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Le cas de la Finlande

2.3.1 Les réformes finlandaises de 1993 et 2005

La réforme de 1993. Comme la Suède deux années auparavant, la Finlande a adopté en 1993 un système dual de taxation du revenu, séparant les revenus du travail soumis à un barème progressif et les revenus du capital soumis à un taux fixe (Sørensen, 1994; Nielsen and Sørensen, 1997). Ce taux fixe fut initialement fixé à 25 %, avant d’être augmenté à 28 % entre 1996 et 1999, puis à 29 % entre 2000 et 2004.

De façon similaire à la Suède, la Finlande a introduit un dispositif anti-abus pour limiter les opportunités d’optimisation par déplacement de revenus du tra-vail en revenus du capital. Les personnes actionnaires de sociétés non-cotées étaient ainsi taxées sur des revenus issus d’un taux de rendement imputé sur les actifs de l’entreprise jusqu’à un plafond comme des dividendes normaux, et sur les éven-tuels dividendes dépassant ce plafond comme des revenus du travail.

Par ailleurs, le système finlandais disposait entre 1990 et 2004 d’un dispositif d’avoir fiscal, similaire à l’avoir fiscal français, afin d’éviter la double taxation in-duite par la combinaison d’une taxation sur les profits des entreprises et d’une taxation sur les revenus des personnes versés par des entreprises. La Finlande disposait en outre d’une taxe spécifique (appelée Equalization tax, EQT) visant à garantir que les dividendes donnant lieu à avoir fiscal avaient bien été soumis à imposition des bénéfices au taux domestique.

La réforme de 2005. En 2005, une nouvelle réforme de la taxation des dividendes a modifié en profondeur le régime de taxation duale. Elle a en effet remplacé le système d’avoir fiscal s’appliquant aux revenus du capital décrit ci-dessus par un système de taxation des revenus réels avec un abattement fixe de 30 %. Ce change-ment était motivé par l’incompatibilité du système existant avec le droit européen,

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celui-ci ne s’appliquant qu’aux actionnaire domestiques. À ce changement de cal-cul s’ajoutaient de modestes changements de taux, avec notamment un passage de 29 à 28 % sur l’imposition des revenus du capital des personnes physiques. Ces changements eurent pour effet d’augmenter le taux de taxation sur les dividendes reçus de 19,6 % en moyenne. Cette hausse de la taxation des dividendes ne s’appli-quait en revanche pas aux dividendes versés entre sociétés (à l’exception des flux entre sociétés cotées), et s’appliquait à un taux moindre sur les versements faits à des actionnaires étrangers. Le cumul des taxes dues par les sociétés sur leurs bé-néfices et par les personnes sur les dividendes reçus a donc porté le taux combiné de 29 à 40,5 % sur les sociétés cotées ainsi que les sociétés non cotées générant un revenu supérieur à un seuil de 90 000 euros. La réforme de 2005 a la particularité d’avoir été annoncée très en avance : la proposition de loi introduisant la réforme fut en effet présentée à la fin de l’année 2003.

Le graphique 2.8 présente l’évolution des différents types de revenus de 1975 à 2005, en base 100 en 1994. La série des dividendes versés montre une croissance considérable suite à la réforme de 1993, avec une multiplication par huit des mon-tants entre 1994 et 2005, tandis que les autres revenus témoignent d’une croissance beaucoup plus modérée, voire d’une baisse dans le cas des revenus de l’entrepre-neuriat. Comme en témoigne le graphique 2.9, cette croissance des dividendes est accompagnée d’une très forte hausse de la part qu’ils représentent dans le revenu total des ménages, en particulier des top 5 % ou top 1 % de la distribution des reve-nus : alors que ceux-ci représentaient respectivement 9 et 15 % du revenu total de ces catégories en 1966, leur part est de 39 et 63 % en 2004. Comme le montrent Jantti et al. (2010), cette croissance de la part des dividendes dans le revenu est particu-lièrement marquée à partir des années 1990. Ces données agrégées suggèrent de forts effets de la réforme de 1993 sur les versements de dividendes absolus d’une part, et éventuellement sur leur substitution à d’autres types de revenus (salaires et revenus de l’entrepreneuriat).

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Chap. 2 – Expérience internationale

GRAPHIQUE 2.8Croissance des salaires, des profits, des dividendes et des revenus non salariaux en Finlande (1975–2004)

NOTE: Toutes les séries sont indexées à 100 en 1994.

SOURCE: Jäntti et al. (2010), Figure 8.21, pp. 405. À partir des données de la comptabilité nationale, Statistics Finland.

GRAPHIQUE2.9Décomposition des revenus par décile pour les années 1966 et 2004.

A. Année 1966

B. Année 2004

SOURCE: Jäntti et al. (2010), Figure 8.18, pp. 400. À partir des données IDS en 2004 et HES en 1966,Statistics Finland.

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2.3.2 Évaluations des réformes finlandaises

Phénomènes d’optimisation ou income shifting. Pirttilä and Selin (2011) étu-dient les effets du passage au système dual en 1993, qui introduit un taux marginal fixe sur les revenus du capital en Finlande. Ils se concentrent sur les possibilités de déplacement des revenus déclarés entre source de revenu (income shifting) intro-duites par ce système et les réactions comportementales observées. Ils observent ainsi une hausse importante des revenus du capital des autoentrepreneurs, qui ne se traduit pas par une hausse équivalente du revenu imposable, et peut donc être interprétée comme un transfert pur entre les deux types de revenus.

Harju and Matikka (2016) se concentrent sur une question proche à partir de l’exemple de la réforme de 2005 en Finlande. Ils estiment conjointement une élas-ticité du revenu imposable et les comportements d’optimisation sur la population des dirigeants de sociétés en Finlande. Ils utilisent les variations dans le chan-gement d’incitations à convertir des revenus salariaux en revenus du capital in-duits par la réforme de 2005 entre dirigeants de sociétés de différents types. Ils construisent une stratégie d’identification similaire à Gruber and Saez (2002), avec néanmoins plus de variables de contrôle. Ils trouvent qu’une part très importante de l’élasticité du revenu imposable tient à des comportements de transferts de re-venus entre différentes assiettes imposables (income shifting), impliquant des effets réels beaucoup plus limités.

Effets sur les politiques de distribution des profits et l’investissement. La ré-forme de 2005 ayant été annoncée près de deux ans à l’avance, Kari et al. (2008) s’intéressent aux effets d’anticipation des entreprises en comparant les firmes af-fectées et non-afaf-fectées par la réforme. Ils construisent des groupes de traitement et de contrôle à la fois au sein des firmes cotées et non-cotées, en fonction du chan-gement de taux d’imposition des dividendes qu’elles versent, et estiment les effets

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par une méthode de différence en différences. Ils trouvent un effet positif impor-tant de la réforme sur les versements de dividendes les années précédant l’entrée en vigueur du nouveau taux, qui ne se traduit pas par une baisse de l’investis-sement mais par un plus grand endettement. Cet effet est visible dans les don-nées agrégées issues de la comptabilité nationale : la masse de dividendes versés a ainsi considérablement augmenté entre l’annonce de la réforme et son entrée en vigueur, avant de diminuer drastiquement. Kari et al. (2009) utilisent le même cadre analytique pour étudier les effets post réforme sur les versements de divi-dendes par les entreprises affectées par la réforme, et trouvent une baisse marquée des dividendes versés par les firmes non cotées.

Korkeamaki et al. (2010) se concentrent également sur les effets de la réforme de 2005 sur les entreprises. Ils trouvent des effets importants de variations des divi-dendes associés à la variation de taux effectif auquel leurs principaux actionnaires font face, dans un cadre où l’actionnariat est très concentré. Ils mesurent également des effets de la réforme sur la structure de l’actionnariat des entreprises, avec une baisse de la détention directe par des personnes physiques.

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