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Cas particulier des femmes et des enfants

La santé materno-infantile est un secteur lourdement touché par les inégalités d’accès aux soins.

Les femmes représentent environ la moitié de la population migrante. Si ce taux semble rester stable ces dernières années, le motif de migration a évolué : bien que la raison du rapprochement familial reste en tête, les femmes migrent de plus en plus indépendamment de leur famille, pour raison professionnelle ou de formation. D’après l’enquête Elipa en 2010, la répartition entre les motifs d’admission au titre de séjour est différente selon le sexe :

Tableau : Le motif d’admission au séjour

L’exil et la migration ont un retentissement sur la sexualité, la relation de couple et le désir d’enfant. Chez de nombreuses femmes, en particulier africaines, l’exil renforce le désir d’enfant. Se posent alors les questions de l’accompagnement de ces femmes dont la prise en

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charge médico-sociale en périnatal est entravée des difficultés de logement, de communication, l’absence de couverture maladie, des carences nutritionnelles.

La fonction maternelle et paternelle peut être touchée par des souffrances anciennes non apaisées ravivées lors de la période périnatale. La vulnérabilité de toutes les mères et aussi des pères est maintenant conceptualisée par la notion de « transparence psychique ». Pour M-R Moro, l’exil ne fait que renforcer ce phénomène et le traumatisme de la migration et expose ces parents à des difficultés supplémentaires qu’il faut savoir détecter : « L'objectif est de permettre à ce parent de passer du dedans à ce dehors qui lui fait peur et d'être, selon la belle métaphore de Michel Serres, « le tisserand qui travaille à recoudre localement deux mondes séparés [...] par un arrêt subit, la césure métastrophique

accumulant les morts et les naufrages : la catastrophe ». Ainsi, cet ouvrier tisserand « entrelace, tord, assemble, passe dessus, dessous et renoue, le rationnel et l'irrationnel, le dicible et l'indicible, la communication et l’incommunicable ». » (45).

Il apparait donc indispensable d’étudier les situations de migration car elles entrainent pour certains parents des modifications rendant plus compliquée la période de périnatalité et la construction d’une relation avec son enfant. Dans ses nombreux travaux sur la parentalité et la migration, M-R. Moro décrit cet état comme un mélange d’ingrédients complexes : certains sont collectifs, d’autres appartiennent à l’ordre privé. Elle rejette l’idée « d’une universalité vide et d’une éthique réductionniste » qui consiste à dire « ce qu’il faut faire » et « comment il faut le faire », car « en niant l’impact culturel, nous n’intégrons pas les logiques socio-culturelles dans nos dispositifs de soins et empêchons ces personnes de rentrer dans nos systèmes et de se familiariser avec nos techniques ».

Concernant les enfants, la migration n’est pas un phénomène nouveau. Il existe des estimations du nombre d’enfants migrants mais aucune n’a la prétention de chiffrer précisément ce phénomène. Les mineurs représentent 12% des consultants des Caso de Médecins du Monde et ne cessent d’augmenter : parmi eux, moins de 11% bénéficient d’une couverture sociale (46). Ils migrent souvent avec leurs parents mais l’on retrouve de plus en plus de mineurs seuls, non accompagnés (« children on the move »). Ils bénéficient de la protection offerte par la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant de 1989 (47) : en vertu de son article 2, elle s’applique « à tout enfant relevant de sa juridiction », et inclus tous les enfants « vivant sur le territoire de l’Etat, y compris les visiteurs, les réfugiés, les enfants de travailleurs migrants et ceux qui sont en situation irrégulière ».

La migration des enfants est rattachée à plusieurs problématiques :  Accès à la santé et l’éducation.

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 Pauvreté.  Discrimination.

 Travail des enfants, esclavage.  Trafic d’enfants.

 Exploitation sexuelle.  Enfants en situation de rue.

« Mieux comprendre, mieux soigner, mieux accueillir les migrants et leurs enfants en Europe, tel est l’enjeu d’une prévention et d’une clinique précoce engagée dans la société telle qu’elle est », Marie-Rose Moro.

D- A l’échelle du médecin généraliste

En raison des phénomènes liés à leur situation économique souvent défavorable et à l’acte de migration, la population immigrée présente donc un état de santé et un recours aux soins différents de ceux de la population autochtone. L’expérience de l’exil et de la violence consécutifs à l’acte de migration modifient la perception des risques de santé et peut diminuer la réceptivité aux messages sanitaires, notamment de prévention, ce d’autant plus que l’information est délivrée dans une langue qui n’est pas familière. Il convient donc de s’intéresser à la santé des migrants en termes de diagnostic de situation et de mise en place de mesures préventives et curatives

adaptées.

Le médecin généraliste, fort de la relation de confiance qu’il a construit avec son patient, doit développer un environnement propice à une prise en charge sanitaire optimale. Or, la prise en charge des patients migrants est délicate. Travailler avec des patients de cultures diverses requiert des compétences et un savoir-faire appropriés. Plusieurs études ont interrogé les médecins

généralistes sur leur ressenti. Documenter et analyser leurs difficultés ayant pour but d’améliorer la santé de cette population désavantagée.

Au cours des Journées de médecine générales en 2011, un débat avait été proposé lors d’un atelier : chaque participant devait écrire sur un bout de papier les hics qu’il rencontrait dans son exercice à propos de la prise en charge d’un patient migrant. Il en ressortait que les médecins étaient souvent déstabilisés par l’incompréhension et le manque de repères face à ces patients qui possèdent des référentiels souvent éloignés des nôtres. Le manque de temps a aussi été cité à

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plusieurs reprises tout comme le sentiment d’être contraint à effectuer un suivi haché chez ces patients dont l’assiduité était décrite comme bancale.

C.Matz (48), dans le cadre de sa thèse, a représenté par un graphique la répartition des différentes contraintes citées par les médecins généralistes lors de la prise en charge d’un patient précaire : on remarque que les problèmes relatifs aux représentations de santé arrivent au premier plan.

Principales difficultés rencontrées par le médecin généraliste lors de la prise en charge d’un patient migrant précaire

Ces contraintes peuvent être analysées sous deux angles : les difficultés d’ordre relationnel et organisationnel.