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2.2

Un cas mod`ele : le probl`eme sans ´ecoulement

Dans le cas particulier pour lequel la vitesse de l’´ecoulement porteur est nulle, l’´equation (2.3) prend la forme suivante :

−k2u − ∇(div u) = f .

Nous utilisons le principe de superposition pour nous ramener au probl`eme de condition aux limites homog`ene suivant :

−k2u − ∇(div u) = f dans Ω, (2.4)

u · n = 0 sur ∂Ω, (2.5)

dans lequel la notation f pour le second membre modifi´e de l’´equation a ´et´e conserv´ee. Nous supposons par ailleurs, afin de simplifier l’expos´e, que la source f est irrotationnelle, c’est-`a-dire que rot f = 0 dans le domaine Ω. Nous en d´eduisons l’importante contrainte d’irrotationnalit´e pour la solution du probl`eme :

rot u = 0 dans Ω, (2.6)

qui est ici une simple cons´equence4 de l’´equation de Galbrun, le nombre d’onde k ´etant non nul. Indi-

quons pour conclure que l’´equation (2.4) ainsi que la contrainte (2.6) qui lui est associ´ee interviennent dans des probl`emes simples d’interaction fluide-structure, notamment pour l’´etude des r´esonances d’un fluide `a l’int´erieur d’une cavit´e. `A ce titre, plusieurs travaux concernant la formulation et l’approximation num´erique de ces probl`emes sont disponibles dans la litt´erature [83, 41, 12, 22, 68, 159, 29].

2.2.1

Analogie avec l’´electromagn´etisme

Nous remarquons des similitudes entre le probl`eme (2.4)-(2.5) et un probl`eme stationnaire classique, pro- venant de l’´electromagn´etisme, de calcul de champ ´electrique dans un mat´eriau homog`ene et isotrope, d´elimit´e par un conducteur parfait. Si Ω d´esigne un ouvert born´e de R3, de fronti`ere ∂Ω r´eguli`ere ou poly´edrique,

convexe `a fronti`ere suppos´ee lipschitzienne, le champ ´electrique E est solution du syst`eme, issu d’une for- mulation au second ordre des ´equations de Maxwell, suivant :

−k2E + rot (rot E) = j dans Ω, (2.7)

E ∧ n = 0 sur ∂Ω. (2.8)

Le champ de vecteurs j est une donn´ee du probl`eme repr´esentant la densit´e de courant appliqu´ee au syst`eme et n d´esigne le vecteur normal unitaire sur la fronti`ere ∂Ω, dirig´e vers l’ext´erieur de Ω. La condition aux limites (2.8) mod´elise le conducteur parfait et nous supposons pour simplifier que div j = 0 dans Ω, c’est-`a- dire que la densit´e de charges est nulle dans le domaine.

Les ´equations (2.7) et (2.8) ne d´efinissent pas un probl`eme elliptique et leur discr´etisation par des ´el´ements finis nodaux conduit par cons´equent `a un probl`eme mal pos´e. Ce fait est connu depuis de nombreuses ann´ees des ing´enieurs qui cherchent `a d´eterminer les fr´equences et modes de r´esonance de cavit´es, car il se traduit par la pr´esence de modes dits “parasites” (c’est-`a-dire des solutions num´eriques sans signification physique) dans les r´esultats, comme ceci est expliqu´e dans [36].

Pour la r´esolution de ce probl`eme par une m´ethode d’´el´ements finis, l’emploi d’´el´ements d’arˆetes, introduits par N´ed´elec [117, 118], conformes dans l’espace de Hilbert

H(rot; Ω) =v ∈ L2(Ω)3 | rot v ∈ L2(Ω)3 ,

est alors indiqu´e5. Dans ce cas, une formulation mixte du probl`eme est obtenue en introduisant une inconnue scalaire suppl´ementaire p (une pseudo-pression), qui joue le rˆole d’un multiplicateur de Lagrange associ´e `a la contrainte de divergence nulle v´erifi´ee par toute solution de (2.7)-(2.8). Le couple d’inconnues (E, p) est alors solution du syst`eme suivant :

−k2E + rot (rot E) − ∇p = j dans Ω, (2.9)

4Il suffit en effet d’appliquer formellement l’op´erateur rotationnel `a l’´equation (2.4) et d’utiliser le fait que le rotationnel du gradient d’un champ scalaire est nul pour obtenir ce r´esultat.

5Observons que l’espace H(rot; Ω) est l’espace fonctionnel naturellement associ´e `a l’´equation (2.7), celle-ci ne faisant inter- venir que le rotationnel comme op´erateur diff´erentiel.

div E = 0 dans Ω, (2.10)

E ∧ n = 0 sur ∂Ω, (2.11)

p = 0 sur ∂Ω. (2.12)

Les conditions requises pour obtenir la convergence d’une telle m´ethode d’´el´ements finis font usage des outils d’approximation des probl`emes de type point-selle (la condition dite inf-sup notamment), comme celui associ´e `a la forme variationnelle du probl`eme associ´e aux ´equations (2.9) `a (2.12), et de propri´et´es de compacit´e discr`ete des ´el´ements finis choisis pour la discr´etisation [100]. Cependant, les raisons fournies pour expliquer le bon comportement des approximations par ´el´ements d’arˆetes ont souvent ´et´e erron´ees et la th´eorie math´ematique sous-jacente a connu des d´eveloppements actifs depuis une dizaine d’ann´ees. Plusieurs d´emonstrations de convergence, reposant soit sur la th´eorie de l’approximation spectrale des op´erateurs non compacts dans le cas d’un probl`eme de guide d’ondes [24], soit sur une formulation mixte ´equivalente faisant intervenir un op´erateur compact pour des probl`emes aux valeurs propres [30], sont aujourd’hui disponibles, y compris pour des m´ethodes d’´el´ements finis d’arˆete d’ordre ´elev´e [58].

N´eanmoins, la discr´etisation de ce probl`eme d’´electromagn´etisme par ´el´ements finis nodaux est possible, mais il convient pour cela de le “r´egulariser” au pr´ealable. Cette op´eration consiste formellement `a remplacer l’op´erateur diff´erentiel rot (rot) par l’op´erateur elliptique qu’est le laplacien vectoriel. La technique, dite de r´egularisation, utilis´ee se traduit alors par l’ajout d’un terme grad(div) `a l’´equation (2.7), sachant que toute solution du probl`eme (2.7)-(2.8) est `a divergence nulle. Ainsi, en vertu de l’identit´e :

rot (rot) − ∇(div) = −∆, (2.13)

tout champ E solution de (2.7) v´erifie aussi l’´equation de Helmholtz vectorielle :

−k2E − ∆E = j dans Ω, (2.14)

avec les conditions aux limites :

E ∧ n = 0 sur ∂Ω, (2.15)

div E = 0 sur ∂Ω. (2.16)

L’addition de la condition aux limites (2.16) s’av`ere n´ecessaire pour la r´esolution de la forme r´egularis´ee du probl`eme, constitu´ee des ´equations (2.14) `a (2.16), ainsi que pour son ´equivalence avec le probl`eme fort (2.7)-(2.8). En effet, la divergence du champ E, not´ee ici ϕ, v´erifie alors le probl`eme :

−k2ϕ − ∆ϕ = 0 dans Ω,

ϕ = 0 sur ∂Ω,

qui a pour solution la solution triviale ϕ = 0, d`es que ϕ est suppos´ee assez r´eguli`ere et que k2 n’est pas une

valeur propre de l’op´erateur (−∆) avec conditions aux limites de Dirichlet homog`enes.

La m´ethode de r´egularisation propose ainsi une alternative `a l’emploi d’´el´ements finis mixtes en per- mettant l’utilisation d’´el´ements finis nodaux. En effet, si le probl`eme r´egularis´e est naturellement pos´e dans l’espace

H0(rot; Ω) ∩ H(div; Ω) =v ∈ L2(Ω)3 | rot v ∈ L2(Ω)3 ; div v ∈ L2(Ω) ; (v ∧ n)|∂Ω = 0 ,

celui-ci co¨ıncide avec son sous-espace ferm´e

H = H1(Ω)3∩ H0(rot; Ω)

lorsque le domaine Ω est poly´edrique et convexe ou encore si la fronti`ere ∂Ω est r´eguli`ere ([71], th´eor`eme 3.7). Une m´ethode d’´el´ements finis nodaux, conformes dans l’espace H1(Ω), converge alors vers la solution

du probl`eme r´egularis´e si ce dernier est bien pos´e.

L’id´ee de r´egulariser les ´equations de Maxwell remonte aux ann´ees soixante avec les travaux de Werner [160] et de Leis [105]. Ses applications sont vari´ees, citons par exemple l’´etude de modes dans des r´esonateurs [100], le calcul de modes guid´es [11] ou les probl`emes de diffraction [87]. Cette r´egularisation se g´en´eralise ais´ement au cas d’un milieu de propagation h´et´erog`ene, lorsque la permittivit´e ´electrique ou la perm´eabilit´e

2.2. Un cas mod`ele : le probl`eme sans ´ecoulement 37

magn´etique du mat´eriau consid´er´e sont variables en espace. Le terme ajout´e `a l’´equation prend alors la forme grad(s div), o`u s est un coefficient r´eel positif donn´e6, voire, plus g´en´eralement, une fonction born´ee. Il n’y a aucune difficult´e `a traiter par cette m´ethode le cas d’une densit´e de courant j donn´ee dont la divergence est non nulle et appartient `a l’espace L2(Ω)3.

Soulignons cependant que cette approche du probl`eme n’est plus valide lorsque le domaine Ω poss`ede des singularit´es g´eom´etriques, comme des coins ou arˆetes rentrants [50]. Dans ce cas, la solution du probl`eme r´egularis´e converge vers une solution qui n’est pas `a divergence nulle et n’est donc pas celle du probl`eme physique de d´epart7. N´eanmoins, une discr´etisation par ´el´ements finis nodaux reste possible dans le cadre d’une d´ecomposition du champ ´electrique en parties r´eguli`ere et singuli`ere, inspir´ee par les travaux de Bir- man et Solomyak [28], qui a donn´e lieu `a diff´erentes m´ethodes de r´esolution num´erique [34, 5], ou bien en consid´erant des r´egularisations du probl`eme formul´ees dans des espaces L2 `a poids dans lesquels l’espace

H est dense [51]. Le lecteur int´eress´e pourra consulter la r´ef´erence [86] pour un r´esum´e de travaux r´ecents concernant la r´esolution num´erique de probl`emes aux limites d´erivant des ´equations de Maxwell en pr´esence de singularit´es g´eom´etriques.

2.2.2

La m´ethode de r´egularisation

Revenons au probl`eme sans ´ecoulement (2.4)-(2.5) concernant l’´equation de Galbrun. La solution ´etant `

a rotationnel nul, nous pouvons ajouter de mani`ere formelle un terme rot (rot) `a l’´equation (2.4). Ainsi, en suivant une d´emarche en quelque sorte sym´etrique de celle qui vient d’ˆetre d´etaill´ee pour le probl`eme (2.7)-(2.8), nous obtenons le probl`eme r´egularis´e suivant :

−k2u − ∇(div u) + rot (rot u) = f dans Ω, (2.17)

u · n = 0 sur ∂Ω, (2.18)

rot u ∧ n = 0 sur ∂Ω. (2.19)

Notons que la condition suppl´ementaire (2.19) permet de r´esoudre ce nouveau probl`eme et de prouver son ´

equivalence avec le probl`eme de d´epart. Alors qu’il est possible de montrer que la forme r´egularis´ee, ou encore augment´ee, (2.17) `a (2.19) du probl`eme est bien pos´ee dans l’espace

V = H1(Ω)3∩ H0(div; Ω) =v ∈ H1(Ω)3 | (v · n)|∂Ω = 0 ,

la r´esolution de l’´equation (2.4) par une m´ethode d’´el´ements finis conformes dans l’espace H1(Ω) conduit `a

l’apparition de modes “parasites”, qui d´ependent fortement du maillage employ´e.

Dans le cadre d’un probl`eme de couplage fluide-structure, une m´ethode de p´enalisation a ´et´e propos´ee par Hamdi et al. [83] pour la r´esolution d’une ´equation similaire afin de circonvenir cette difficult´e. Les modes “parasites” ´etant identifi´es comme ´etant des solutions num´eriques `a rotationnel non nul, les auteurs imposent une contrainte d’irrotationnalit´e du d´eplacement en modifiant la formulation variationnelle du probl`eme par p´enalisation. Sans toutefois les ´eliminer, cette m´ethode permet de “d´eplacer” les modes incrimin´es vers des fr´equences plus ´elev´ees. Cette d´emarche s’av`ere voisine de la technique de r´egularisation que nous venons d’introduire, l’´equation (2.17) pouvant d’ailleurs ˆetre vue comme une p´enalisation “exacte” de (2.4).

Nous terminons l’examen du cas mod`ele que constitue l’´ecoulement de vitesse nulle en indiquant qu’il est possible d’´etablir une formulation mixte du probl`eme (2.4)-(2.5) par une d´emarche identique `a celle suivie pour le probl`eme provenant de l’´electromagn´etisme que nous avons ´evoqu´e. Des ´el´ements finis conformes dans l’espace

H(div; Ω) =v ∈ L2(Ω)3| div v ∈ L2(Ω)

doivent alors ˆetre utilis´es pour sa r´esolution num´erique. Nous renvoyons notamment aux travaux Berm´udez et al. [25, 22, 23] pour des applications d’une telle approche `a des probl`emes d’interaction fluide-structure.

6Dans ce cas, le coefficient s est appel´e le param`etre de r´egularisation.

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