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Une chaîne à haute latitude en climat glaciaire : le Brooks Range

Deux types de glaciers sont donc à distinguer quand on parle d'érosion glaciaire : 1) d'une part les glaciers de type tempérés (comme ceux de Nouvelle-Zélande ou du sud de l'Alaska) engendrent une érosion accrue associée à la quantité de glace qu'ils accumulent, et 2) d'autre part les glaciers froids (de types glaciers de très haute altitude ou latitude, comme les glaciers de Patagonie, ou bien de type calotte, comme en Scandinavie) qui tendent plutôt à inhiber l'érosion glaciaire (Figure I.14).

Figure I.14 : Schéma illustrant l'empreinte de l'érosion glaciaire et péri-glaciaire sur la topographie Scandinave ayant conduit à la mise en place de surfaces de faible relief entre les lignes d'équilibre en stade interglaciaire et glaciaire (ELA). Les surfaces au-dessus de la limite de glaciation du Dernier Maximum Glaciaire (en pointillés bleus) ont pu être protégées de l'érosion en conditions glaciaires grâce à la base gelée des glaciers qu'on suggère inhiber l'érosion (cold-based ice), alors qu'en-dessous cette limite, l'érosion glaciaire est maximale est va conduire à la formation de fjords en stade glaciaire. Figure réalisée d'après Steer et al. (2012).

3. Une chaîne à haute latitude en climat glaciaire : le Brooks Range

35 Les chaînes de Brooks, de British et de Barn Mountains sont un exemple de chaînes Arctique bien préservées qui ont été témoin de l'orogénèse brookienne au cours du Mésozoïque. La partie alaskienne est très documentée puisqu'elle a fait l'objet de très nombreuses études depuis les années 1990. On sait que ces chaînes se sont mises en place alors que le bassin canadien, dont on connait peu de choses quant aux modalités de son ouverture, était ouvert (Embry and Dixon, 1990). Avoir une meilleur connaissance de ces chaînes peut nous conduire à améliorer, ou tout au moins enrichir nos connaissances sur le bassin canadien. De plus, la mise en place et l'évolution de ces chaîne coïncident avec des changements climatiques majeurs entre la fin du Mésozoïque et le Cénozoïque en Arctique (Pagani et al., 2006 ; Sluijs et al., 2006 ; Moran et al., 2006). Ces éléments en font une zone-clé pour étudier les interactions tectonique/climat/érosion, et plus particulièrement la surrection et les changements climatiques. On sait également que des glaciers de type alpins se sont mis en place dans les chaînes au cours du Pléistocène, au nord des glaciers de la cordillère et au sud de la limite sud de la calotte Laurentide (Hamilton and Porter, 1975). La mise en place et l'origine du paysage n'étant pas connus, une des motivations à l’origine de ce travail était de mesurer l’exhumation contrôlée par les glaciers.

3.2 Problématiques abordées au cours de cette thèse

La structure et l’évolution de la chaîne de Brooks en Alaska et les chaînes des British et Barn Mountains au Canada sont connues de manière très hétérogène. Si les événements tectoniques et les structures profondes de la chaîne de Brooks sont relativement bien décrits ou imagés grâce notamment à des travaux de géologie structurales (Tailleur and Weimer, 1987 ; Gryc, 1988 ; Mull and Adams, 1989 ; Moore and Dumoulin, 1994 ; Clough and Larson, 1997 ; Pinney and Davis, 1999), d'informations géophysiques (Tailleur and Weimer, 1987 ; Gryc, 1988 ; Mull and Adams, 1989; Fuis et al., 1995, 1997), en revanche les chaînes des British et Barn Mountains sont bien moins décrites, et ont fait l'objet uniquement de quelques travaux anciens traitant des structures tectoniques et de la stratigraphie (Norris, 1963). De même, si l'histoire d'exhumation de la chaîne de Brooks est connue dans ses grandes lignes, grâce à de très nombreux travaux de thermochronologie basse-température (Blythe et al., 1996, 1998 ; O'Sullivan and Decker, 1990 ; O'Sullivan, 1988a and 1988b, 1989, 1990, 1991, 1999 ; O'Sullivan et al., 1993, 1997, 1998), en revanche, ces données sont elles

36 aussi hétérogènes voire manquent totalement dans les chaînes canadiennes (O'Sullivan and Lane, 1997). De nouvelles acquisitions sont donc nécessaires afin de corréler la séquence de déformation et l'évolution des bassins de Colville et du Yukon, adjacents aux chaînes.

Mieux connaître l'évolution tectonique et l'évolution de l'exhumation au sein des chaînes et des bassins va permettre d'étudier plus avant les interactions entre la géodynamique à grande échelle et les processus de surface en Arctique.

Pour répondre à ces questions de nombreuses analyses thermochronologiques basse-température (U-Th)/He ainsi que traces de fission ont été réalisées afin de contraindre l'histoire thermique de la région (Chapitres IV et V), caractériser et quantifier la déformation et l'exhumation. Ce travail se donne également pour objectif d'établir un lien entre la mise en place de ces chaînes de montagnes à terre et le remplissage du bassin en mer de Beaufort dans le bassin du MacKenzie. Une étude sismique a donc été menée afin d'une part de 1) caractériser le style structural à terre et en mer afin d'identifier un éventuel changement de style structural d'Ouest en Est, des Brooks Range vers les British Mountains et de comprendre et d'affiner la construction de relief Arctique depuis le Crétacé supérieur (Chapitre VI) et de 2) quantifier les dépôts sédimentaires en mer afin de relier ceux-ci aux événements d'exhumation identifiés à terre grâce aux données thermochronologiques basse-température (Chapitre VI et VII).

Enfin dans le Chapitre Discussion, j’explore les scenarios possibles de mise en place des chaînes arctiques entre Alaska et Yukon, en lien avec la géodynamique de la frontière convergente au Sud de l’Alaska et avec la géodynamique arctique.

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Chapitre II