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Chapitre 2 : Fabrication d’une biocathode abiotique pour la réduction de l’oxygène

2.1 Catalyseurs de la réaction de réduction de l’oxygène

2.1.4 Catalyseur de type Me-N/C

Un autre type de dopage des matériaux carbonés, également très prometteur, combine deux types de dopage via l’insertion de métaux de transition (Me) et ajout de gaz comportant de l’azote (N2, ammoniaque…) au sein de matrice carbonée (Me-N/C). Ce type de catalyseur montre des performances supérieures aux catalyseurs N/C [86]. Parmi les différents métaux de transition utilisables, le fer se distingue particulièrement. Les catalyseurs de type Fe-N/C sont parmi les catalyseurs de l’ORR les plus prometteurs car ils démontrent des performances similaires et même supérieures (en conditions acides et alcalines) à celle des matériaux de type Pt/C qui étaient jusqu’à présent la référence en termes de stabilité et de performance pour la catalyse de l’ORR [87]–[89]. Les catalyseurs Fe-N/C sont sous le joug d’une recherche très active, de nombreuses études démontrent que les performances de ces catalyseurs dépendent de nombreux paramètres tels que la voie de

synthèse, les précurseurs de fer, d’azote et de carbone utilisés, et également les conditions de traitement thermique. Tous ces paramètres influencentfortement la formation des complexes actifs Fe/N au sein de la matrice carbonée, or comme pour le cas du dopage à l’azote, les sites actifs des matériaux Fe-N/C sont encore aujourd’hui mal définis. Toutefois, Jaouen et al. identifient dans leur étude sur du graphène dopé Fe/N, une forme porphyrine de type FeN4C12 qui favorise un mécanisme à 4 électrons lors de l’ORR [90]. Cette forme met en jeu un complexe pour lequel l’atome de fer est coordonné par 4 atomes d’azoteliés à des atomes de carbone qui, contrairement à ce qui était alors pensé, ne sont pas tous dans un cycle à 6 atomes de carbone. Jaouen et al. expliquent qu’en raison de leur structure géométrique, les fractions porphyriniques peuvent se former soit dans des feuilles de graphène fortement désordonnées, soit entre les feuilles de graphène en zigzag définissant un micropore [90]. Les travaux plus récents de Chen et al. [91] montrent l’isolation d’un site actif d’un catalyseur Fe-N/C préparé par pyrolyse des précurseurs. Leur étude montre une structure où cette fois-ci les atomes d’azote coordonnant l’atome de fer seraient inclus dans des cycles a 6 atomes de carbone. Leur catalyseur présente une excellente activité ORR offrant une densité de courant maximale de 37.83 mA.cm-2 à 0.85 V (vs ERH) et en condition très acide, une bonne stabilité sur 3000 cycles (figure 36). Leurs courbes de Koutecky et Levich montrent un mécanisme réactionnel global impliquant 3,9 électrons avec un relargage de peroxyde d’hydrogène mesuré par électrode à disque et anneau tournants de 5% [91].

Bien que leurs systèmes soient performants, leurs mesures sont effectuées avec 0,1 M de HClO4, soit un pH de 1, ces conditions d’études sont très éloignées de celles imposées par la physiologie. De plus, dans le cas des travaux de Chen et al., aucune mesure ne vérifie s’il y a un relargage de particules de fer en solution ou si des impuretés restent adsorbées en surface du graphène via les électrons π, ce qui n’est pas nécessaire compte tenu de l’application qu’ils visent, à savoir, les piles à combustible, mais qui l’est dans le domaine de l’implantation, ce qui causerait des inflammations et des réactions de rejets.

Figure 36: Courbes de polarisation ; histogramme de densité de courant maximale obtenue et stabilité de la densité de courant sur 3000 cycle selon [91]

De manière plus générale, il est difficile de conclure sur l’identification des sites actifs des catalyseurs Fe/N-rGO impliqués dans l’ORR. De nombreuses caractérisations ont été faites afin de répondre à cette problématique, employant la microscopie à transmission électronique à haute résolution [91]–[94], la diffraction des rayons X [92], [95], [96], la spectroscopie Mössbauer [97]–[99], l’absorption des rayons- X [91], [94], [97]–[101], ou encore la voltammétrie cyclique [102], [103]. Ces caractérisations ont eu pour résultats d’identifier plusieurs formes de fer comme étant actives pour l’ORR, telles que : la coordination d’atomes de fer par des atomes d’azote [102], [104], [105] ; le carbone graphitique recouvert de carbure de fer ; le carbone graphitique recouvert de fer métallique ou d’oxyde de fer [92], [96], [97], [106]–[108] ou bien, les formes décrites par Jaouen et al. [90] de FeNxCy. Malgré cette incertitude, le catalyseur de forme Fe/N-rGO, reste un catalyseur de choix pour la catalyse de l’ORR. Toutefois, la littérature manque d’information sur son fonctionnement à pH neutre et aucune étude à ce jour n’a été réalisée pour étudier son comportement en conditions physiologiques. Ce travail de thèse c’est donc attaché à étudier les performances électrochimiques, en conditions physiologiques, du catalyseur de type Fe/N-rGO réalisé au sein de l’équipe de L. Dubois (INAC/CEA). Récemment, Dubois et al. [109] ont proposé une méthode chimique de synthèse d’un précurseur de la catalyse de l’ORR : l’oxyde de graphène réduit (rGO). Leur synthèse offre un graphène exempt d’impureté métallique qui peutpar la suite être dopé au fer et à l’azote pour donner le catalyseur : Fe/N-rGO. La synthèse de leur matériau repose sur l’exfoliation du graphite avec la méthode de Hummer suiviede la réduction du graphène avec SnCl2 en présence d’acide chlorhydrique concentré.

Figure 37: voie de synthèse du graphène exempte d’impureté selon Dubois et al. [109]

L’utilisation de l’étain offre comme avantage des degrés d’oxydation de +II et +IV, qui sont des états diamagnétiques de l’étain et qui seraient sans conséquence pour l’ORR si des traces de résidu venaient à rester, les ions chlorures permettent une bonne complexation des ions métalliques ainsi qu’une solubilité dans l’eau, offrant une élimination très efficace des éléments chimiquesutilisés lors de la réduction.

Figure 38: a/ DRX, b/ Courbes ATG, c/ spectre FT-IR, d/ spectre Raman, du graphite d’origine, GO et Sn–rGO ; e/ Spectre XPS f/ Spectre XPS à haute résolution de Sn–rGO; les régions C1s et Sn montrent aucune trace de Sn, d’après [109]

Leur étude montre que la réduction du GO en rGO ne modifie pas la structure et restaure une configuration sous forme hexagonale du graphène, incluant donc des cycles à 6 atomes de carbone. L’étude DRX montre que la réduction du GO retire les fonctions oxygénées majoritairement via l’ouverture de cycle époxy. Cette étude indique que le graphène obtenuest sous forme sp2. Comme aucune trace de particule de SnO2 n’a pu être détectée, il semblerait que les conditions utilisées pour synthétiser Sn – rGO excluent la formation de particules de SnO2 ou bien elles sont extraites au cours du rinçage. En addition, l’étude IR confirme que la réduction élimine la plupart des fonctions oxygénées et aucune trace de la forme O-Sn-O n’est observée. Par ailleurs, une étude XPS montre que la surface du rGO obtenue présente un système électronique π conjugué et l’absence totale d’impureté métallique.

La voie de synthèse de fabrication proposée par Dubois et al. [109] est à ce jour l’une des voies les plus efficace pour obtenir un graphène exempt d’impureté métallique et donc susceptible de jouer le rôle de catalyseur de l’ORR pour une cathode abiotique. Toutefois de nombreux tests doivent être effectués afin de vérifier les performances que peut offrir ce catalyseur en condition physiologique et donc à pH neutre, mais également l’impact qu’il peut avoir sur le vivant.