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La chanson de A El Machatt et la post-vérité

Avec l’avènement de la pandémie du Covid-19, la diffusion des rumeurs et les fake news, relatives surtout à la médecine, à la politique et aux statistiques des personnes atteintes du virus Covid-19, se sont propagées d’une manière exponentielle. En effet, lors du confinement, les personnes uti- lisent, plus qu’avant, les RSN et restent branchées devant leurs écrans toute la journée. Les efforts des jeunes internautes se sont multipliés pour abroger la fausse information et inciter les usagers à chercher des sources fiables sur Internet avant de croire et partager la rumeur.

Ayoub El Machatt, jeune musicien marocain aux multiples talents, a choisi sa propre stratégie pour sensibiliser les gens aux dangers des fake news et de la désinformation et pour les inciter à avoir un esprit critique et à se baser sur la raison et non sur les émotions pour évaluer les informations avant de les partager. À travers une chanson « Pissenlit » 60 il diffuse un message profond aux jeunes

internautes marocains. Cette chanson est considérée comme une nouvelle forme d’expression artis- tique contre les rumeurs et les fake news.

À notre question : pourquoi le choix de la chanson comme moyen de lutte contre la désinforma- tion, le musicien a répondu : « L’art est tout d’abord un puissant outil de communication qui a démontré son efficacité au fil des siècles (la censure n’aurait pas dû exister si ce n’était pas le cas). Utilisé comme instrument de propagande, d’endoctrinement ou encore d’éveil social et culturel, l’art m’est paru comme le moyen le plus naturel pour exprimer mon coup de gueule ». Les dangers de la diffusion des fake news et de la désinformation expliquent aussi le choix de la chanson comme moyen de lutte contre ce phénomène menaçant la société marocaine : « J’ai écrit et composé cette chanson pendant le confinement lié la pandémie de la Covid-19, période durant laquelle beaucoup de fake news et d’intox circulaient et proliféraient dans une société manquant cruellement d’esprit critique, prête à croire n’importe quel charlatan venu avec un remède « miracle » ou une invention frauduleuse, pourvu qu’il manipule les émotions au lieu de donner des preuves empiriques », conti- nue A. El Machatt.

La nécessité d’une éducation aux médias devient urgente et obligatoire dans les écoles, surtout avec l’augmentation rapide des jeunes internautes. Les commentaires et les likes des pages du jeune ar- tiste sont très positifs et encouragent l’EM et proposent même que cette discipline soit intégrée dans les programmes scolaires dès le primaire.

Sur un ton sarcastique, le chanteur dénonce le fait que les charlatans sont devenus plus crédibles que les savants et que les citoyens, naïfs, continuent à faire appel à leurs émotions au détriment de leur raison et à liker et partager sans aucune vérification. Il souligne le fait que les internautes n’ont plus de référence et sont devenus indécis et prêts à croire n’importe quel mensonge qui désormais compte plus que la vérité. Il avoue en avoir assez des mythes religieux, culturels et sociaux véhiculés par des médias « paresseux » qui ne cherchent plus la vérité. Il incrimine aussi les internautes qui font preuve d’une « avarice intellectuelle et cognitive » et qui sont disposés à être « crédules ».

Jeunes internautes marocains : attitude et comportement face à la désinformation et aux fake news

Comportements et attitudes des jeunes internautes face aux fake news

Nous avons vu à travers les cas précédents que le nombre de partages de la désinformation et des fake news est très élevé par rapport à celui des pages qui ont vérifié et contrôlé le contenu et la source de l’information. Ceci montre que les internautes ne vérifient pas l’information qu’ils partagent et ont tendance à avoir beaucoup plus recours à leurs émotions qu’à leur raison. Les caractéristiques de la rumeur selon Rouquette sont : l’implication, l’attribution, l’instabilité et la négativité. Ce dernier trait engendre des situations inquiétantes, des sentiments négatifs (publication 3) et inhibe la raison.

Conclusion

Au Maroc, les chiffres du rapport «Digital 2018» montrent que 56 % des Marocains utilisent l’inter- net. L’âge de 98,4 % de ces internautes est compris entre 15 et 24 ans. La moitié de ces internautes passe plus d’une heure sur internet. (Enquête ANRT, 2018) 61 . Face à ces données, les initiatives de

fact-checking, de sensibilisation aux dangers de l’internet, de la désinformation et de la fake news ré- alisées par des jeunes sont importantes, mais demeurent insuffisantes pour former les enfants et les jeunes à l’EM. Le développement d’un esprit critique, la capacité d’évaluer, de filtrer et de valider l’information sont les compétences que les usagers du Net devraient développer pour lutter contre toute radicalisation, manipulation digitale, cosmopolitisme, rumeurs électroniques, fake news… La lutte contre les fake news, la désinformation, les deepfake est entamée, au Maroc, en dehors de l’en- ceinte académique, mais n’est -il pas temps pour les académiciens d’assumer leur part de respon- sabilité dans l’EM des enfants et des jeunes tout au long de la vie vue que les technologies utilisées pour induire l’autre en erreur ne cessent de se développer ?

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61. Enquête ANRT,2018/ https://www.anrt.ma/sites/default/files/publications/enquete-tic-2018.pdf

188 Actes / Proceedings TICEMED 12

Malika Abentak, Noufissa Machkouri

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DIFFUSION DES FAKE NEWS EN CÔTE D’IVOIRE