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Changements dans l’allométrie des couronnes et leur intrication (agencement spatial)

2.2 Interactions avec la gestion

2.2.2 Changements dans l’allométrie des couronnes et leur intrication (agencement spatial)

Le volume des couronnes pourrait être l’un des facteurs les plus influents dans le contrôle de la productivité (Pretzch 2014) et fournir un moyen de tenir compte des effets différés et cumulatifs de la gestion. Les difficultés d’estimation du volume et morphométrie des couronnes ont limité fortement leur analyse et mise en œuvre dans les études des relations diversité-productivité (Jucker et al. 2015). De nouveaux indices quantifiant l’influence locale du voisinage sur la forme et le volume des couronnes permettraient d’obtenir une vision quantitative de l’adaptabilité des arbres. La relation entre la morphométrie ou l’allométrie des couronnes et les mécanismes physiologiques fondamentaux est sous-jacente et devra être formalisée. Les mesures LiDAR terrestres sont très prometteuses et pourraient apporter le saut qualitatif nécessaire pour apporter les données quantitatives autrement impossibles à obtenir (Bayer et al. 2013, Barbeito et al. 2017). Les nuages tridimensionnels résultant des scans terrestres permettent de mesurer des volumes et des longueurs. Les reconstructions mettant en œuvre les modèles structurels permettent par ailleurs de produire des informations sur l’architecture des couronnes (Figure 11). Associé à un plan d’échantillonnage ad hoc, les mesures morphométriques de couronnes permettraient de faire progresser sur plusieurs fronts : sur la relation diversité-productivité bien sûr mais aussi sur l’allométrie dans ses aspects de variabilité spatiale et d’adaptabilité.

Figure 11. Illustration de la complexité des analyses de la couronne. A gauche : couronne scannée et reconstruite, à droite : photo montrant l’intrication des couronnes.

On ne connait presque rien sur la variabilité spatiale et temporelle de l’allométrie des couronnes, bien que les études dédiées semblent montrer l’importance de l’adaptabilité et plasticité de l’allométrie (Pretzsch et Schütze 2005, Jucker et al. 2015, Forrester et al. 2017). La biomasse des couronnes semble jouer un rôle important dans la productivité et l’effet de la diversité spécifique (cf. modèle WBE, §I.1). C’est pourtant le compartiment aérien le moins bien documenté, surtout s’agissant de la biomasse, en raison de la variation de la proportion d’écorce et de la variation de la densité du bois. Toutes les mesures passées portent sur l’estimation du volume extérieur de la couronne ou de sa biomasse totale (bois), jamais à l’échelle d’une placette, et en étant pratiquement complètement détaché du contexte local. Les améliorations des estimations de la biomasse des couronnes et de sa distribution verticale, telles que suggérées dans le §I.2, contribueraient ainsi directement aux analyses des relations diversité-productivité.

L’objet serait ici d’obtenir des volumes (convex hull), projections, longueurs maximales, et par exemple des indices permettant de rendre compte de la stratification verticale, ou de l’étalement et la superposition des couronnes. Les mesures en elles-mêmes seraient une source très importante d’information, elles permettraient ensuite d’identifier une caractéristique ou d’aboutir à un indice synthétique, par exemple une proportion particulière, qui permettrait de rattacher un peuplement donné à un niveau de diversité fonctionnelle.

L’intrication des couronnes et la stratification pourraient intervenir comme facteurs fondamentaux dans la modulation des interactions entre individus (Williams et al. 2017, Fotis et al. 2018). Ammer (2019) conclue aussi au terme de son analyse bibliographique que l’interception de la lumière et l’efficacité d’utilisation de la lumière sont les deux facteurs principaux d’explication de la relation diversité-productivité. Ici ce n’est plus l’allométrie ou la morphométrie des couronnes individuelles qui serait au centre des analyses, mais plutôt leur agencement spatial, dans l’optique d’en tirer des informations sur l’efficacité d’utilisation de la lumière (e.g. Morin et al. 2011). A base de modèles simplistes de calcul du volume des couronnes, Jucker et al. 2015 montrent que la compaction ou l’intrication des couronnes répondait très clairement à la diversité des espèces, et que le volume de la couronne des arbres en mélange était beaucoup plus grand que ceux poussant en monoculture. Ainsi les mesures montrent une plasticité dans la taille des couronnes en réponse au mélange. Malgré la simplicité des modèles utilisés cette étude a montré l’importance de ce compartiment et en montre le fort potentiel.

Il n’y a pas pour le moment de donnée dendrométrique synthétique qui permette de mesurer le degré d’interpénétration ou l’agencement spatial des couronnes. Comme montré par Parker et Brown (2000) la stratification n’a pas reçu de définition et que tant la stratification que l’étagement sont des concepts difficiles à mesurer. Une meilleure description des chevauchements et de la stratification ouvrirait la voie à des explications mécanistes de la relation diversité-productivité, par exemple d’utilisation individuelle de la lumière (Forrester et Albrecht 2014, Dănescu et al. 2016), de transpiration et photosynthèse, des relations entre arbres et des effets de la diversité qui en découlent. La stratification et les proportions des couronnes de chaque espèce est en effet un indicateur direct de la partition des niches. L’absence de mesures et de normes pour définir la stratification sont des freins qui pourraient être levés en exploitant d’une manière spécifique les placettes d’inventaire scannées à l’aide du TLS. Les données issues des LiDAR aériens de très haute résolution pourraient également fournir des informations utiles à la quantification des effets des éclaircies sur la biométrie et la structure des couverts.

En conclusion :

La gestion est la grande inconnue dans les études à grande échelle. Les effets sont difficiles à quantifier car ils s’inscrivent généralement sur une échelle temporelle assez longue, et la diversité des formes ou d’intensité de la gestion impose une réflexion préalable. De plus, l’échelle d’observation a clairement un impact sur les résultats, avec des contradictions apparentes.

Les très grands gradients obtenus à partir des données d’inventaire doivent permettre d’analyser les effets des mélanges sur la productivité mais les données dendrométriques prises ne permettent pas forcément d’apporter d’explication mécaniste aux phénomènes. Ici à nouveau, la prise de nuages de points tridimensionnels devrait permettre de faire une avancée en permettant de chercher les meilleurs indices possibles. Un des critères dans la cherche de ces indices serait une relation optimale avec la croissance individuelle, et la discrimination isotopique du carbone. Il est très probable qu’il existe par ailleurs une relation entre la position dans le couvert/l’utilisation de la lumière et la densité du bois, et que par là-même on puisse parvenir à une meilleure modélisation de l’effet individuel aléatoire dans la variation inter-arbres de la densité.

Proposition de thèse de doctorat

Sujet : Analyse à grande échelle des effets de la gestion sur la productivité et les stocks des forêts.

Hypothèses : Les éclaircies ont non seulement un effet temporaire sur les stocks, mais qui peut s’estomper complètement dans le temps. Les éclaircies augmentent la productivité des peuplements à grande échelle et sur le long terme. Sur la durée d’une rotation les effets de la gestion vont dans le sens d’une augmentation de la productivité.

Les effets indirects des éclaircies, par la sélection d’espèces mieux adaptées localement, permettent une augmentation de productivité visible à grande échelle.

Synthèse

Les travaux proposés dans ce projet ont pour objectif central et fil conducteur la quantification et la

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