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CH1C  ‐  Intégration  des  effets  d’ingénierie  et  d’interactions  trophiques  des  ongulés  sauvages

La figure 3 représente une tentative de synthèse graphique des différentes interactions associées aux  grands  herbivores  et  à  nos  3  ongulés  sauvages  modèles  en  particulier.  Ces  différents  effets  se  produisent à plusieurs échelles spatiales (du local au paysage) pour un herbivore donné, et un même  mécanisme comme l’endozoochorie va aussi dépendre des caractéristiques de chaque herbivore et  fluctuer spatialement (taille du domaine vital, amplitude des déplacements, temps de rétention des  diaspores, tableau 3) et temporellement (régime alimentaire, disponibilité des diaspores, …).  

Certains effets locaux vont influer sur le filtre environnemental et les conditions abiotiques (structure  du  sol,  humidité,  luminosité,  …)  en  interaction  directe  avec  les  besoins  de  la  plante  à  différents  stades  de  développement,  notamment  en  termes  de  qualité  du  site  de  déposition  des  diaspores  transportées, pour leur éventuelle germination, installation, puis leur développement ultérieur. Ces  effets  peuvent  aussi  moduler  les  interactions  biotiques,  et  interférer  dans  l’accès  local  pour  différentes ressources. 

La sélection de l’habitat par les grands herbivores est un processus décisionnel individuel ou collectif  qui dépend de l’échelle spatiale (Johnson, 1980) et de l’activité associée (Zollner, 2000 ; Zollner et al.,  2000) :  repos  (AP3,  ACL4),  alimentation,  rumination,  …  Les  ongulés  communs  décrits  comme  forestiers (cerf, chevreuil et sanglier) utilisent aussi les milieux ouverts (prairies, cultures agricoles) et  les  milieux  d’interface  (entre  différents  peuplements  forestiers  ou  bien  les  lisières  entre  milieux  fermés  et  milieux  ouverts).  Ces  déplacements  entre  différents  habitats  vont  entraîner  des  flux  de  diaspores (épizoochorie et endozoochorie), de nutriments et d’énergie (de la végétation consommée  à  la  défécation  et  la  miction  à  distance).  Les  grands  herbivores  consomment  sélectivement  la  végétation  en  fonction  de  leur  physiologie  digestive,  cette  végétation  se  résume  à  des  plantes  herbacées et des graminées en prairies ; en forêts, arbustes et jeunes arbres complètent le cortège  disponible dans l’espace accessible aux animaux, jusqu’à 1.2m pour le chevreuil et 2m pour le cerf.  L’herbivorie sélective modifie les interactions entre plantes de ces différents groupes de plantes, elle  peut aussi  influer sur les ressources alimentaires disponibles pour d’autres organismes phytophages,  comme les chenilles, et par effet de cascade trophique sur les oiseaux qui dépendent des chenilles  pour se nourrir et nourrir leurs oisillons. Cette herbivorie sélective et les déformations physiques de  la  végétation  peuvent  également  dégrader  l’habitat  de  nidification  des  oiseaux  qui  dépendent  du  sous‐bois  forestier.  Des  observations  récentes  (projet  Costaud)  confirment  que  les  sangliers  consomment  les  œufs  d’oiseaux  qui  nichent  au  sol  mais  identifient  également  le  cerf  comme  un  prédateur opportuniste des œufs.  

Par  ailleurs,  les  herbivores  modifient  le  fonctionnement  du  sol  forestier  par  des  perturbations  superficielles  et  en  profondeur,  qui  affectent  la  structure  physique  du  sol,  créent  de  la  microtopographie  temporaire,  modifient  les  interactions  entre  plantes  en  décapant  la  litière  et  en  réduisant  le  couvert  herbacé  en  place,  découvrant  ainsi  des  sites  de  colonisation  pour  la  pluie  de  diaspores. Ils modifient ainsi profondément les conditions locales (accès à la lumière, infiltration de  l’eau, …). Le sanglier en particulier peut affecter des surfaces importantes et retourner jusqu’à 30 cm  de  sol  à  la  recherche  de  vers  de  terre,  ou  bien  de  structures  végétatives  (rhizomes  et  bulbes),  ce  faisant il remobilise les autres composantes du sol forestier et notamment la banque de diaspores.  Ces dernières contribueront à l’émergence des futurs assemblages de plantes localement. Les actions  des ongulés sauvages sur différents horizons et à différentes profondeurs de sol affectent le réseau  d’interactions dynamiques associant l’ensemble des compartiments souterrains. 

Ce bref paragraphe brosse rapidement la richesse et la complexité des interactions entre les ongulés  sauvages  et  les  multiples  compartiments  des  écosystèmes,  interactions  présentées  sur  le  schéma  synthétique (figure 3), ainsi que l’étendue de l’empreinte que ces animaux peuvent ainsi laisser sur le  fonctionnement général des écosystèmes et l’assemblage des communautés végétales en particulier. 

Romero et al. (2015) ont réalisé une revue des effets d’ingénieurs de l’écosystème de type ingénierie  physique sur la diversité spécifique de divers groupes dans différents écosystèmes. Ils montrent que  les  effets  sont  globalement  positifs  (effet  facilitateur)  et  que  leur  magnitude  est  similaire  à  celle  d’autres processus écologiques (cascades trophiques). Ces effets créent des refuges en générant de  nouveaux  supports  et  habitats  ou  en  les  modifiant.  Ces  auteurs  montrent  que  les  ingénieurs  de  l’écosystème qui créent de nouveaux habitats ont des effets plus marqués (avec comme exemple la  création  de  souilles  par  les  pécaris)  que  ceux  qui  ne  font  que  modifier  les  habitats.  Ces  auteurs  montrent  également  que  la  magnitude  de  l’effet  est  plus  forte  pour  des  effets  transitoires  d’ingénieurs  (qui  persistent  moins  d’un  an),  a  priori  plus  favorables  à  des  espèces  au  cycle  de  vie  court ou qui nécessitent certains types d’habitat sur de courtes durées, comme les plantes rudérales  associées aux milieux perturbés. La temporalité et le caractère transitoire des effets d’ingénieurs de  l’écosystème  sont  deux  éléments  déterminants  (Davis  et  al.,  2000)  des  fenêtres  d’opportunité  (Myster,  1993)  pour  la  colonisation  de  nouveaux  sites.  Finalement,  cette  méta‐analyse  met  également en lumière le peu d’études sur les vertébrés des milieux tempérés, notamment pour des  espèces communes et abondantes comme les ongulés sauvages. Ce constat est encore plus flagrant  si  l’on  recherche  des  approches  ou  des  études  intégrées  considérant  plusieurs  types  d’effets  (trophiques et d’ingénierie) simultanément.  

  Figure 3. Intégration des effets d’ingénierie et d’interactions trophiques des herbivores en forêt (ASCL5 ; Wilby et al., 2001). Forêt, lisière et prairie composent le domaine vital d’un animal et  permettent de figurer les déplacements et transports entre forêt et prairie. Les différentes catégories d’effets trophiques intrinsèques (en rouge), d’effets d’ingénierie associés (en orange) et  non associés à l’herbivorie (en vert) ainsi que le réseau d’interactions souterraines entre différents compartiments du sol (en noir) sont représentées sur le schéma. 

CHAPITRE 2 ‐ LES ONGULÉS SAUVAGES ET LES INTERACTIONS TROPHIQUES 

 

CH2A ‐ Sélectivité alimentaire