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Troisième partie: Prise en charge et

VII. PRISE EN CHARGE DE LA DIARRHEE BACTERIENNE

4- Cas particuliers :

La déshydratation hypernatrémique (sodium > 160 mmol/L) : il faut réhydrater l’enfant plus lentement ; sur 12h, en privilégiant, là encore, la voie orale, sous contrôle fréquent de la natrémie afin de ne pas l’abaisser de plus de 1 mmol/h.

Le cas échéant, il faut aussi corriger l’hyperthermie sévère. Dans tous les cas, la réévaluation du poids et de l’examen clinique en cours de réhydratation est essentielle et doit être réalisé au bout de 4h, puis toutes les 12h jusqu’à ce que la situation s’améliore franchement.

Si l’état clinique est préoccupant ou si la réhydratation orale s’avère impossible, inefficace ou insuffisante, la réhydratation par voie veineuse est alors indiquée. L’administration de bicaborbonate de sodium en cas d’acidose métabolique n’est pas indispensable, car la restauration d’une volemie efficace, en améliorant la perfusion des organes et tissus à l’origine de l’acidose, suffit à corriger progressivement le pH.

B. Réalimentation [22,56, 74, 82]

Cette mise au point, consacrée à l'alimentation des diarrhées aiguës du nourrisson et du jeune enfant, a pour objectif d'actualiser les recommandations formulées par le Comité de nutrition de la Société française de pédiatrie en 2002.

En fait depuis ces recommandations très peu de choses ont évolué si ce n'est la conviction de plus en plus nette de la nécessité, dans la majorité des cas, d'une réalimentation précoce voire de poursuivre l'alimentation parallè1ement à la réhydratation. Le traitement des diarrhées aiguës de l'enfant repose en effet avant tout sur la correction des pertes en eau et en électrolytes et le maintien de l'équilibre hydro-é1ectrolytique par l'utilisation des solutions de réhydratation orale (SRO). Cependant la fréquence et la gravité de la diarrhée aigue du nourrisson et du jeune enfant restent une préoccupation quotidienne tant dans les pays en développement, ou’ la mortalité reste é1evée, quoique diminuée grâce à l'utilisation de SRO, que dans les pays industrialisés où la mortalité est non négligeable et la morbidité importante. En 2000, aux Etats-Unis, il a pu être estimé qu'un enfant de moins de 5 ans sur 23 à 27 avait nécessité une hospitalisation pour diarrhée, tandis que la diarrhée aigue représentait 20 % des motifs de consultations des enfants de moins de 2 ans. Dans les pays en développement, l'incidence de la diarrhée aigue chez l'enfant de moins de 5 ans est de 38 épisodes par an. I1 y est démontré que non seulement la malnutrition est un facteur de risque important de survenue de la diarrhée, mais encore que la répétition des épisodes de diarrhée aigue est responsable d'un ralentissement de la croissance.

La réhydratation orale et la réalimentation précoce constituent les deux phases essentielles, et éventuellement concomitantes, du traitement de la diarrh6e aigue du nourrisson. La réhydratation orale restaure l'équilibre hydro-é1ectrolytique; la réalimentation précoce accé1ère le retour à la normale de l'état nutritionnel et diminue la fréquence et la durée des anomalies de la perméabilité intestinale, tout en raccourcissant la durée de la diarrhée.

Nourrir l’intestin et l'enfant plutôt que de mettre au repos le tube digestif

L'habitude de mettre au repos le tube digestif par un jeûne quasi complet pour diminuer le flux diarrhéique était commune jusqu'au début des années 1970 et est conservée par un certain nombre de praticiens. Parallèlement la crainte de l'intolérance secondaire au lactose faisait supprimer tout apport lacté pendant plusieurs jours voire semaines.

Pourtant dès les années 1950, Robert Debré prônait « une réalimentation à instaurer aussi rapidement que le permet l'état de l'enfant.., sans tenir compte du caractère des selles, de façon à éviter à l'enfant toute inanition qui, si elle se prolongeait, risquerait de lui devenir funeste ». Depuis, de nombreuses études contro1ées ont largement démontré l'effet bénéfique d'une réalimentation précoce aussi bien chez l'enfant préalablement dénutri, que chez l'enfant en bonne santé avant l'épisode diarrhéique.

En effet la mise au repos du tube digestif ou l'utilisation prolongée de solutions hypocaloriques au cours d'une gastroentérite a pu être rendu responsable de malnutrition sévère. A l'inverse, une réalimentation précoce, normo-calorique permet un meilleur gain de poids, avec une diminution du volume des selles et un raccourcissement de la durée d'évolution de la

Le risque de dénutrition au cours d'une gastroentérite est le fait des conséquences digestives de l'agression infectieuse, et de l'insuffisance des apports, en partie d'origine iatrogène. Au cours d'une gastroentérite virale, l'invasion virale des entérocytes entraîne la mort cellulaire et un certain degré d'atrophie villositaire. Les 1ésions épithé1iales, de sévérité variable, secondaire à l'agression muqueuse, jointes à l'accé1ération du renouvellement cellulaire, qui aboutit à la mise en place d'entérocytes immatures, entrainent une diminution relative des activités disaccharidasiques et notamment de la lactase. La lactase hydrolyse le lactose au niveau de la bordure en brosse des entérocytes qui, à maturité, sont situés au sommet des villosités intestinales, zone la plus sensible au risque d'atrophie villositaire provoquée par les agents infectieux, notamment Rotavirus. En fait les mécanismes par lesquels les différents agents infectieux sont susceptibles d'entraîner une atrophie villositaire sont complexes liés à la fois à la destruction cellulaire mais aussi aux phénomènes immuns et inflammatoires engendrés . L'accé1ération du transit contribue également à la maldigestion et la malabsorption des hydrates de carbone qui est normalement de courte durée.

La fréquence de l'intolérance au lactose démontrée au cours des diarrhées aiguës de l'enfant de moins de 2 ans ne concerne au maximum que 10 % des enfants voire 20 % chez ceux d'origine asiatique et surtout les enfants de moins de 9 mois. Dans l'étude de I'ESPGHAN, chez des enfants de plus de 12 mois, la prévalence de l'intolérance au lactose n'était que de 3 % à l'inclusion, et nulle au 5e jour d'évolution. La méta-analyse de Brown et al. Colligeant : 29 essais cliniques réalisés chez 2215 patients a montré que la réalimentation se solde 2 fois plus fréquemment par un échec lorsqu'elle

comporte du lactose (22 %) que dans le cas contraire (12 %) (p < 0,001). Mais ceci n'est vrai qu'en cas de diarrhée sévère associée à une déshydratation franche (38 % de rechute vs 16 %, p < 0,0001) et dans les études antérieures à 1985.

Les formes plus sévères de gastroentérite peuvent s'associer à un certain degré de malabsorption des graisses et une entéropathie exsudative qui vont amener à un syndrome post-entéritique avec diarrhée persistante et dénutrition. Une telle évolution est surtout le fait des enfants de moins de 6 mois ou préalablement dénutris. Les endotoxines et les cytokines pro-inflammatoires participent à la s 178 relative anorexie des enfants atteints de gastroentérite aigue et à la diminution des apports. Les déperditions azotées, glucidiques et parfois lipidiques jointes à la diminution des apports caloriques et protidiques contribuent a l'installation d'une dette protéino-énergétique. La dette nutritionnelle et en particulier l'absence d'apports entéraux sont eux-mêmes susceptibles de favoriser l'atrophie de la muqueuse intestinale et la diminution des activités enzymatiques.

Le syndrome de malabsorption peut enfin, notamment chez le très jeune nourrisson et en cas de diarrhée sévère à Rotavirus, être aggravé par la survenue d'une allergie aux protéines du lait de vache favorisée par une augmentation de la perméabilité intestinale. Une telle éventualité est en cause dans la survenue d'un syndrome post-entéritique. Elle concernerait près de 5 % des enfants de moins de 6 mois hospitalisés pour gastroentérite aigue.

En résumé, au cours des diarrhées aiguës, une fois la compensation des pertes hydro électrolytiques par SRO entreprise, un retour rapide à une alimentation, le plus souvent normale, permet la réparation entérocytaire et

le maintien de l'activité des disaccharidases, en particulier de la lactase, de diminuer le risque d' augmentation de la perméabilité intestinale et donc de passage à la chronicité tout en maintenant un bon état nutritionnel .

 Intérêt de certains « suppléments » nutritionnels  Zinc [20]

Le lien entre diarrhée et déplétion en zinc est établi de longue date, amenant à s'interroger sur le bénéfice d'une supplémentation en zinc au cours de la prise en charge des gastroentérites aigües. Au cours d'épisodes des diarrhées aigues dans des pays en développement, une supplémentation en zinc diminue le nombre de selles et raccourcit la durée d'évolution de ces épisodes, surtout lorsqu'il existe une carence préalable, et améliore la perméabilité intestinale. L'OMS recommande de ce fait, au cours des diarrhées aigües, pendant 10 à 14 jours, une supplementation en zinc de 10

mg/j chez les nourrissons de moins de 6 mois et de 20 mg/j chez les enfants

plus grands. Cependant, une étude plus récente met en doute l'intérêt de cette

supplementation chez le nourrisson de moins de 6 mois. Des études complémentaires sont donc nécessaires pour préciser l'efficacité d'une supplementation en zinc au cours des diarrhées aigües de l'enfant dans les pays industrialisés, les mécanismes d'action du zinc et les modalités d'administration : au cours de la réhydratation et/ou au cours de la réalimentation.

 Probiotiques [16, 17, 65]

De nombreuses études ont récemment mis en exergue l'intérêt des probiotiques dans le traitement de la diarrhée. Un probiotique est un

micro-bénéfice pour la santé de l'hôte. Deux méta-analyses permettent de prendre en compte une trentaine d'études qui ont utilisé en majorité Lactobacillus GG ou Lactobacillus Reuteri, donnés sous forme médicamenteuse en plus de la réhydratation et de la réalimentation [44,45]. Globalement, les probiotiques appartenant aux souches étudiées et utilisés aux doses étudiées (au moins 10 z° CFU/j), avec un effet dose-dépendant, permettent de diminuer, en cas de diarrhée peu sévère, la durée d'évolution de la diarrhée d'environ 24 heures et parfois de diminuer la fréquence des selles à partir du deuxième jour. Aucune étude n'a été mené avec un lait supplémenté en probiotiques ni ne concerne les pré biotiques (glucides non digestibles pouvant avoir un effet bénéfique sur la santé).

Une étude plus tardive, menée au Brésil, utilisant le Lactobacillus GG (101° CFU/j) chez des enfants de moins de 2 arts présentant une diarrhée avec déshydratation modérée à sévère, ne montre aucune efficacité de cette administration dans ces conditions. Les auteurs concluent au fait que la nécessité d'une colonisation du tube digestif par le probiotique utilisé limite les possibilités d'efficacité en situation aiguë confinant l'utilisation des probiotiques comme préventif. Une Etude, réalisée en Algérie, a montré que l'utilisation pour la réalimentation des nourrissons atteints de diarrhée aiguë de yaourt enrichi en ferments lactiques permettait, surtout chez les enfants présentant une intolérance au lactose, une réduction de la durée de la diarrhée [47].

Modalités pratiques

 Principes généraux

La réhydratation doit être systématique chez tout nourrisson présentant une diarrhée aigue suivie le plutôt possible d'une réalimentation d'emblée à concentration normale, généralement parfaitement tolérée. L'administration de SRO semble elle même avoir un effet bénéfique sur la possibilité de réalimentation précoce en stimulant l'appétit, par correction des troubles ioniques, diminuant la cétose et les éventuels vomissements. Dans tous les cas l'allaitement maternel doit être poursuivi, sans même nécessairement avoir été interrompu. L'utilisation d'un lait sans lactose ne doit pas être systématique, puisque dans la plupart des cas l'enfant va tolérer le retour son lait habituel. I1 n'y a aucune contre-indication à l'utilisation d'une préparation à base de soja.

 Choix du mode de réalimentation chez l'enfant non allaité Les modalités précises de réalimentation en l'absence d'allaitement maternel doivent tenir compte de l'âge, de l'alimentation reçue préalablement et de la gravité de l'épisode diarrhéique. Celle-ci est évaluée à partir de l'état d'hydratation. Elle est considérée comme faible pour moins de 5 % de déshydratation (peu ou pas de signe clinique), modérée lorsque la déshydratation est de 6 à 9 % (plus de 3 signes : irritabilité, yeux cernés, sécheresse muqueuse, soif, pli cutané lent, temps de recoloration lent, fréquence respiratoire > 40/mn...) et sévère au-delà de 10 % (apathie, tachycardie, polypnée > 50/mn, pli cutan6 persistant, temps de recoloration > 3 sec, absence de larmes et d'urines, pré-choc...). Pour ce qui concerne

réalimentation précoce avec le lait habituel concerne des enfants âgés de plus de 9-12 mois [11,16,26].

Avant l'âge de 4-6 mois, c'est-à-dire tant que l'enfant a une alimentation

exclusivement lactée, en sachant que peu d'études ont concerné cette tranche d'âge :

 Si le nourrisson était préalablement nourri à un lait hypoallergénique, en raison d'antécédents atopiques familiaux, il faut poursuivre celui-ci et éviter d'introduire pendant la période de diarrhée des protéines entières du lait de vache .

 S'il était alimenté avec une préparation pour nourrisson classique : - En cas de déshydratation minime (< 5 %), le traitement se

limite h l'administration de SRO (10 ml/kg après chaque selle) et poursuite du lait habituel sans interruption obligatoire de l'administration de ce lait.

- En cas de déshydratation modérée (6-9 %), après 2 à 4 h de réhydratation par SRO (50 à 100ml/kg), reprise de l'alimentation en poursuivant l'administration de SRO soit avec le lait habituel, soit, surtout chez le nourrisson de moins de 4 mois, avec un lait pauvre en lactose ou avec un hydrolysat extensif de protéines. En fait dans cette situation intermédiaire aucune étude contro1ée ne permet d'être formel. Plus la diarrhée est sévère et prolongée et/ou plus le nourrisson a un état nutritionnel préalable déficient plus le risque d'intolérance au lactose ou de sensibilisation aux protéines lactées est grand. L'utilisation d'un lait pauvre en lactose (ALl 10 ®, Diargal ®, Diarigoz ®, Enfamil O-Lac ®,

Modilac SL ®) ou d'un hydrolysat extensif de protéines (AlfarE ®, Galliagbne Progress ®, Nutramigen ®, Pepti-Junior ®, Pregestimil ®, Pregomine ®) peut alors se justifier.

- En cas de déshydratation sévère (> 10 %) ou prolongée ou de diarrhée entéro-invasive, glairo-sanglante il est plus volontiers admis d'utiliser un hydrolysat extensif de protéines pendant 2 à 3 semaines, puis de revenir au lait habituel. La réalimentation se fait également au bout de 4 à 6 heures de réhydratation.

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