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CHAPITRE II MODELISATION DES PERFORMANCES INDIVIDUELLES

2.2 Cas des femelles en croissance

Pour les femelles nullipares ou primipares la fonction de croissance coexiste avec la gestation et la lactation. Les priorités relatives entre la croissance et le stockage d‟énergie sont difficiles à appréhender car la croissance implique l‟augmentation pondérale des réserves corporelles. L‟étude de la priorité relative de la croissance nécessiterait de distinguer les tissus protéiques et lipidiques de la femelle et d‟analyser des processus métaboliques fins. Pour ces raisons, cette partie se limitera à déterminer dans quelle mesure l‟existence de la croissance va modifier les règles de priorités identifiées pour les femelles matures.

2.2.1 Priorités relatives des fonctions de croissance et de gestion des

réserves

2.2.1.1 Expression du potentiel

La croissance est la fonction biologique permettant l‟augmentation pondérale des différents compartiments du poids vif, dont les réserves corporelles assurant la fonction de stockage d‟énergie. Les différents compartiments n‟ont pas la même vitesse de croissance au cours du développement de l‟animal. Ces relations dites d‟allométrie se traduisent par des vagues de

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croissance différentielle : le tissu nerveux est le premier à se développer, suivi des tissus osseux, musculaire et finalement adipeux (Palsson, 1955).

2.2.1.2 Environnement contraignant

L‟accroissement du niveau alimentaire entraîne une augmentation de la croissance pondérale et une augmentation de la teneur en lipide du croît (Robelin, 1990). Le concept de maturité traduit l‟idée que pour les mammifères, il existe un format génétiquement déterminé vers lequel tend l‟animal en croissance. Lorsque les apports sont supérieurs aux besoins, l‟excédent d‟énergie est dirigé vers les réserves corporelles. Lorsque les apports sont en dessous des besoins, il y a dans un premier temps une réduction des dépenses énergétiques principalement via le métabolisme des tissus splanchniques (Hoch et Agabriel, 2004). Ensuite, les réserves corporelles sont sollicitées afin de préserver les tissus protéiques, prioritaires sur les tissus adipeux. L‟étude de Bocquier et al. (1998) a montré sur des chevrettes Alpines que pour une sous alimentation équivalente à 86 % des besoins pendant 40 jours, la croissance est stoppée et les réserves sollicitées (environ -60 g/j).

2.2.2 Modulation des priorités relatives des fonctions de gestation et de

gestion des réserves par la croissance

2.2.2.1 Expression du potentiel

Les primipares ont des gains nets de poids vif plus importants que les multipares pendant la gestation (Blanchard et Sauvant, 1974 ; annexe 1) confirmant que le processus de croissance se poursuit. L‟intensité de l‟effort physiologique de gestation, fonction de la taille de portée, module cette croissance : le gain de poids vif pendant la gestation diminue avec la taille de portée (Figure 6).

2.2.2.2 Environnement contraignant

Les résultats d‟Aregheore et al. (1992) montrent que pour une sous nutrition équivalente à 90 % des apports recommandés, le poids à la naissance n‟est pas affecté et le gain de la mère est réduit. Ainsi, comme pour les femelles matures, la gestation est prioritaire. Cependant, la gamme de sous nutrition supportée par les femelles en croissance semble plus réduite que celle supportée par les multipares. Dans des situations de sous nutrition sévère, les primipares présentent une probabilité d‟avortement plus élevée que les multipares (Mellado et al., 2004). La surnutrition de jeunes femelles en gestation a été très peu étudiée. Les travaux de Wallace (2000) montrent que chez les brebis en croissance et gestantes la surnutrition induit une

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augmentation de la croissance de la mère et un ralentissement de la croissance fœtale. Les priorités sont profondément modifiées par l‟excédent d‟énergie qui conduirait à une compétition entre hormone de croissance et hormones placentaires, les effets de ces dernières étant inhibés.

2.2.3 Modulation des priorités relatives des fonctions de lactation et de

gestion des réserves par la croissance

2.2.3.1 Expression du potentiel

Chez les femelles en lactation et en croissance, le début de lactation est caractérisé, comme chez les adultes, par une mobilisation des réserves pour supporter l‟exportation d‟énergie dans le lait. Cependant, les données du troupeau expérimental de l‟UMR PNA ont montré que la chute pondérale en début de lactation était moins importante chez les primipares que chez les multipares (annexe 1). La priorité de lactation diminue ensuite au profit de la reconstitution des réserves corporelles. Cependant, la demande énergétique liée à la fonction de croissance, la maturité incomplète des organes et le moindre investissement dans la fonction de reproduction des femelles en croissance modulent les règles d‟allocation d‟énergie entre les fonctions de lactation et de stockage d‟énergie. La production laitière des primipares est moins importante que celle des primipares et l‟allure de la courbe de production est différente : les primipares ont un pic de production moins prononcé que les multipares et une persistance plus élevée (Bouloc, 1991 en chèvre laitière ; Martin et Sauvant, 2002 en vache laitière). Au niveau de l‟évolution des réserves corporelles, Chilliard (1992) montre que chez la vache laitière la quantité de lipides déposés pendant le cycle est moins importante chez les primipares (86 kg de lipides) que chez les multipares (104 kg de lipides). Cet auteur montre également que les primipares ont déposé une quantité de lipides plus importante au moment du pic de lactation (89 kg) que les multipares (72 kg). Toujours chez la vache laitièr e, Friggens et al. (2009) montrent que les primipares ont un bilan énergétique (MJ/jour) moindre que les multipares. Cette moindre mobilisation semble être liée à la plus faible production laitière des primipares. Faverdin et al. (2007) précisent qu‟à même production laitière, les primipares ont une aptitude à la mobilisation plus importante que les multipares. Chez la chèvre laitière, la croissance semble accélérer la diminution des priorités de la lactation au profit de celle de stockage d‟énergie : les primipares ont un gain de poids vif environ deux fois plus important que les multipares sur le milieu de lactation (annexe 1).

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2.2.3.2 Environnement contraignant

Chez la chèvre laitière, la production laitière des primipares semble être moins sensible à une augmentation de concentrés que celles des multipares (Goetsch et al., 2001) indiquant que l‟excédent d‟énergie est redirigé vers le gain de poids vif. Cette partition est liée au fait qu‟il est moins possible pour les primipares de rediriger l‟énergie vers le lait, leur mamelle ayant une capacité de synthèse plus faible que les multipares (Friggens et al., 2004).

2.2.4 Modulation des priorités relatives des fonctions de gestation, de

lactation et de gestion des réserves par la croissance

Chez la vache laitière, il semble que l‟effet inhibiteur de la gestation sur la persistance de la production laitière soit moins fort chez les primipares (Coulon et al., 1995). L‟hypothèse avancée ici est que les mécanismes qui permettent aux primipares d‟être plus persistantes leur permettent aussi d‟être moins sensibles à l‟effet inhibiteur de la gestation. La différence entre primipares et multipares n‟a pas été étudiée chez la chèvre. L‟expression des règles de priorité entre gestation et lactation n‟a pas été étudiée sous l‟angle de la réponse aux apports énergétiques.