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3. Caractéristiques des perturbations en aval d’un obstacle

3.2. Cas naturel

Il est à noter que les études s’intéressant directement aux conséquences en termes de faciès de la présence d’un obstacle en aval du courant sont beaucoup moins nombreuses que les études concernant les effets amont.

McCave & Tucholke (1986) et Blumsack & Weatherly (1989) ont décrit la présence de dunes d’oscillation de grandes dimensions (500-3000 m de longueur d'onde, 10-100 mètres de hauteur) formées dans des sédiments fins, qui apparaissent souvent soit lors d'une rupture de pente, soit en base de pente ou encore sur les flancs des levées turbiditiques. Ces dunes peuvent être associées au développement de courant oscillatoire (fig. 35c) (Flood 1988, Kneller & Buckee 2000).

Ces ondes oscillatoires pourraient aussi expliquer la migration des dunes boueuses dans une direction inverse à la direction du courant originel ainsi que la présence de dunes de grandes dimensions observées sur les dépôts plio-pléistocènes de la partie sud de la ride sédimentaire (levée) du fan sous-marin du Var (Méditerranée, SE France) (Savoye et al. 1993) ou encore sur des dépôts quaternaires localisés sur la partie nord d’un chenal turbiditique du fan sous-marin de Hueneme situé au large de la Californie (Piper et al. 1999).

Sur le fan du Var (SE France), (Piper & Savoye 1993) notent, au niveau de la rupture de pente majeure située au débouché du canyon sous-marin du Var (talus continental), la présence de dépôts massifs, à granulométrie grossière, qui se présentent soit sous la forme de mégarides tractives soit sous la forme de dépôts plus massifs sans structure. Ces dépôts correspondraient au piégeage de la charge la plus grossière au pied de l’obstacle lors d’un saut hydraulique (Kneller & Buckee 2000).

L’existence de saut hydraulique est aussi invoquée pour expliquer la présence de zones de transit sédimentaire voire d’érosion qui se localisent au niveau des ruptures de pente ou à

l'embouchure des chenaux sous-marins (e.g. Mutti & Normark 1991, Mutti 1992, Kenyon et al. 1995, Vicente-Bravo & Robles 1995).

Mulder & Alexander (2001b) suggèrent qu’une grande partie des dépôts du fan du Var (SE France) correspondent à un dépôt de rupture de pente selon leur définition. Ces dépôts couvriraient une surface relativement importante, de l’ordre de 1500 km2, lorsqu’elle est comparée à la longueur de la pente avant la zone de rupture qui est d’environ 25 km.

La présence d’une rupture de pente expliquerait la présence des morphologies sédimentaires souvent observées en base de pente continentale appelée encore « submarine plunge pool» (Farre & Ryan 1985, Aarseth et al. 1989) (fig. 36). Ces dépôts ont une forme ovoïde (fig. 36) et sont souvent associés à des figures d’érosion ou de dépôt (Aarseth et al. 1989, Bellaiche 1993). Leur épaisseur est de plusieurs dizaines de mètres, correspondant à l’accumulation dans le temps du même type de processus de dépôt.

L’influence de la rupture de pente pourrait aussi se manifester par l’existence de nombreuses ruptures granulométriques observées dans les dépôts de turbidites fines en pied de pente (Piper & Deptuck 1997). Ces ruptures granulométriques se caractérisent par l’alternance entre des dépôts d’argile et de silt qui pourrait correspondre aux passages répétés de tourbillons nés au niveau du changement de pente (Mulder & Alexander 2001b).

Figure 36 : Profil sismique le long d’un submarine plunge pool au pied du Sognefjord (Norvège) (d’après (Aarseth et al. 1989)).

4. Conclusion

Les différentes conséquences de l’influence de la présence d’une topographie sur les écoulements de densité sous-marins, selon un profil amont/aval, sont résumées dans le tableau 2.

Tableau 2 : Résumé des principales perturbations par les obstacles des écoulements gravitaires sous-marins en terme (1) de processus et (2) de faciès et géométrie des dépôts.

La conclusion principale de cette revue bibliographique est que la plus grande majorité des études concernant l’influence des topographies sur les écoulements de densité sous-marins s’intéressent à des objets de grandes dimensions, de plusieurs dizaines à centaines de mètres de haut sur quelques kilomètres à plusieurs dizaines de kilomètres d’extension (e.g. Cope 1959, Craig & Walton 1962, Hersey 1965, Ryan et al. 1965, Ricci Lucchi 1981, Piper & Normark 1983, Siegenthaler

al. 1991, Haugthon 1994, Cronin 1995, Kneller & McCaffrey 1999, Haugthon 2000, Mulder &

Alexander 2001b, Hooper et al. 2002).

Bien que certains écoulements turbulents soient susceptibles de franchir des hauteurs considérables (e.g. Dolan et al. 1989, Muck & Underwood 1990, Piper & Savoye 1993, Ricci Lucchi & Carmenlenghi 1993), dans la mesure où le rapport entre l’épaisseur de l’écoulement et la hauteur de l’obstacle est un paramètre fondamental dans le contrôle de l’intensité de la perturbation (e.g. Pantin & Leeder 1987, Alexander & Morris 1994, Edwards et al. 1994, Kneller & Buckee 2000), l’influence d’ obstacles de grande taille sur les écoulements est nécessairement beaucoup plus marquée que celle d’ obstacles de petites tailles.

De ce fait les études de cas naturels qui décrivent des perturbations liées aux obstacles de taille réduite sont rares (e.g. Cremer 1983, Morris et al. 1998a, Armentrout et al. 2000). Les effets principaux observés sont généralement (1) des érosions localisées sur les hauts topographiques, (2) un tri granulométrique et (3) des changements de morphologie des corps sédimentaires, sans obligatoirement de variations dans la direction des écoulements. Par contre, contrairement aux obstacles de grandes dimensions, il n’existe pas d’étude sur les variations de faciès occasionnées par la présence d’obstacles de taille réduite.

Dans la mesure où le but de ce travail est de déterminer l’importance des escarpements de failles synsédimentaires sur la dynamique de la sédimentation, il ne s’intéresse qu’à des objets de petites tailles. En effet, même à considérer un séisme majeur affectant le fond marin, l’escarpement résultant ne dépasse pas une hauteur de quelques mètres au maximum (e.g. (Leeder & Jackson 1993, Koukouvelas et al. 2001).

Les questions posées sont les suivantes :

(1) Est il possible de déterminer l’existence d’escarpements de failles synsédimentaires fossiles par une analyse sédimentologique des dépôts issues d’écoulements sous-marins ?

(2) Etant donné la faible hauteur des escarpements de faille synsédimentaires, quelle est l’ampleur des perturbations provoquées sur les écoulements sous-marins ?

Pour répondre à ces questions, les dépôts de la formation des Grès d’Annot, dans les Alpes de Haute Provence, ont été choisis, d’une part, parce qu’ils constituent un des plus beaux exemples au monde de dépôts sous-marins fossiles et, d’autre part, parce qu’ils présentent une grande variété dans la nature des écoulements (cf. Shanmugam 2002).

B: Cas d’étude : La formation des Grés d’Annot (Fin Eocène) (SE