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En effet, la cession de contrôle permet de remettre par un seul acte, la maîtrise effective sur l'ensemble des biens qui constituent l'entreprise,

alors que l'exécution d'une cession d'entreprise au sens étroit nécessite un acte de transfert pour chaque élément transféré (remise des objets matériels, inscription au registre foncier, cession écrite, transfert de la titularité des brevets, etc.)

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Cela tient à ce que la société, propriétaire formel, n'a pas dans le premier cas besoin de se désaisir des biens.

261 Op. cit., N 301 et ss, p. 22 et ss.

263 Des Gouttes, op. cil., p. 70 et ss ; Bühler, op. cit., p. 52 et ss ; Buchli, op. cit., p. 61 et ss ; ce dernier distingue toutefois les actes de transfert des divers éléments (p. 61 et ss), et ceux portant sur le transfert de l'entreprise «en tant que telle » (p. 52 et ss).

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Qui acquiert le pouvoir sur elle, acquiert le pouvoir de disposer de l'en-treprise. Il ne s'agit sans doute que d'une maîtrise indirecte des biens matériels ou immatériels, mais il est constant qu'aux fins de l'exploi-tation cette maîtrise suffit. En outre, il ne se pose dans ce cas pas de problème de responsabilité envers les créanciers de l'entreprise (art.

181 al. 2 CO) car leur débiteur, la société, reste le même. C'est pourquoi, la cession de contrôle constitue un moyen de simplifier considérablement la cession d'une entreprise et il peut être avantageux de transformer une entreprise individuelle ou une société de personnes en société ano-nyme aux seules fins de la céder 204, Cela peut également représenter pour l'acheteur un avantage car il est alors certain d'acquérir en un seul acte tous les droits qui l'intéressent. Dans une cession d'entreprise par cession d'actifs, en revanche, des divergences peuvent surgir quant

à

certains éléments d'actifs et une inexécution partielle par refus de livraison est possible avec toutes les conséquences qu'elle implique quant

à

l'évaluation du dommage.

Ce n'est toutefois pas l'obligation de « livraison » qui pose les problèmes les plus délicats lorsqu'il s'agit d'appliquer les règles de la vente

à

l'entreprise, mais bien la mise en œuvre de la garantie du vendeur.

b) La mise en œuvre de la garantie relative à l'entreprise.

Le fait que l'entreprise dans son ensemble soit l'objet clairement défini du contrat n'élimine pas sans autre les difficultés qui se présen-tent

à

l'acquéreur d'une entreprise ne répondant pas

à

ses légitimes espoirs. Des difficultés de mise en œuvre de la garantie du cédant d'entreprise se présentent dans la cession de contrôle dès qu'elle est traitée comme une forme de cession d'entreprise. Elles tiennent essen-tiellement à la nécessité de l'avis des défauts (art. 201 CO) et à la courte prescription d'un an (art. 210 CO). Ainsi l'absence d'une certaine capacité productive ou d'une certaine rentabilité peut être impossible à constater et à mettre en rapport avec une cause précise dans un délai d'une année 205. L'action en garantie doit en outre être intentée alors

264 Voir ég. dans ce sens les avantages mentionnés par H. Walder, op. cit., p. 7 et ss, notamment p. 13.

205 Cf. Buchli, op. cit., p. 45 quant à l'impossibilité de constater le défaut de rentabilité dans d'aussi brefs délais, mais il est douteux, vu les ATF 58 II 212 et 63 II 401 que l'action basée sur 97 CO soit admise dans ce cas, comme le suggère cet auteur. Il est vrai que Buchli estime que cette situation fait perdre à la garantie de rentabilité le caractère de qualité promise, mais on peut se demander si la difficulté de sauvegarder les délais est un motif suffisant pour cela.

NATURE DU CONTRAT 121 que les parties sont encore dans une phase de coopération et de réorga-nisation de l'entreprise qui peuvent être compromises par une action en justice.

aa) L'extension du délai de prescription :

Le Tribunal fédéral s'est montré jusqu'ici très sévère dans l'appli-cation des délais prévus aux art. 201 et 210 CO ; il a étendu leur appli-cation en dehors du cadre étroit de l'art. 197 CO lorsque l'action du vendeur était basée sur l'existence d'un défaut 266, Il est dès lors diffi-cile d'envisager un assouplissement de cette règle pour les besoins de la vente d'entreprise.

Aussi certains auteurs ont-ils proposé des astuces juridiques destinées

à

prolonger le délai de prescription sans porter atteintes aux principes solidement ancrés dans ce domaine : application « souple » des dispo-sitions sur les vices cachés, assimilation de l'entreprise

à

un immeuble avec lequel elle « a du moins l'analogie de la stabilité » 261, engagement autonome du vendeur 208, On retrouve dans cette dernière solution le protéiforme « contrat de garantie » dont les avantages sont ici indé-niables puisqu'il est soumis au délai de prescription ordinaire de dix ans.

Toutes ces solutions présentent les inconvénients inhérents

à

leur nature astucieuse : elles obligent

à

une déformation de la réalité des faits et

à

une interprétation biaisée des règles juridiques qui s'y appli-quent. Ainsi l'application « souple» des dispositions sur les vices cachés aboutit

à

attribuer un peu trop facilement au vendeur une mauvaise foi dont il n'a pas nécessairement fait preuve. Quant au contrat de garantie on a vu qu'il sert essentiellement à suppléer

à

l'absence de garantie du vendeur lorsqu'une qualification inadéquate de la cession de contrôle limite celle-ci aux qualités intrinsèques des actions cédées. Mais il n'est

266 Dans un arrêt du l•• juin 1932, il a étendu l'application de la courte prescription de l'art. 210 CO à l'action en dommages-intérêts basée sur l'art.

97 CO qui est admissible pour le dommage causé par les défauts de la chose en cas d'action quanti minoris (ATF 58 II 207). Dans un arrêt du 14 décembre 1937, il a estimé que, sensiblement pour les mêmes motifs que dans l'arrêt précédent, la même extension se justifiait pour l'avis des défauts prévu à l'art. 201 CO (ATF 63 II 401, 407 cons. 3 c).

267 Des Gouttes, op. cit., p. 71.

268 Ainsi le Reichsgericht a-t-il résolu ce problème (encore plus aigu en Allemagne du fait du délai de prescription de six mois) en faisant sortir cer-taines garanties du cadre de la vente pour en faire des engagements autonomes (ROZ 146, 124) ;Huber (ZGR 1972, p. 420) critique, à juste titre nous semble-t-il, l'argumentation du Tribunal (proche de la théorie du contrat de garantie) mais non le résultat final.

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pas admissible qu'il puisse être utilisé en parallèle avec l'action en garantie lorsque celle-ci est possible pour l'entreprise toute entière, soit par une qualification correcte de la cession de contrôle, soit parce que la cession d'entreprise s'est effctuée par transfert d'actifs. En outre, si l'on tient compte des principes constamment réaffirmés par le Tri-bunal fédéral dans ce domaine, on ne peut exclure qu'un contrat de garantie même effectivement conclu dans un tel contexte, ne fasse l'objet d'une application par analogie de la courte prescription de l'art.

210 CO 269. Pour l'art. 201 CO, on peut même penser qu'une telle appli-cation s'impose.

Enfin, il faut relever que les inconvénients du bref délai de prescrip-tion se font également sentir dans d'autres cas, notamment lors de ventes successives du même objet. Le jeu des recours en cascade est difficilement praticable dans le délai d'une année et le premier acheteur se retrouve souvent démuni d'action. On ne lui permet pas pour autant d'invoquer un « contrat de garantie » en lieu et place d'une qualité promise.

La solution au problème de la prescription doit être apportée par une adaptation de la loi. La référence aux immeubles n'est pas sans intérêt.

S'il a été, dans ce cas, reconnu qu'une extension du délai

à

cinq ans s'imposait, une solution analogue pour le transfert d'une organisation aussi complexe que certaines entreprises se justifierait sans doute.

Quoiqu'elle puisse présenter des inconvénients pour les vendeurs de

269 Carry estime au contraire qu'une telle solution doit être exclue (op. cit., p. l 94). Il faut sans doute distinguer selon les motifs qui ont pu être déterminants dans la décision du Tribunal fédéral. Dans I' A TF 58 II 207, il relève d'une part qu'il ne se justifie pas d'appliquer des délais de prescription différents selon que l'on a une action basée, pour un même défaut, sur l'art. 208 CO en cas de résiliation de la vente ou sur l'art. 97 CO en suite d'une réduction du prix (p. 212 cons. 2) et qu'il serait contradictoire d'avoir deux délais de prescription différents pour les conséquences directes du défaut (action en réduction de prix) et pour la réparation du dommage qui en découle ; ces considérations corres-pondent à un souci de cohérence de la loi. Il constate d'autre part que l'appli-cation du court délai de prescription est nécessaire à la protection du vendeur par crainte d'une détérioration rapide de la chose et afin d'assurer un déroule-ment rapide des relations d'affaire. Ce dernier souci d'efficacité pratique est seul déterminant, semble-t-il, dans l' ATF 63 II 401 (p. 406 cons. 3 c). S'il doit être considéré comme l'argument de poids dans cette question, on ne peut exclure qu'il soit étendu à des situations analogues et soumises aux mêmes nécessités pratiques. Tout ce que l'on peut constater c'est que le Tribunal fédéral répugne à étendre par analogie les effets de la garantie du vendeur (A TF 63 II 401 ; Cavin, SJ 1969, p. 336-7). Cette réticence était justifiée dans l'ATF 63 II 301 par le fait que s'agissant de dispositions instituant une responsabilité sans faute, elles étaient trop exceptionnelle dans notre droit pour être ainsi étendues.

Cette timidité est critiquée par Cavin (SJ 1969, p. 367).

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