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a. Origine exogène

Les agents pouvant conduire à la formation de CDB peuvent être divisés en deux catégories : les agents physiques qui sont principalement les radiations ionisantes (RI) et les agents chimiques. Le traitement par les RI et par des certains agents chimiques produisant des CDB est utilisé dans le cadre de la thérapie anticancéreuse.

- Les radiations ionisantes

Même si les RI ont un effet préférentiel sur l’ADN, ils interagissent avec tous les types de macromolécules de la cellule : lipides, protéines… (Albanese and Dainiak, 2003). Les lésions produites par les RI sont de diverses natures (Goodhead, 1994): lésions oxydatives (~2000 lésions pour 1 Gy), pontages covalents entre ADN et protéines, cassures simple brin de l’ADN (~1000 pour 1 Gy) et des CDB (~40 pour 1 Gy). Si les RI induisent autant de dommages à l’ADN, cela est du majoritairement à l’action radicalaire du rayonnement. Les RI interagissent avec les molécules d’eau et produisent des espèces réactives de l’oxygène par le processus de la radiolyse de l’eau, c’est-à-dire que l’énergie du rayon transférée à la molécule d’eau conduit à son ionisation (Feldberg and Carew, 1981). La molécule d’eau, instable se fragmente alors et l’électron éjecté peut réagir avec d’autres molécules à proximité comme l’ADN. Cette attaque peut conduire à un large spectre de lésions dont les CDB qui peuvent être dues soit à l’apparition aléatoire de cassures simple brin proches, soit à la formation de cassures simple brin comme intermédiaires

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de la réparation de dommages des bases de l’ADN. Les RI peuvent également générer directement des CDB même si ce phénomène est minoritaire (pour revue (Shikazono et al., 2009)).

- Les agents chimiques

On peut distinguer plusieurs classes selon leur mode d’induction des CDB.

Les molécules dites radiomimétiques induisent des CDB de la même façon que les RI, en attaquant la molécule d’ADN (Povirk, 1996). Les agents radiomimétiques sont connus pour générer moins de cassures simple brin de l’ADN par rapport aux RI. La calichéamicine induit 30 % CDB (Elmroth et al., 2003), obtenues de façon directe par deux cassures simple brin générées simultanément sur les deux brins (Walker et al., 1992). L’utilisation clinique de la calichéamicine est limitée par sa très forte toxicité. La bléomycine est une autre molécule capable de produire ~10 % de CDB (Povirk, 1996). C’est un antibiotique glycopeptidique naturel, basique et hydrosoluble. Elle est utilisée dans des traitements de lymphomes en association avec d’autres médicaments (Martinelli et al., 2003).

Les inhibiteurs de topoisomérases conduisent à la formation de CDB en inhibant ces enzymes, impliquées dans la modification de la topologie de l’ADN. Le mode d’action des topoisomérases fait intervenir un clivage de l’ADN (simple brin pour les topoisomérases I et double brin pour les topoisomérases II) pour éviter les phénomènes de surtension qu’occasionnent la réplication, la recombinaison et la transcription (Nitiss and Wang, 1996). Dans le cas des topoisomérases I, les inhibiteurs (tels que le Topotécan) se lient au complexe de clivage topoisomérase-ADN et empêchent la religature. Puis, la cassure simple brin est convertie en CDB à la suite d’une rencontre avec la machinerie de réplication par exemple. Dans le cas des topoisomérases II, les inhibiteurs (tels que l’Etoposide ou le Ténoposide) provoquent donc la CDB en une seule étape.

b. Origine endogène

Une étude a montré que le taux de CDB spontanées lors d’un cycle cellulaire est de 50, soit une cassure toutes les 108 paires de bases (Vilenchik and Knudson, 2003). Ce taux élevé, équivalent à une irradiation de 1,5 Gy, indique que le métabolisme cellulaire est la source la plus importante de CDB. Il semble en effet que le stress oxydatif soit une source importante de CDB indirectes

Thèse Oriane BOMBARDE

2009

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(Su, 2006) puisque le passage d’une fourche de réplication au niveau d’une cassure simple-brin peut entrainer une rupture de l’une des chromatides (Kogoma, 1997).

Aussi cytotoxique qu’une CDB puisse l’être, elle est programmée dans certains cas comme par exemple au cours de processus tel que la recombinaison V(D)J ou la commutation isotypique. La recombinaison V(D)J est un mécanisme de recombinaison de l’ADN qui permet la production d’une grande variété d’immunoglobulines (Ig) par les lymphocytes B et de récepteurs des cellules lymphoïdes T (TCR), supports de la réponse immunitaire. Cela permet la reconnaissance d’une immense diversité d’antigènes. Les Ig et les TCR sont constitués de deux chaines polypeptidiques : la chaine lourde et la chaine légère, elles-mêmes composées d’une région variable et d’une région constante. La recombinaison V(D)J concerne la recombinaison de régions géniques, appelées segments, destinées à créer une infinité de régions variables pour la chaine lourde (segments V, segments D et segments J) et pour la chaine légère (segment V et segment J). Elle se fait en deux étapes principales : l’étape de clivage qui fait intervenir un complexe protéique : RAG1/RAG2/HMG1 puis l’étape de réparation de la CDB produite qui se fait par le mécanisme NHEJ dans lequel la protéine ARTEMIS va maturer l’extrémité 3’ et la TdT (terminal desoxynucléotidyl transferase) va ajouter des nucléotides de façon aléatoire, augmentant la variété jonctionnelle.

La commutation isotypique intervient également lors de la réponse immunitaire puisqu’elle permet la substitution de la chaine lourde M (IgM) par celle d’un isotype (IgG, IgA ou IgE) sans modifier la spécificité de l’épitope. De même que lors de la recombinaison V(D)J, une CDB est produite puis réparée vraisemblablement par NHEJ puisque les protéines ARTEMIS et DNA-PKcs sont impliquées (Franco et al., 2008). Ceci est encore controversé car des études ont montré que le niveau de commutation isotypique n’était pas altéré en absence de DNA-PKcs et suggère que la ligature se ferait par un mécanisme alternatif de ligature (Kiefer et al., 2007).

En première division de méiose, chaque paire de chromosomes homologues est connectée par au moins un événement de recombinaison réciproque, ou crossing-over, visible au microscope sous forme de chiasma. Ces événements d’échanges, produits en prophase, sont essentiels pour la ségrégation réductionnelle des chromosomes homologues : en l’absence de recombinaison méiotique, la ségrégation des chromosomes est en effet altérée, ce qui conduit en général à la formation de gamètes au contenu chromosomique anormal, et donc à une stérilité. Au niveau

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moléculaire, il a été montré chez S. cerevisiae que les événements de recombinaison débutent par la formation de CDB de l’ADN chromosomique. Leur réparation par recombinaison avec le chromosome homologue engendre des conversions géniques, événements non réciproques et des crossing-over. L’étape de cassure est déterminante, puisqu’elle provoque une lésion dans l’ADN et qu’elle conditionne la fréquence et la distribution des événements de recombinaison. Elle est sous la dépendance de plusieurs gènes dont la fonction est encore inconnue pour la plupart (pour revue (Keeney and Neale, 2006)).