• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 : Etat de l’art

2.4 Les Piles à combustible

2.4.2 Les Biopiles à combustible

2.4.2.2 Les Biopiles abiotiques

2.4.2.2.1 Biopiles abiotiques in vitro

Historiquement le concept d’une pile à combustible utilisant des catalyseurs abiotiquesafin d’oxyder le glucose remonte avec les travaux publiés par Bockris qui étudia, en 1964, l’oxydation anodique de la cellulose et de glucides [58]. Un brevet déposé par Union Carbide décrit également une pile à combustible utilisant des combustibles organiques solides avec notamment l’oxydation du glucose en milieu alcalin [59]. On peut également citer les travaux de Warner et Robinson [60] qui ont développé une biopile abiotique capable de produire de l’électricité à partir de fluide corporel. Leur prototype était capable de fournir des performances de 165 µW.cm-2 pendant 24h et pouvait fonctionner en continu sur près de 250 h. Avec ce dispositif Warner et Robinson visait l’alimentation du pacemaker, qui venait alors d’être développé, via une implantation de leur biopile, toutefois, ils se confrontèrent très rapidement à des phénomènes de désinhibition et de biofouling de leur biopile en présence de liquide pleural. En parallèle, Wolson et al. ont développé une biopile abiotique qu’ils qualifièrent de « bioauto-pile combustible » [61]. Cette biopile était composée de deux électrodes de platine séparées l’une de l’autre dans des béchers reliés par un pont salin composé de chlorure de potassium. Les deux béchers contenaient une solution tamponnée à pH neutre de phosphate et bicarbonate. Dans l’un des béchers, où avait lieu la réaction d’oxydation du glucose (avec 5 mM de glucose), barbotait de l’azote afin d’empêcher la réaction parasite de réduction de l’oxygène qui devait avoir lieu dans le deuxième bécher où était bullé de l’oxygène. Les performances de la biopile développée par Wolson et al.

atteignirent 3,5 µW.cm-2 pour une durée maximale de 18h, toutefois, leur dispositif ne put être étudier dans des conditions physiologiques où glucose et oxygène sont présents tous les deux.

Les années 1990 voient le développement des MEMS, microsystèmes électromécaniques, qui ont permis non seulement de réduire la taille des dispositifs électroniques complexes, en particulier implantés, mais également leur consommation électrique. Comme les DMIas nécessitent moins d’énergie, notamment les pacemakers, Woias et al. donnent, avec leurs travaux, un regain d’intérêt aux biopiles abiotiques [62]. Dans ce même temps, le développement de nouveaux nanomatériaux va également voir le jour et contribuer au regain d’intérêt des biopiles abiotiqueset plus généralement aux piles à combustible. Grâce à cette diminution de la taille des catalyseurs, les chercheurs ont pu développer des électrodes plus performantes, grâce à une activité catalytique augmentée via des surfaces spécifiques plus importantes. Par exemple, Von Stetten et al. [63] ont déposé des particules de platine sur du carbone (figure 27) afin de développer une anode abiotique. Pour autant, la puissance délivrée par cette biopile reste faible (2 µW.cm-2) et sa stabilité est inférieure à quinze jours.

En 2012, Cosnier et al. [64], ont développé une biopile abiotique à base de nanotubes de carbone, et de complexe de diméthylester deutéroporphyrine rhodium (III) pour l’oxydation du glucose et un catalyseur de phthalocyanine de cobalt (II) pour la réduction de l’oxygène. Les auteurs ont démontré que la pile pouvait fournirdes densités de puissances de 0,182 mW.cm-2 à 0,22 V, et une OCP de 0,64 V avec 50 mM de Glucose et à pH alcalin. Cependant, leur diagramme de Pourbaix démontre qu’à un pH neutre, le complexe de rhodium existe sous trois formes selon le potentiel : Rh(I)-H ; Rh(II) et Rh(III)- OH, avec un écart de potentiel entre les couples Rh(I)H/Rh(II) et Rh(II)/Rh(III)-OH de l’ordre de 150 mV vs ECS (figure 28). L’apparition de ce système à trois espèces redox implique qu’il ne peut y avoir de

Figure 27: Schéma et stabilité dans le temps d’une anode abiotique de nanoparticules de Pt sur du carbone selon Von Stetten [63]

transfert direct de deux électrons au glucose à pH neutre, pouvant conduire à une oxydation partielle du glucose. De ce fait, l’utilisation de ce système en implantable semble compromis.

Puis récemment, en 2014, Holade et al. ont conçu une biopile abiotique capable d’alimenter un pacemaker, à partir d’une solution de sérum humain [65]. Leur travail portesur le développement de catalyseur bimétallique d’or et platine sous forme de nanoparticules déposéessur du noir de carbone (CB), le tout déposé sur du buckypaper ou du papier carbone. Les auteurs ont proposé une composition de Au60Pt40/CB pour l’anode et une composition de Au100Pt0/CB pour la réduction de l’oxygène à la cathode, ceci, après avoir mesuré la plus grande différence de potentiel entre deux électrodes constituées de différentsratios de Au/Pt en présence de Glucose et d’oxygène dissous. Leur biopile a délivré une puissance maximale de 105 µW en condition physiologique avec une tension de 0,35 V et une densité de courant de 0,65 mA.cm-2. Ces travaux démontrent la faisabilité du développement d’un DMIa autoalimenté via une biopile à glucose et oxygène totalement abiotique. Les auteurs ont su développer un système fonctionnant en condition physiologique et qui contenait simultanément de l’oxygène et du glucose, bien que les catalyseurs employés n’étaient pas sélectifs, la réaction parasite d’ORR à l’anode était observée mais négligeable et tolérée par le système.

En 2019, Zhao et al. ont proposé d’utiliser dans leurs travaux [66], un complexe de cuivre utilisant comme ligand : 3,5-diamino-1,2,4-triazole (Hdatrz) (figure 29), afin de réduire l’oxygène à la cathode et ont utilisé une anode faite de nanoparticulesd’or et chaque catalyseur fut déposé sur une plaque d’oxyded’indium-étain [66].

Figure 28: Diagramme de Pourbaix et CV à différents pH d’une électrode MWCNT/(DPDE)RhIII (v = 50 mV.s-1, Britton-Robinson

Figure 29: a/ Procédure d’accroche du complexe [Cu(Hdatrz)] sur une électrode d’oxyde d’indium-étain b/ Schéma du principe de fonctionnement du bio-détecteur de PPi auto-alimenté [66]

Cette biopile présente une OCV de 810 mV et délivre, en conditions physiologiqueset 5 mM de glucose, une puissance de 104 µW.cm-2. La densité de puissance est stable sur une période de 15 jours puis une diminution est observéejusqu’à atteindre 70 µW.cm-2 après 30 jours d’expérimentation. Les auteurs expliquent que leur dispositif est en fait un double dispositif, pouvant jouer le rôle de biopile mais également de capteur du fait d’une plus forte affinité de coordination entre Cu2+ et le liant pyrophosphate, dont la présence est caractéristique de la maladie de chondrocalcinose articulaire, que le liant Hdatrz.

Figure 30:a/ Courbe de polarisation (noir) et de puissance (bleu) de la biopile abiotique de Zhao et al. avec 5 mM de glucose b/ relation entre la densité de puissance max et le temps de fonctionnement selon Zhao et al. [66]

Zhao et al. [66] ont développéune cathode ainsi qu’un système de biopile innovant et prometteur, innovant, car le procédé de réduction de l’oxygène semble sélectif et prometteur du fait des performances annoncées. Toutefois, si une remarque peut être faite, elle portera sur la stabilité du

système, la courbe que montrent les auteurs reliant la puissance de la pile en fonction du temps de l’expérience, montre une perte de 40% des performances après 30 jours d’activité, ce qui doit être optimisé afin de viser une application d’implantation. Dans cette optique d’implantation, une autre étude qui doit être menée, car décisive, est une étude in vivo, afin d’observer d’une part si les phénomènes de bio encrassement ne désinhibent pas leur système catalytique, car l’emploide surface comportant des nanoparticules d’or, bien que biocompatible, apportent des phénomènes d’adhésion de molécules et organismes issusde la biologie.