://www.eke.eus/fr/culture-basque/patrimoine-basque/patrimoine-immateriel-

basque/eleketa/eleketa_itsas_ondarea/lekukotasunak/klipper_toral

281

http://www.sudouest.fr/2010/09/21/je-voulais-sauver-ce-bateau-190496-4900.php

282

LE GALL Jean Yves, Engins, techniques et méthodes des pêches maritimes, Lavoisier, 2008, p.236.

283

« Ciboure : un vrai constat d’échec » article paru dans le journal Sud-Ouest le 16 juillet 2012 concernant la destruction de trois navires dont le Boga Boga relayé par Itsas Begia : http://www.itsas-begia.com/tag/2012/

284

Michel Toral interviewé par Terexa Lekumberri parle du Patchiku : http://www.eke.eus/fr/culture-

basque/patrimoine-basque/patrimoine-immateriel-basque/eleketa/eleketa_itsas_ondarea/lekukotasunak/patchiku

285

EPALZA M, 2008, p.210. http://www.patchiku.com/histoire/chantier_naval_marin.php

286

Txalupa handi signifie grande chaloupe. Construit pour participer au concours lancé par le Chasse-Marée à Douarnenez en 1992, passage p. 25, annexe 2 p.143.

https://www.fondation-patrimoine.org/fr/aquitaine-2/tous-les-projets-166/detail-chaloupe-brokoa-a-ciboure-2164 http://www.lejpb.com/idatzia/20060805/art175394.php

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70 de charpentier naval à Arcachon.

Lorsque je demandais à son père, qui nous a rejoints au cours de l’entretien, s’il avait lui aussi suivi un cursus de formation, il nous a répondu avec humour : « je suis allé à l’université oui,

l’université du travail ! », ajoutant plus sérieusement qu’il avait commencé à travailler avec

son père à 14 ans et qu’il a tout appris « sur le tas » par transmission directe. Même s’il a été formé au métier du bois, Julien nous confiait avoir commencé dès 13 ans « à traîner dans les

pattes de son père et son oncle et travailler à l’atelier », il indique également « avoir appris l’essentiel ici [à l’atelier] ». Ils sont tous deux passionnés par ce métier et sont fiers de voir

perdurer leur savoir-faire depuis 4 générations maintenant. Après avoir évoqué avec nostalgie le triste sort du Mariñela288, du Boga Boga, du Begnat et du Vagabond, un sourire illumine

leurs visages à l’évocation du

Patchiku.

Construit nous l’avons dit en 1959, il porte d’abord le nom de Suzanne jusqu’en 1977 où il devient le

Patchiku. Désarmé en 2000, il est

classé Monument historique en 2002, mais faute d’entretien il s’abime. En 2005, Philippe Fautous, ancien mousse

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Autre navire de la flotte luzienne détruit lui aussi. Construit en 1955, il est sauvé de la casse en 1993 grâce à l’association Itsas Begia puis classé au titre des Monuments Historiques. La DRAC soutient le projet de restauration, un plan de financement est établi, mais par manque de volonté des pouvoirs publics locaux, le projet n’aboutit pas et le Mariñela est déclassé « « on a le seul cas en France, le seul cas en France de

déclassement (…) La procédure n’existait pas, ils ont réuni la commission de classement et ils l’ont rebaptisée commission de déclassement » nous expliquait Michel Péry, passage p.36 annexe 2, p.143. En 2002 le navire

71 et matelot sur ce navire sous le commandement de Michel Toral289, le rachète et crée l’Association pour la sauvegarde du Patchiku. Il récolte suffisamment de fonds et confie en 2010 la restauration au même chantier Marin qui l’a autrefois construit290. Remis à l’eau, flambant neuf, en 2011 il est aujourd’hui le digne représentant de la construction navale et du patrimoine maritime basque. Il va sans dire que Julien et Luisito Marin sont très heureux du sort du Patchiku et fier de lui avoir redonné vie dans le même atelier, dans la tradition du métier cinquante ans plus tard.

II. Traînières et batteleku : de la pêche au sport