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Le renouvellement de l’épithélium intestinal dépend des cellules souches intestinales qui possèdent 2 caractéristiques principales : s’auto-renouveler durablement et pouvoir donner naissance à toutes les cellules de l’épithélium intestinal mature (Figure 5).

Historiquement, la localisation des cellules souches intestinales fut un sujet d’intenses débats. En 1974, Cheng et Leblond ont décrit les cellules colonnaires de la base de la crypte (CBC) comme étant des cellules souches. Pour cela, ils ont injecté de la thymidine radioactive à des souris ce qui entrainait la mort de certaines cellules de la crypte, probablement à cause des radiations. Les auteurs ont également observé que les cellules de la base de la crypte restantes phagocytaient, au moins en partie, les cellules mortes, créant ainsi des phagosomes radiomarqués dans les CBC. Ce marquage des phagosomes a donc permis aux auteurs de suivre l’évolution de ces cellules. Quelques jours après le marquage des CBC, ils ont pu observer des cellules marquées dans tout l’épithélium intestinal, qui représentaient tous les types cellulaires différenciés. Les auteurs ont donc conclu que ces cellules à la base de la crypte pouvaient donner naissance à toutes les cellules de l’épithélium et pouvaient donc être considérées comme les cellules souches de l’épithélium intestinal (Cheng and Leblond, 1974). Potten et ses collaborateurs font, eux, l’hypothèse que les cellules souches conservent les brins d’ADN parentaux lors des mitoses successives pour éviter les mutations dues aux erreurs de réplication. Pour tester cette hypothèse, ils ont irradié (aux rayons X) des souris pour analyser le renouvellement de l’épithélium, et leurs ont injecté de la thymidine tritiée, plusieurs fois, pour marquer les cellules prolifératives. Quarante minutes après la dernière injection de thymidine tritiée, la quasi-totalité des cellules de la crypte est marquée. Cependant, 28 jours après la dernière injection, seules quelques cellules sont encore fortement marquées. Ils ont donc conclu que ces cellules qui retiennent ce marquage à long terme, placées au-dessus des cellules de Paneth (en position +4), étaient probablement des cellules souches (Potten et al., 1978). Cependant, cette méthode est basée sur une technique indirecte et dépendante de l’hypothèse des brins d’ADN parentaux conservés. Ces cellules pourraient aussi être des cellules différenciées à longue durée de vie. En 1999, Bjerknes et Cheng ont montré, grâce au suivi de clones mutés aléatoirement, que les cellules en positions 1 à 5 sont responsables du renouvellement de tous les types cellulaires de l’épithélium intestinal et présentent également une longue durée de vie

Figure 6 : Suivi du lignage in vivo

La GFP et la CRE sont exprimées sous la dépendance du promoteur du gène marqueur des cellules souches putatives (ici Lgr5). Ces cellules sont donc GFP+ en absence d’induction de la CRE (A), et deviennent aussi

LacZ+lors de l’induction de la translocation nucléaire de la CRE (B). Les cellules filles provenant d’une cellules

souches induites sont alors LacZ+et GFP-(C). Le panel D montre in vivo les 3 différents scénario cellulaires. E :

Schéma du suivi du lignage à différents stades à partir de cellules souches Lgr5+, montrant la génération de

clones à longue durée de vie et contenant tous les types cellulaires différenciés. D’après Snippert and Clevers, 2011.

A

B

C

D

6

(Bjerknes and Cheng, 1999). Cette étude confirme le caractère souche des cellules présentes à la base des cryptes.

L’avancée majeure dans la caractérisation des cellules souches intestinales a été la découverte des gènes marqueurs de ces cellules. La découverte de ces marqueurs spécifiques permet d’analyser les 2 grandes caractéristiques des cellules souches : l’auto- renouvellement et la multipotence. Pour cela, la technique du suivi de descendance des cellules souches, basée sur celle de Cheng et Leblond, a été mise au point. Dans cette technique, une cassette contenant les séquences de la Gfp et de la Cre recombinase (dont la translocation nucléaire est inductible grâce au tamoxifène) est insérée sous la dépendance du promoteur du gène marqueur putatif des cellules souches, de manière hétérozygote. Puis ces souris sont croisées avec des animaux contenant, dans le locus Rosa26, une séquence codant pour LacZ et qui ne s’exprime que lorsque la CRE recombinase est active. La révélation de la β-galactosidase permet ainsi de visualiser toutes les cellules qui ont exprimé la Cre durant leur vie (donc dans lesquelles le promoteur du gène marqueur putatif des cellules souches a été actif) et de suivre les cellules (descendantes) ayant héritées de la recombinaison (Figure 6). Le laboratoire de Hans Clevers a été le premier à utiliser cette technique pour la découverte du marqueur spécifique des CBC : Lgr5 (Barker et al., 2007). Ils ont observé que, plusieurs jours après l’induction de la recombinaison, tous les types cellulaires expriment LacZ, ce qui confirme les observations de Cheng, Leblond et Bjerknes sur le caractère souche des CBC. Les auteurs ont également observé que les cellules souches du colon sont également Lgr5+ (Barker et al., 2007). Quant aux cellules en position « +4 », de

nombreuses études ont été menées pour les caractériser. Les marqueurs Bmi (Sangiorgi and Capecchi, 2008), mTert (Montgomery et al., 2011), Hopx (Takeda et al., 2011) et Lrig1 (Powell et al., 2012) ont été caractérisés comme permettant d’identifier des cellules préférentiellement en position +4, qui sont distinctes des cellules Lgr5+. Grâce à ces

marqueurs, il a pu être mis en évidence la capacité de ces cellules à renouveler l’épithélium. Les auteurs ont observé que ces différents types cellulaires prolifèrent très faiblement par rapport aux cellules Lgr5+. Cependant, après irradiation, leur prolifération est stimulée, ce

qui leur permet de renouveler l’épithélium rapidement. Les auteurs ont donc fait l’hypothèse que ces cellules permettraient le renouvellement du tissu en cas de lésion de celui-ci. Néanmoins, la spécificité des marqueurs de ces cellules +4 ainsi que la distinction

Wnt

Notch

Bmp

Figure 7 : Patron d’activation des voies de signalisation

La voie Wnt est fortement active dans les cryptes et favorise la prolifération et le maintien des cellules prolifératives. La voie Bmp est active dans les villosités et

permet la différenciation des

cellules. La voie Notch est active dans les cryptes au niveau des cellules progénitrices absorbantes et des cellules souches et permet notamment le choix du lignage de différenciation et le maintien de la prolifération.

Villosité

Crypte

Figure 8 : La voie de signalisation Wnt

En absence de ligand, le complexe de destruction dégrade la β-caténine, et l’absence de R-spondine entraine également la destruction du récepteur de la voie : Frizzled (FZD). En présence de ligand et de R-spondin, le complexe de destruction est inhibé, la β-caténine s’accumule et entre dans le noyau. La β-caténine se fixe alors à ses cibles avec les facteurs de transcription TCF pour permettre d’activer la transcription des gènes cibles de la voie. D’après Gehart and Clevers, 2019.

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entre les différents types de cellules souches est encore source de débats (Li et al., 2014; Muñoz et al., 2012). A l’heure actuelle les CBC (Lgr5+), qui sont très prolifératives et

localisées à la base de la crypte entre les cellules de Paneth, sont considérées comme les cellules souches permettant le renouvellement quotidien de l’épithélium. En revanche, les cellules en position +4 (plusieurs marqueurs et peut-être plusieurs types de cellules) sont toujours l’objet de débats pour savoir si ce sont réellement des cellules souches quiescentes qui permettent le renouvellement en cas de lésion du tissu.