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Chapitre VI : Fédérer les hommes

1. Les associations d’artistes et d’architectes

1.2. Le Cercle d’études architecturales (CEA)

Autre réseau monoprofessionnel d’architectes a priori, le Cercles d’études architecturales (CEA) est une association créée en juin 1951891. Fondée et présidée par Auguste Perret, elle réunit en réalité des « hommes de différentes disciplines qui, par leur activité ou dans leurs œuvres, concourent à faire prévaloir l'esprit d'Architecture »892. L’affirmation de la pluridisciplinarité de cette association est toutefois nuancée par l’article 3 de ses statuts, qui stipule que le nombre des architectes ne saurait être inférieur au 4/5e de ses effectifs893. Sans atteindre ce chiffre, les architectes sont toutefois majoritairement représentés au sein de l’association par rapport aux autres professions. Ainsi, sur les 218 membres que compte le CEA en 1980, 63,8 % sont architectes ; 8,7 % sont plasticiens ; 5,5 % sont ingénieurs et 22 % exercent une autre profession894 (fig. 23).

886 Cf. les lettres, plans, descriptifs et notes de calculs conservés dans le fonds Le Ricolais à la bibliothèque

Kandinsky.

887 Sur ce projet, cf. les documents relatifs au complexe culturel de Boulogne-Billancourt, 1958-1969, conservés

à l’IFA sous la cote PINGU-H-58-2, ainsi que TEXIER Simon, op. cit., pp. 436-437.

888 Sur ce projet, voir les documents conservés dans les archives de Pierre Forestier, conservées à l’IFA, objet

FORPI-I-54-3.

889 Cf. les documents FORPI-I-54-4 conservés à l’IFA. 890

Bodiansky possède la carte de membre de l’UAM (1945) et de Formes Utiles (1957), mais également celle du CEA (carte n° 97). Nogue note également que Laffaille « ne participe pas au CIAM […] mais par contre, il participe à ces différents groupes : l'UAM, le CEA (Cercle d'études architecturales), le groupe Espace ». (NOGUE Nicolas, Bernard Laffaille…, op. cit., p. 608)

891

CEA, Statuts du Cercle d'études architecturales, Brochure, 8 pp., art. 1, p. 1 (CAMT, fonds Stéphane du Château, boîte 56).

892 Id.

893 Id., art. 3, p. 1.

894 Cf. Cercle d’études architecturales, « Compte rendu de l’assemblée générale du 6 avril 1981 », p. 5 (AD54,

Quelques noms nous permettent d’éclairer ce panel. On compte parmi les premiers membres actifs de cette association895 Jean Prouvé et Georges-Henri Rivière, tous deux vice- présidents, mais également des architectes comme Guillaume Gillet, Georges Candilis, Jean Le Couteur, Jean Renaudie, Ionel Schein, André Wogenscky, Bernard Zehrfuss ou Jean- François Zevaco par exemple. Parmi les ingénieurs, le CEA compte notamment Stéphane du Château, Serge Ketoff et Pier-Luigi Nervi ; tandis que l’on note la présence des entrepreneurs André Balency-Béarn et Raymond Camus, des politiques Eugène Claudius-Petit, François Bloch-Lainé, André Marini, Edgar Pisani, Pierre Dalloz et les critiques Michel Ragon et Maurice Besset.

Sous cette apparente hétérogénéité émerge en réalité un cercle professionnel et amical déjà constitué. Disciples ou relations professionnelles d’Auguste Perret, la majorité de ces acteurs sont des professionnels profondément engagés dans la Reconstruction d’une manière générale, et dans celle de la ville du Havre en particulier. Ce groupe est bien entendu appelé à s’élargir en intégrant notamment les générations les plus jeunes et d’autres professionnels, dont l’intérêt vis-à-vis de l’association est moins évident. Quelles sont en effet les motivations de Jean Perrottet ou Serge Ketoff, membres du comité directeur du CEA à la fin des années soixante ou encore de Louis Fruitet et Ionel Schein, respectivement secrétaire général et secrétaire général adjoint de l’association en 1979896 ?

Désireux de participer à toutes les réflexions qui touchent le secteur de la construction, le CEA s’intéresse dès la fin des années soixante, aussi bien aux différentes réformes qui portent alors sur l’enseignement, sur la loi sur l’architecture et la réforme de l’ingénierie qu’à la recherche et la création architecturale. En 1979 par exemple, l’ingénieur Louis Fruitet participe, avec l’architecte Marty et l’administrateur Mollard, à un groupe de réflexion portant sur le décret de l’ingénierie, afin d’effectuer un bilan des procédures qui en sont issues897. Agréée par le CORDA, cette étude du CEA est complétée par une enquête auprès des membres de l’association. Ainsi, le CEA ne se contente pas de contester les procédures d’ingénierie dès 1977898, mais vise par cette étude, une véritable réflexion après investigations. Ne connaissant à l’heure actuelle les conclusions de cette recherche, elle nous

895 « Liste des membres actifs du CEA » (AN-CAC, cote 19790660/57). 896

Cf. Cercle d’études architecturales, « Compte rendu de l’assemblée générale du 26 mars 1979 », 7 pp. dactyl. et 2 pp., p. 7 (AD54, fonds Jean Prouvé, cote 230 J 39).

897 Id., p. 3.

898 Décrets du 28 février et 29 juin 1973 sur l'« Ingénierie et architecture » (NOGUE Nicolas, « Les ingénieurs et

permet toutefois d’apprécier la volonté de participation du CEA et de ses membres sur l’actualité architecturale.

Pourtant les prises de position de cette association sur l’actualité architecturale au sens le plus large sont méconnues. Rapports aux pouvoirs publics et articles dans la presse899 sont pourtant le fruit de réflexions des différents groupes de travail qui composent l’association. Leur action tente se s’inscrire au plus près des préoccupations des différents ministères concernés par l’architecture et principalement des ministères des Affaires culturelles et de la Construction900. Invitant diverses personnalités pour participer à leurs débats et tables rondes, ils entendent peser dans les décisions ministérielles. Ainsi, le CEA tente d’être un moyen d’action efficace, et surtout entendu par les pouvoirs publics, pour le milieu de l’architecture. Cette activité de réflexion et de proposition prend de l’ampleur dès le début des années 1970. Elle prend le pas sur des actions plus communes de l’association comme les conférences- visites de chantier et voyages d’actualité, ses grands prix, expositions et conférences901, ainsi que l’édition d’un organe de diffusion, Les Cahiers du Cercle d'études architecturales, de 1952 à 1960, qui devient à cette date CEA902.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les associations telles que l’UAM ou le CEA ne sont pas monoprofessionnelles mais, au contraire, pluridisciplinaires. Ouvertes à toutes les professions œuvrant dans le domaine architectural, elles fédèrent aussi bien les architectes que les artistes et plasticiens, designers, ingénieurs, techniciens, mais également des professions qui ont tenté d’influer sur des grands thèmes comme la salubrité, l’hygiène, etc. Après la seconde guerre mondiale, ces rapprochements interdisciplinaires se multiplient. Poursuivant le plus souvent des associations éphémères de l’entre-deux-guerres, un certain nombre d’entre eux se cristallisent autour de la figure emblématique d’André Bloc.

899 Cf. « Assemblée générale du Cercle d'études architecturales », 4 novembre 1968, 6 pp. dactyl., p. 1. (CAMT,

fonds Stéphane du Château, boîte 157), qui évoque ce type d’action du CEA au sujet de l’enseignement de l’architecture depuis 1954.

900 Cf. Cercle d’études architecturales, « Compte rendu de l’assemblée générale du 4 décembre 1972 », 4 pp.

dactyl. (CAMT, fonds Stéphane du Château, boîte 157).

901 Cf. notamment « Réunions du Cercle d’études architecturales, année 1967-1968 », in « Assemblée générale

du Cercle d'études architecturales », 4 novembre 1968, 6 pp. dactyl., pp. 5-6. (CAMT, fonds Stéphane du Château, boîte 157) qui donne un aperçu des visites, voyages et conférences programmées.

902 Quelques numéros de la revue CEA sont conservés dans le fonds d’archives de Stéphane du Château (CAMT,

fonds Stéphane du Château, boîte 157). On les trouve également à la bibliothèque nationale de France, sous la cote 8-V-62318.

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