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Autant la CFTC100 n'a pas fait l'objet de nombreuses études, autant la CFDT a suscité l'intérêt des historiens, des sociologues, des politologues, des journalistes et des militants. Sans doute, l'identité protéiforme et mouvante de la centrale déconfessionnalisée101 créée-t-elle une intrigue. Son rôle en Mai 1968, sa mobilisation distanciée en faveur du programme commun, ses rapports avec le gouvernement socialiste au pouvoir au début des années 1980, ainsi que son statut de principale concurrente de la CGT contribuent à sa "notoriété". D'autre part, la création d'un service confédéral d'archives en 1985 a facilité le travail des chercheurs. Afin de proposer un bilan historiographique de sa politique internationale, nous avons retenu ici quatre types de publications : les monographies consacrées à la CFTC-CFDT, les études spécifiques prenant comme angle une fédération ou un courant comme Reconstruction, les travaux sur la Confédération internationale des syndicats chrétiens à laquelle la confédération française est adhérente de ses origines à 1978, et les travaux sur la dimension européenne du syndicalisme. Deux thématiques dominent la production scientifique : le rôle de la minorité à l'origine de l'évolution et l'engagement européen de la centrale qui s'explique à la fois par le développement des recherches sur l'histoire européenne et par l'investissement de la CFDT dans la CES et les institutions communautaires.

Une affiliation internationale sans influence ?

Dans Chances et périls du syndicalisme chrétien102, Georges Levard, Secrétaire général de la CFTC depuis déjà deux ans à la parution de l'ouvrage, revient sur les origines de l'activité internationale de la CFTC qu'il fait remonter à 1900, avec la participation du Syndicat des employés du commerce et de l'industrie (SECI) à l'exposition universelle où se tient le premier Congrès international des employés103. En juillet de cette année là, des syndicats du textile de Hollande, de Belgique et d'Allemagne se rencontraient à Aix-la-Chapelle afin d'organiser en commun leur action.

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Nous nous référons ici uniquement à la CFTC d'avant la déconfessionnalisation.

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C'est ce que constatait Franck Georgi dans l'introduction de sa thèse.

102

G. Levard, Chances et périls du syndicalisme chrétien, Paris, Fayard, 1955, 223 p.

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En août 1908, les syndicats chrétiens tentent de s'organiser sur le plan international : un secrétariat international est constitué et confié aux Allemands. Bien que cette tentative échoue, elle permet néanmoins de tisser un premier réseau de relations. En l'absence de confédération, les travailleurs chrétiens de France restent relativement à l'écart de ce processus.

C'est au cours de la Première guerre mondiale que s'éveille dans l'hexagone la conscience de la dimension internationale du syndicalisme : des syndicalistes belges réfugiés en France établissent des contacts qui aboutissent à une rencontre les 7, 8 et 9 juin 1918 entre la Fédération française des syndicats d'employés catholiques et la Confédération des syndicats chrétiens et libres de Belgique.

"Bien que d'ordre international, cette réunion eut une influence décisive du côté des Français, car leurs délégués comprirent qu'il était indispensable de constituer une Confédération française s'ils voulaient jouer un rôle et avoir une place satisfaisante dans l'organisation internationale qui s'ébauchait, et cela d'autant plus qu'ils étaient eux-mêmes chargés de l'organisation d'une deuxième rencontre."104

Ainsi, la perspective d'une organisation internationale hâte la création d'une confédération française. Dix pays européens représentant 3,5 millions de salariés105 participent au premier congrès de la CISC qui se tient à La Haye du 15 au 19 juin 1919106. Le siège de l'internationale est fixé à Bruxelles et les postes importants sont confiés à des Belges. La CISC se réclame et s'inspire de la doctrine et de la morale chrétiennes. Elle rejette la lutte des classes, le communisme, les dictatures fascistes. Levard reprend le discours prononcé par Albert Thomas, directeur du BIT, en 1928, par lequel il reconnaît la nécessité du pluralisme syndical dans la période considérée et l'authenticité du syndicalisme chrétien. Ce discours

104

G. Levard, op. cit., p. 66.

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Dont 100.000 travailleurs français.

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affirme de manière implicite que le fondement de ce pluralisme est la diversité philosophique et politique des composantes du mouvement ouvrier.

Dans l'ouvrage de Georges Levard, l'évocation de l'activité internationale de la CFTC se poursuit jusqu'à l'avènement de la Seconde guerre mondiale. La période de l'après-guerre est effleurée. La reconstitution de la CISC y apparaît ainsi comme une suite logique ; l'adhésion à la FSM étant balayée par un argument un peu rapide (" la CISC refusa de s'y affilier parce

qu'elle rejette par principe les syndicats communistes fondés sur la contrainte et dépourvus de toute liberté") qui efface la période unitaire de la FSM durant laquelle le CIO, le TUC et

d’autres syndicats occidentaux cohabitaient avec les syndicats des pays communistes. La date ultime est 1952, avec le congrès de La Haye où "la présence de délégués de l'Afrique équatoriale française, de Madagascar, du Vietnam et du Canada, entre autres, fut un témoignage de l'extension du syndicalisme chrétien au monde entier"107.

Le silence sur le contexte dans lequel s'inscrit la rédaction de cet ouvrage n'est pas anodin. Georges Levard qui est Secrétaire général de la CFTC à l'époque aurait sans doute pu apporter des éléments plus précis sur l'état des relations de la CFTC avec ses homologues et sur la place de son organisation au sein de la CISC. Il ne manque pas bien sûr de rappeler l'apport de la première à la seconde, par une brève incise sur le congrès international des syndicats chrétiens réuni le 21 mars 1919, auquel les Français auraient imprimé leurs marques sur un certain nombre de résolutions relatives à l'organisation professionnelle (la participation ouvrière aux profits et à la gestion des entreprises), à la législation sociale et à la création d'institutions internationales chargées de la promouvoir. En revanche, l'influence des expériences étrangères sur l'idéologie et la pratique de la CFTC n'est pas traitée.

En fait, Georges Levard insiste d'abord sur les fondements de la CISC, en reproduisant par exemple largement les premiers statuts. Par ce retour aux sources du syndicalisme chrétien, l'auteur intervient dans un débat qui oppose déjà la majorité, à laquelle il appartient, aux minoritaires qui, autour de Vignaux, mettent en cause l'affiliation à la CISC et regardent en direction de la CISL créée en 1949. Cet ouvrage participe ainsi au façonnement, par la

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direction elle-même, de l'identité chrétienne de la confédération. Les deux explications de l'adhésion de la CFTC à la CISC soulignées par les extraits cités ci-dessus, à savoir la nécessité d'une coopération internationale sur une base professionnelle et la recherche d'une position stratégique dans le syndicalisme chrétien, soulèvent cependant des questions intéressantes pour la compréhension de la politique internationale de la CFTC.

L'historien Georges Lefranc insiste lui aussi sur les structures professionnelles de l'internationale syndicale chrétienne, sur lesquelles les Allemands ont une influence prépondérante108. En revanche, il met en valeur les divergences de conception entre les membres (notamment l'opposition entre Allemands et Français) et "le manque d'une tradition internationaliste et pacifiste"109. Le rôle actif de Jules Zirnheld est mis en avant110. Après la Seconde guerre mondiale111, l'activité internationale de la CFTC est menée sous la responsabilité de Gaston Tessier qui en devient le Président en décembre 1946112. L'absence des Allemands et des Italiens fait de la CFTC la première force de l'internationale avec ses 800.000 adhérents déclarés. Cependant, sur les 13 fédérations professionnelles internationales113 constitués en 1948, deux seulement ont leur siège en France : celui des employés, techniciens et cadres, et celui des mineurs. En dehors de quelques éléments factuels, les rapports entre la CISC et la CFTC ne sont pas abordés dans cet ouvrage.

Dans la monographie de Michel Launay sur la première période de la CFTC (1919-1940), la place du syndicalisme international est périphérique 114 :

"Comme dans le cas de certains chapitres précédents, la présente esquisse d'une histoire de l'internationale chrétienne n'est pas originale. Les documents de première main font souvent

108

G. Lefranc, op. cit., voir le chapitre III "La Confédération internationale des syndicats chrétiens (1919- 1939)", p. 36-51.

109

G. Lefranc, ibid., p. 45.

110

Les références bibliographiques de Lefranc l'expliquent : R-P. Stéphane, J. Piat , Jules Zirnheld, Paris, Bonne Presse, 1948 ; P. Vignaux, "Introduction à l'étude historique du mouvement syndical chrétien", International

Review for Social History, Leiden Brill, 1937 ; J. Zirnheld, Cinquante années de syndicalisme chrétien, Paris,

Editions SPES, 1937.

111

Au cours de laquelle Zirnheld décède.

112

Il remplace Pauwels (Belgique) à sa mort.

113

Georges Lefranc parle à tort de secrétariats professionnels internationaux.

114

40 place aux comptes-rendus des journaux syndicaux. La seule justification d'un tel chapitre est le désir d'être complet."115

Ce parti pris suppose que les influences étrangères, à travers la CISC, ont pesé de manière marginale sur le développement de la CFTC, même si, avec le rôle des Alsaciens-Lorrains, on perçoit les influences du système allemand116 sur la doctrine du syndicalisme chrétien en France.

Bien que la création de la Confédération française des travailleurs chrétiens ait été stimulée par la constitution d'une internationale syndicale chrétienne, l'adhésion à la CISC est traitée à la marge par l'historiographie, comme si celle-ci n'avait eu aucune influence sur le façonnement du syndicalisme français. La CFTC n'apparaît pas comme un acteur sur la scène politique internationale, même si la fondation de l'OIT et du BIT offre désormais aux syndicats un lieu d'expression. Le conflit entre la CISC et la FSI sur leurs représentations au sein de l'OIT aurait pu être abordé en précisant la position des syndicats français.

La minorité pour une réorientation nationale et internationale

Le travail de Gérard Adam qui porte sur la période 1940-1958, adopte une problématique axée sur l'évolution idéologique de la CFTC qui n'est pas sans rapport avec le contexte politique dans lequel il s'inscrit117. La question des relations entre les majoritaires et les minoritaires domine et c'est par ce biais que la politique internationale intervient comme révélateur des enjeux idéologiques et politiques dans la bataille interne.

115

M. Launay, idem,p. 252, en note.

116

M. Launay, Ibid., p. 45-48.

117

G. Adam, La CFTC, 1940-1958, histoire politique et idéologique, Paris, A. Colin, Cahiers de la FNSP, 1964, 302 p.

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"Si l'on rapproche le problème des relations syndicales internationales de celui des tendances au sein de la CFTC, on remarque un accord, au moins tacite, jusqu'à l'apparition de la CISL. La FSM rassemble contre les chrétiens alors que la CISL créé une source de divergences."118

Lors du Bureau confédéral du 18 décembre 1949, la question internationale est posée. Paul Vignaux propose que la CFTC adhère à la CISL, alors que la commission des questions internationales (que représente André Pailleux) propose le maintien dans la CISC. Après le comité national d'avril 1950, le Bureau confédéral mandate la délégation CFTC au conseil de la CISC pour préconiser la collaboration entre les deux internationales. Les années 1949-1951 sont centrées sur le double problème de l'unité d'action et de l'affiliation internationale. Au congrès de 1951, Tessier répond aux minoritaires que l'affiliation à la CISC exprime la fidélité à la doctrine. Jeanson argumente dans le même sens sur les potentialités de la CISC dans les institutions internationales et dénigre la CISL en lui reprochant son manque de cohésion et son caractère anti-communiste. Paradoxalement, la majorité invoque la nécessité de conserver des rapports avec la CGT pour repousser l'adhésion à la CISL et justifier le maintien à la CISC.

Gérard Adam note "la sensibilité du syndicalisme français à l'évolution de la politique internationale" et montre l'utilisation des questions internationales dans le débat interne à la CFTC.

De la même manière, en explorant les années fondatrices de la CFDT, Franck Georgi rappelle les pressions des grandes organisations minoritaires pour que la CFTC se rapproche de la CISL, notamment la tentative échouée de la fédération de la métallurgie pour rejoindre la FIOM.119 Cependant, le domaine de l'international, considéré comme un "débordement par rapport au champ traditionnel du syndicalisme", est traité à la frange.

Dans la période qui suit la déconfessionnalisation, la question de la désaffiliation de la CISC est laissée en suspens par la nouvelle équipe dirigeante afin de maintenir la cohésion de la

118

G. Adam, Ibid.,p. 119.

119

F. Georgi, L’invention de la CFDT 1957-1970, Paris, Les éditions de l’Atelier/éditions ouvrières, 1995, p. 579.

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centrale qui doit déjà faire face à la scission. La CFDT reste alors à la CISC et s'oppose à ce que la CFTC-maintenue puisse y être représentée. Des conflits éclatent dans certaines Fédérations internationales professionnelles comme celles des mineurs et des employés, lesquelles ne rompent pas avec les organisations de Joseph Sauty et de Jacques Tessier120. Après maintes pressions de la CFDT, en 1967, la rupture est pourtant consommée entre la CISC et la CFTC-maintenue.

Dans ce contexte, la CFDT se maintient dans une CISC qui entame sa déconfessionnalisation. Intuitivement, on pourrait penser que la centrale française joue un rôle prépondérant dans l'évolution de l'internationale. En fait, la déconfessionnalisation a un précédent au Canada : la CTCC se transforme en CSN en 1960. Franck Georgi situe l'évolution de la CFTC vers la CFDT dans un contexte plus général, marqué par un mouvement "dans le sens d'une sécularisation croissante des institutions originellement chrétiennes" qui "n'est pas propre à la France"121. De plus, l'arrivée de nouveaux syndicats de travailleurs croyants, mais non exclusivement chrétiens, des pays du Tiers-Monde est un facteur essentiel de changement122. Ainsi, c'est sous la pression conjointe des syndicats du Tiers-Monde, de la CFDT et de la CSN, qu'en juillet 1966, des commissions régionales et une commission mondiale d'orientation sont mises en place. Au terme de deux ans de réflexion, la CISC se transforme en CMT.

L'Histoire du syndicalisme chrétien international de Patrick Pasture traite longuement de cette période. L'auteur qui s'appuie sur les archives de la CISC-CMT déposées au KADOC de l'université catholique de Louvain (Belgique), propose une histoire de l'internationale chrétienne de ses origines aux années 1970 avec pour fil conducteur la thématique de la troisième voie.

Les premières années de la CISC, agitées par les tensions franco-allemandes nées de la Grande guerre, mettent à rude épreuve l'unité de l'organisation. Avec la montée des fascismes en Europe, la CISC perd ses bases. La Seconde guerre mondiale modifie fondamentalement la donne et c'est amputée que la CISC entame, la paix revenue, sa reconstruction. D'après

120

J-M. Pernot, op. cit., p. 523.

121

F. Georgi, op. cit.,p. 198.

122

G. Bianchi, « La CMT-CISC : identité chrétienne et vocation syndicale », dans G. Devin, op. cit., 1990,p. 123-140.

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Patrick Pasture, l'existence de l'internationale n'est pas contestée "sauf par un groupe qui allait devenir ensuite la minorité au sein de la CFTC"123. L'approche choisie par l'auteur, centrée sur la CISC elle-même, examine cependant peu la place de la CFTC. Certes, la correspondance entre la transformation de la CFTC en CFDT et celle de la CISC en CMT apparaît mais, comme Franck Georgi, Patrick Pasture souligne d'abord l'évolution de l'Eglise et l'arrivée de nouveaux affiliés à la CISC à l'origine du changement.

L’analyse du rôle de la minorité dans la politique internationale de la centrale française a été approfondie par Jean-Marie Pernot dans sa thèse sur la dimension internationale du syndicalisme français. En se concentrant sur les usages de l'international dans la pensée politique de Reconstruction, le politologue montre comment ce groupe mène un travail de construction politique, qui puise dans des références "autres que le national" pour "façonner un socialisme syndical original"124. Pour cela, Jean-Marie Pernot s'appuie sur l'étude de Michel Garacoïx125 et sur son propre travail de dépouillement de la revue Reconstruction. Il arrive ainsi à démontrer le travail d'appropriation du groupe qui conduit, par exemple, à une meilleure prise en considération de l'immigration, "forme concrète de présence à soi de l'international et moyen concret d'engagement de démarches solidaires"126.

L'apport de la minorité à la politique internationale de la CFDT a donc été largement soulignée par l'historiographie. Il fait plutôt l'objet d'une appréciation positive qui place la CFDT sur le chemin de la modernité. Le positionnement international de la centrale depuis la déconfessionnalisation jusqu'au recentrage paraît également bénéficier d'une bonne image : durant cette période, la CFDT aurait fait preuve d'autonomie, d'initiative et d'ambition.

123

P. Pasture, Histoire du syndicalisme chrétien international - La difficile recherche d'une troisième voie,

L'Harmattan, 1999, p. 209. 124

Parmi les sources de Reconstruction, on peut signaler le syndicalisme américain (notamment le CIO avec le principe des fédérations d'industrie), le travaillisme britannique, l'Internationale socialiste.

125

M. Garacoïx, De la CFTC à la CFDT : Reconstruction, les groupes et les publications, mémoire de maîtrise, université Paris X, 1972.

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Une politique internationale indépendante et originale

D'une part, la CFDT va multiplier à partir des années 1960 ses relations bilatérales, d'autre part elle va dans la décennie suivante promouvoir une restructuration du syndicalisme international.

Dans la monographie qu'ils consacrent à la CFDT, Guy Groux et René Mouriaux évoquent cette volonté, affirmée à partir de 1975, de restructurer le syndicalisme international par un rapprochement entre la CMT et la CISL. En 1977, la centrale française conditionne même son maintien à la CMT à la suppression des FIP et à leur ralliement aux SPI127. La direction de la CMT refuse et le congrès de la CFDT confirme le retrait de la centrale française. "Dans les années qui suivent, la nouvelle stratégie de la Confédération de la rue Cadet se définit puis s'affirme.128"

Guy Groux reprend la même analyse dans un article intitulé "la CFDT et la question internationale"129, mais il ajoute que "la désaffiliation de la CFDT marque à sa manière l'achèvement du processus de déconfessionnalisation entamé dès 1964.130" Sur ce point, il faut tout de même rappeler que la CISC-CMT a elle aussi fait son évolution. De plus, contrairement à ce que laisse transparaître l'auteur, la CFDT n'est pas la seule organisation de la CMT qui adopte dans les années 1970 une orientation anticapitaliste. Enfin, lorsque Guy Groux affirme que la CFDT quitte la CMT "sur une base toujours aussi radicale en 1979"131, on peut en douter. En effet, cette désaffiliation intervient au moment du recentrage.

Pour Jean-Marie Pernot, le retrait de la CMT et l'abandon du projet de réorganisation du syndicalisme mondial vont de pair avec l'investissement européen. Le départ de l'internationale intervient en plein recentrage. La correspondance entre ces deux virages traduit une rupture dans la politique nationale et internationale.

127Ibid., p.272. 128Ibid.,p. 273. 129

G. Groux, « la CFDT et la question internationale » dans G. Devin (dir), op. cit., La Garenne Colombe, Erasme, 1990, p. 359-380.

130Ibid., p. 363. 131

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D'une part, "le recentrage de la CFDT est une réaction au surinvestissement politique de la période antérieure mis en œuvre depuis 1968. […] Se détourner du champ partisan, rechercher au cœur de la crise un accommodement avec le patronat qui permette d'en limiter les effets, rompre avec le volontarisme, telles sont les idées forces qui vont servir de levier à la direction de la confédération pour "resyndicaliser" les approches de la centrale."132

D'autre part, la crise économique qui frappe les pays industrialisés démontre l'interdépendance des économies et fait de l'Europe un espace possible d'intervention politique, économique et sociale. En même temps, l'entrée de la CFDT en 1974 dans la CES nouvellement créée influe sur les orientations de la confédération française. Les expériences de ses partenaires européens, celles des Allemands et surtout des Italiens, renouvellent ses priorités. Cet