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3 Analyse de compléments alimentaires pour sportifs

3.1 Contexte de l'étude

3.2.1 Compléments alimentaires sans actifs annoncés

3.2.1.3 Cas de la formulation 8

A contrario des formulations décrites jusqu’alors, la formulation 8 que nous pouvons

rapprocher des formulations 9, 12, 20 et 22 annonce contenir différents cocktails de substances énergisantes, souvent regroupées sous des « formulations brevetés ou mélanges propriétaires ». Par exemple dans le cas de la formulation 8, c’est en lisant les substances contenues sous l’appellation

87 breveté : « Thermo-Rx and extend-Rx technology » que l’on peut commencer à s’interroger sur la compatibilité d’une telle substance avec la législation mise en place. En effet, dans ce cocktail divers dérivés méthylés de synéphrine et de phénéthylamines (PEA) -dont les structures sont présentées en Figure 8- sont annoncées sous couvert d’extrait de feuilles de senegala berlandieri alors qu’ils sont pourtant bannis par les instances règlementaires.1 C’est notamment le cas de l’oxilofrine également

appelé méthylsynéphrine qui est une synéphrine méthylée en position 1, mais aussi le cas de divers dérivés de phénéthylamines méthylées sur l’azote et/ou sur le carbone en position 2.

Figure 8 : Structures de la synéphrine et de la phénéthylamine.

De fait et toujours dans l’optique de potentiellement détecter d’autres substances interdites que nous savons très solubles dans les alcools, une première investigation a été menée dans du méthanol-d4

(Figure 9a) comme pour les formulations 13 et 21. Cependant, au vu de la faible résolution spectrale obtenue dans un tel solvant (Figure 9Ba et Figure 9Ca), une attribution correcte ne pouvait pas être réalisée. Nous avons donc comme pour la formulation 5, envisagé le mélange CD3CN:D2O (80:20 v/v)

comme présenté dans la Figure 9b), le gain en résolution spectrale notamment dans la zone de 2,5 à 3,5 ppm est cependant compensé par un spectre plus complexe dans la zone de 0,5 à 1,7 ppm (Figure 9Cb). Il s’avère finalement que ces spectres sont bien plus facilement analysables quand les échantillons sont dans de l’eau deutérée pure (Figure 9c), on note dans ce cas un gain de résolution significatif dans toutes les régions du spectre.

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Figure 9 : A : Spectres RMN 1D 1H de la formulation 8 enregistré dans a) du méthanol-d

4, b) un mélange CD3CN:D2O (80:20

v/v) et c) dans du D2O. (B) : Zoom des spectres (A) de 6,5 à 8,0 ppm. (C) Zoom des spectres (A) dans la zone de 0,5 à 4,2 ppm.

TSP : référence de déplacement chimique, HOD, CD2HOD et CD2HCN : solvants résiduels.

Ces analyses ont ensuite été complétées par spectrométrie de masse haute résolution et en tandem du mélange en introduction directe. Nous avons observé que les petites molécules suspectées (i.e phénéthylamine(s) et synéphrine(s)), ont tendance à se fragmenter lors de l'ionisation, de fait et comme présenté dans Figure 10 nous avons décidé de travailler à deux énergies d’ionisations différentes avec des tensions de cône de 30V (Figure 10A) et 10V (Figure 10B).

0 2 4 6 8 ppm

a)

b)

c)

A

TSP TSP TSP HOD H2O HOD CD2HCN CD2HOD 1,0 2,5 2,0 1,5 3,0 3,5 4,0 ppm

c)

C

b)

a)

ppm 8,0 7,5 7,0

c)

B

b)

a)

89 Plusieurs résultats expérimentaux sont à mentionner : Tout d'abord les ions à 164,1075, 105,0686 et 91,0520 de la Figure 10A diminuent considérablement lorsque l’on baisse l’énergie d’ionisation. Ceci semble indiquer qu’ils ne sont que des fragments d’autres ions présents dans le mélange. Comme montré sur la Figure 10 chaque pic a pu être attribué. De plus, la haute résolution assurée par l’association d’un analyseur à temps de vol avec un analyseur quadripolaire, nous a même permis de séparer le pic à 150,1280 correspondant aux dérivés doublements méthylés de phénéthylamines, du pic à 150,0913 correspondant au premier fragment de la synéphrine, pourtant séparé uniquement de 0,0367 uma.

Figure 10 : Spectres de masse (ESI+) en introduction directe de la formulation 8 réalisée avec une tension de cône de A) 30V

et B) 10V. Les ions annotés correspondent aux ions pseudo-moléculaires [M+H]+ de chaque espèce mentionnée. DMAA :

Diméthylamylamine.

Cependant au vu de la proximité structurale des molécules annoncées (phénéthylamine et dérivés et synéphrine et dérivés), il nous était impossible par une simple analyse MS de déterminer si les pics correspondant aux ions pseudos moléculaires de masse 136 et 150 correspondaient à une seule molécule ou bien à plusieurs. Nous avons alors décidé d’étudier les fragments de ces ions pseudos moléculaires qui seront en réalité un mélange des fragments de chacune des molécules présentes dans l’ion père fragmenté du fait de la capacité de sélection unitaire de l’analyseur quadripolaire. Les résultats donnés en Figure 11 montrent les fragmentations de l’ion pseudo moléculaire de masse 150,1

90 (Figure 11A) et de l’ion pseudo moléculaire 136,1 (Figure 11B) à différentes énergies de collisions (i.e 15V, 25V ou 35V). Il s’avère, en comparaison des fragmentations respectives des standards, que l’ion de masse 136,1 était issu d’un seul composé : la N-Methyl-phénéthylamine (MW 135). Alors que l’ion de masse 150,1 était lui en réalité formé à partir de 3 composés, un correspondant (ions en bleu sur le spectre) à la synéphrine (ici son premier fragment que nous venons re-fragmenter), un (ions en rouge) correspondant à l'ion pseudo-moléculaire de la N,N diméthylphénéthylamine, et le dernier (en vert) correspondant à l'ion pseudo-moléculaire de la N-Méthyl, β-méthylphénéthylamine. A noter que les fragments à 77 et 79 uma sont communs à la synéphrine et à la la N,N diméthylphénéthylamine.

Figure 11 : Spectres MS/MS des ions pseudo moléculaires (A) 150.1 et (B) 136.1 à différentes énergies de collisions. Réalisé sur la formulation 8, en comparaison des fragmentations des standards de synéphrine, N-Méthyl, β-méthylphénéthylamine, N,N diméthylphénéthylamine, et N-méthyl-phénéthylamine.

Cette étude par spectrométrie de masse a pu être consolidée par une analyse RMN 1H. En effet,

l’attribution complète du spectre enregistré dans de l’oxyde de deutérium a pu être établie grâce à l’ajout des différents standards dans le mélange. L’ajout des différents dérivés de phénéthylamines et de synéphrines a été réalisé dans un mélange à pH légèrement acide (pH = 6,5). Ces composés sont des bases faibles avec des pKa de l'ordre de 9,5 et ces expériences d'ajouts ont nécessité quelques précautions pour éviter des modifications spectrales. De fait, à chaque fois le pH de la solution ajoutée dans le mélange a été ajusté au pH de la solution (≈ 6,5) par l’ajout de DCl, permettant de nous placer dans la zone de prédominance des formes R-NH3+ (pH < Pka-2), l’utilisation de solutions tamponnées

105.0699 91.0542 79.0546 135.0682 9 5 .0 4 6 7 100 % 0 m/z 100 % 0 m/z 100 % 0 m/z 100 % 0 m/z 100 % 0 100 % 0 100 m/z m/z 105.0701 91.0545 150.1280 105.0703 91.0546 105.0704 9 5 .0 4 7 8 79.0546 77.0395 105.0700 79.0548 105.0702 119.0857 77.0391 107.0491 79.0546 135.0679 50 100 150 136.1123 150 A 15 V B 25 V 35 V 135.0680

91 s’étant avérée totalement inadaptée. Un article paru juste après la réalisation des travaux confirme l’intérêt d’utiliser des milieux légèrement acidifiés pour l’étude de telles matrices.9 A titre d’exemple,

est montré dans la Figure 12 l’ajout de synéphrine dans deux régions spectrale (i.e 2,6-3,0 ppm et 4,95- 5,02 ppm : Figure 12A), ainsi que l’ajout dosé de N-méthylphénéthylamine là encore dans la région allant de 2,6 à 3,0 ppm (Figure 12B). L’unique augmentation des signaux appartenant à la molécule ajoutée, nous a permis d’établir l’attribution de l’ensemble des signaux du spectre, comme présenté en Figure 13.

Figure 12 : Spectres RMN 1D 1H avant (spectres noirs) et après ajouts (spectres rouges) dans la formulation 8 de (A) synéphrine

dans 2 zones spectrales (2,6-3,0 ppm et 4,95-5,05 ppm) et (B) N-méthylphénéthylamine dans la zone allant de 2,6 à 3,0 ppm. Le pH des solutions de synéphrine et N-méthylphénéthylamine a été réajusté à ~6,5. Les spectres sont enregistrés dans D2O.

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Figure 13 : Attribution complète du spectre RMN proton de la formulation 8 enregistré dans D2O. PEA : phénéthylamine,

DMAA : Diméthylamylamine, caf : caféine, EGCG : épigallocatéchine gallate.

Afin de quantifier ces substances répertoriés S6 (stimulants) et de fait interdites par l’agence mondiale anti-dopage, nous avons utilisé la zone présentée ci-dessus en Figure 12B pour isoler le signal correspondant aux différents N-CH3 des molécules étudiées, correspondant respectivement à 3

protons pour la synéphrine, l’oxilofrine (= MéthylSynéphrine), la N-méthylphénéthylamine, la N- Méthyl-β-méthylphénéthylamine, et à 6 protons pour la NN-diméthylphénéthylamine. Les résultats obtenus sont les suivants :

MethylSynephrine : 27,4 ± 2,2 mg/gélule ; Synephrine : 23,3 ± 2,0 mg/gélule ; N-Methyl-B-Methyl- PEA : 9,7 ± 0,7 mg/gélule ; NN-Dimethyl-PEA : 13,9 ± 0,6 mg/gélule ; N-Methyl-PEA : 20,3 ± 0,9 mg/gélule.

La quantification de la phénéthylamine elle-même n’a pas pu être réalisée directement du fait que l’ensemble de ses signaux sont au moins partiellement recouverts. De fait sachant que le massif aromatique comme montré en Figure 13 contient des signaux correspondant à 5 protons de chacune des phénéthylamines, à 2 protons de la synéphrine et à 2 protons de l’oxilofrine. Nous avons, par le calcul déterminé la quantité de phénéthylamine présente dans le mélange. En effet, l’aire du massif à 6,90 ppm correspondant à la somme (2H syn + 2H oxilofrine) a été soustraite à l’aire du massif allant de 7,30 à 7,50 ppm nous permettant d’aboutir à une valeur d’aire correspondante à 5 protons de chacune des 4 phénéthylamines. Cette valeur à dont été divisée par 5 pour aboutir à une aire correspondante à 1 proton de chaque phénéthylamine. Finalement les aires mesurées grâce à la zone

94 allant de 2,60 à 2,90 ppm et ramenées à 1 proton ont été soustraites à l’aire précédemment obtenue, permettant d’aboutir sur une quantité de phénéthylamine de 38,4 ± 1,7 mg/gélule.

Cette méthodologie de quantification a été appliquée à l’ensemble des formulations contenant des dérivés de phénéthylamines et de synéphrines.

La quantité de DMAA ainsi que celle de caféine ont également été mesurées permettant d’obtenir des valeurs de respectivement 43,4 ± 1,7 mg /gélule et 141,3 ± 7,2 mg/gélule.

En réponse aux problématiques d’adultération récentes, l’intérêt de développer des techniques analytiques compatibles avec les substances détectées est de prime importance. Dans l’objectif d’étudier des substances considérées comme « stimulants » par l’agence mondiale anti-dopage, de nombreuses techniques, là encore principalement chromatographiques ont été développées, on reporte notamment des études par HPLC avec divers modes de détections,10-14 des études par GC-

MS,15 et des études par électrophorèse capillaire.16-17 Cependant, outre la nécessité de se procurer les

standards de références, les auteurs reportent régulièrement la difficulté d’analyser des matrices complexes sans connaissances préalables de l’échantillon. De plus la difficulté, du développement de méthode associé conduit régulièrement à l’étude au cas par cas de chacune de ces substances illicites et à de potentielles erreurs, ne permettant pas de conclure principalement quant à la présence d’amphétamine ou de β-Méthyl-phénéthylamine.18 Très dernièrement, Zhao et son équipe19

confirment l’intérêt d’adapter les techniques analytiques à ce genre de substances et mettent en évidence, la pertinence d’utiliser la RMN pour à la fois détecter et quantifier ces substances sans ambiguïtés. Les auteurs reportent tout comme nous, la capacité d’aboutir sur une attribution complète des spectres, en prenant en compte l’influence de paramètres expérimentaux tels que le pH, la concentration, ou encore la polarité des substances étudiées. Les auteurs reportent également des valeurs de quantifications élevés, dans l’ordre d’idée de celles que nous mesurons ici, valeurs qu’ils qualifient de non cohérentes avec les « plantes ou extraits » de plantes annoncés sous la forme de mélange propriétaire, en accord avec des études récentes menées par UHPLC-QTOF-MS. Les études menées ici, permettent d’aboutir sur la détection de substances semblables, nos études permettent cependant la détection supplémentaire des dérivés doublements méthylés de phénéthylamines ainsi que de N-méthylphénéthylamine et a contrario, n’a pas mis en évidence la présence ni d’octopamine, ni de méthyltyramine.9 Finalement la convergence des résultats entre notre étude et celle de Zhao,

permet de placer la RMN comme un outil extrêmement efficace pour l’étude de telles formulations, ces études extrêmement récentes, méritent d’être considérées et pourraient faire de la RMN une méthode de références pour l’analyse de telles matrices.

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